Un air de déjà-vu : Emmanuel Macron veut repartir à la rencontre des Français. Présentant à la presse régionale son plan de déconfinement, il a annoncé :« Dès le début du mois de juin,je vais reprendre mon bâton de pèlerin,et aller dans les territoires (…) pour reprendre le pouls du pays, aller au contact. » Il est vrai que l’échéance présidentielle approche. Mais le chef de l’État est-il prêt à entendre les exaspérations des oubliés ? Après un périple en Touraine et quelques bains de foule, il avait déclaré en mars 2018, huit mois avant la révolte des « gilets jaunes » : « Je ne sens pas la colère. » En décembre de la même année, il avait parlé de « foule haineuse » en désignant ceux de la France modeste, contraints de descendre dans les rues pour se faire voir et entendre. En réalité, la répulsion pour la province est un sentiment que Macron a du mal à dissimuler. Ce monde n’est plus le sien. Il ne sait pas lui parler simplement.
L’incompréhension entre Macron et la France silencieuse vient de loin. Sa distance est probablement à rechercher dans la rupture précoce de l’adolescent avec sa trop paisible ville natale d’Amiens, qu’il fuit à 17 ans pour rejoindre Paris et son effervescence. C’est du moins une grille de lecture que propose le journaliste Hervé Algalarrondo (1), parti sur les traces de ce « nouveau déraciné ». Michel Rocard, qui fut son parrain en politique, l’a vu « ignorant de l’histoire ». Jean-Pierre Jouyet, ex-proche du président, raconte que le jeune inspecteur des finances de naguère avait, contrairement à ses pairs, « réduit au minimum ses tournées en région, préférant se consacrer à des missions d’ordre plus général qui pouvaient être menées à bien depuis la capitale ». Tout, dans le comportement du chef de l’État, accentue le gouffre qui le sépare de « ceux qui ne sont rien ». Il n’a rien fait pour s’en rapprocher.
Le « dégagisme », qui a porté Macron en 2017, pourrait lui revenir en boomerang. Le vrai monde de demain ne s’accorde pas au progressisme, mondialiste et post-national, revendiqué par le président.
(1) Deux jeunesses françaises, Grasset.