Dans une récente interview sur BFM TV, le ministre des Finances, Bruno Le Maire, prétend vouloir « accélérer le rythme de désendettement de la France ».
Un énorme mensonge
« Le rythme de désendettement » ? Vraiment ? Depuis quand la France serait-elle un pays dont l’État se désendette ?
Par définition, à chaque période de temps, la dette s’accroît du montant du déficit budgétaire. En d’autres termes, le déficit budgétaire est la dérivée première de la dette. Le déficit est un flux et la dette est son stock.
Or, l’État accumule les déficits budgétaires, chaque année et sans interruption, depuis 1975, sans doute à l’insu de Bruno Le Maire.
Grâce à ceux de sa caste, sur 68 millions de Français, un peu plus de 40 millions d’entre eux n’ont jamais connu un seul jour de « désendettement de la France » depuis leur naissance. En fait, moins de 14 millions de Français ont été en âge de voter à un moment où l’État se désendettait vraiment.
C’est un fait : bien que se considérant d’une intelligence très supérieure , le ministre n’est, de son propre aveu, « pas doué en maths ». Mais de là à imaginer que « moins plus moins, ça fait plus », il y a un pas qui devrait disqualifier tout prétendant à son poste.
Objectivement, le ministre a, au contraire, passablement « accéléré le rythme » d’endettement du pays.
La charge de la dette
Le ministre ose se plaindre du fait qu’« avant les élections présidentielles, le Trésor Public français empruntait pour financer sa dette à 0 %. Au moment de l’élection, on était aux alentours de 1 %. Aujourd’hui, on est à 3 %. »
Comme nous le soulignions dans notre précédent papier , la France vient juste de passer la barre symbolique des 3000 milliards de dettes.
Comme le pays est constamment en déficit, chaque hausse des taux d’intérêt implique d’emprunter à taux élevé pour remplacer une dette à taux bas.
Selon Bruno Le Maire, l’ancien ministre de l’Agriculture qui ne savait pas ce qu’était un hectare , « un point de taux d’intérêt en plus c’est, à horizon 2027, 15 milliards d’euros de charges supplémentaires sur la dette publique française ».
Mais ce chiffre est parfaitement sujet à caution. En effet, la vaste majorité de la dette française est souscrite à des échéances courtes. En l’occurrence, la maturité moyenne de la dette française est d’environ neuf ans. Quand on refinance 3000 milliards d’euros à 2 % de taux d’intérêt en plus, on se retrouve avec 60 milliards de charges d’intérêt supplémentaires.
Seuls 563 milliards d’euros de la dette publique française ont une échéance au-delà de l’année 2034. Tout le reste devra être refinancé dans les dix prochaines années.
Juste pour 2023 et 2024, les sbires de Bercy doivent trouver 141 milliards d’euros pour remplacer la dette à court terme, plus 139 milliards d’euros pour la dette arrivant à échéance cette année, plus 172 milliards d’euros pour l’an prochain ; sommes astronomiques auxquelles s’ajoutent environ 250 milliards pour couvrir les copieux déficits des deux années en question.
https://www.contrepoints.org/2023/0...
En 2023, les nouveaux emprunts seront supérieurs à l’ensemble des recettes.
Non seulement il suffirait d’un simple soubresaut politique ou social pour que les traders de Wall Street rechignent à avancer cet argent mais, en plus, toutes les sommes en question vont coûter au moins 2 % de plus par an.
Les agences de notations sont toujours très en retard sur les marchés mais elles réviseront inévitablement la note de la dette française. Celle-ci est probablement très surévaluée si on tient compte de la future récession et de la plus complète incapacité à tenir le budget.
Ceci renchérira le coût d’emprunter.
Là encore, on fera comme si ce n’était pas prévisible tout en commentant sur la dictature des marchés : les « spécialistes » feront le tour des plateaux de télévision en prenant l’air penché de la tour de Pise pour faire la promotion de la création d’une agence de notation gouvernementale contrôlée par l’Union européenne.
Tôt ou tard, la charge de la dette, soit environ 45 milliards d’euros, dépassera l’intégralité des recettes de l’impôt sur le revenu, environ 85 milliards.
Le financement de la dette française par des emprunts à court terme a été et sera une énorme bourde financière que l’on pouvait parfaitement anticiper. Cela fait d’ailleurs des années que nous tirons la sonnette d’alarme dans ces pages (ici , ici et là ).
La trajectoire continuera…
Il ne faut se faire aucune illusion.
Il n’y aura pas d’« accélération du rythme de désendettement de la France » pour la bonne et simple raison qu’il n’y aura pas de désendettement de l’État.
En fait, les déficits se creuseront, et avec eux l’endettement total des administrations publiques parce qu’aucun politicien n’aura le courage de baisser les dépenses, parce qu’il est impossible d’augmenter des impôts déjà complètement anti-compétitifs par rapport aux autres pays développés, et parce que la charge de la dette ira croissante.
La seule recette connue et éprouvée pour réduire une dette de plus de 100 % du PIB est un gel de la dépense nominale accompagné d’une forte croissance. Cette dernière ne peut provenir que d’une massive réforme fiscale concomitante à une drastique réduction de la réglementation, en particulier du travail.
Tout ceci n’a aucune chance de se produire dans un pays où la très vaste majorité du peuple nage dans la bouillie marxiste et élit, au mieux, des énarques keynésiens.
Pour s’en convaincre, il suffit de se référer à deux documents. Le premier est le programme chiffré du candidat François Hollande en 2012. L’autre est la présentation de la Loi de finance initiale (LFI) de 2018 aux économistes de marché par l’Agence France Trésor. Dans les deux cas, nous pouvons facilement comparer la réalité de la dette aux prévisions farfelues des politiciens…
Finalement, y-a-t-il une meilleure façon que ce graphique de donner sa vraie valeur à la parole de Bruno Le Maire ?