Pathétique, voire attendrissant, le spectacle offert par le Président et son gouvernement durant la trêve des confiseurs. Ils sont tellement conscients d’avoir été mauvais sur la forme qu’il essaient de compenser les vacances post-électorales par un trop plein de présence en fin d’année. Cette séance de rattrapage participe de deux fautes majeures de la politique actuelle : d’abord, la communication a totalement dévoré l’action. Il faut désormais paraître, envoyer des signaux, donner des images aux chaînes d’information. L’action déterminée, poursuivant des objectifs à long terme, a dans un premier temps déserté les écrans, puis a complètement disparu. La Politique-Spectacle a tué l’Action politique. Ensuite, il n’est pas sûr que sur le fond, nos idéologues du secteur public protégé aient compris à quel point ils continuent d’engager notre pays dans un contre-sens suicidaire. Les derniers chiffres du chômage avec près de 30 000 demandeurs d’emploi supplémentaires sont pourtant révélateurs.L’action doit aussi être précédée d’une réflexion qui libère des préjugés et des réflexes idéologiques. Cela demande quelques connaissances, une appréhension réaliste des données du problème, et un choix méthodique et cohérent des solutions à mettre en oeuvre. L’obsession de l’ennemi idéologique à combattre à travers des symboles est le plus sûr moyen d’agir stupidement.
Or, cette obsession hante à chaque instant la majorité actuelle. La Gauche a ciblé un certain nombre de délits d’existence, qui ne sont pas très différents du racisme, sauf qu’ils visent des situations sociales et non des origines : les riches, qu’il faut taxer jusqu’à les faire fuir, et dont on n’hésite pas alors à réclamer la déchéance de nationalité qu’on refuse pour les tueurs de policiers ; les propriétaires, qui doivent être fichés et réquisitionnés au besoin ; les patrons, toujours coupables de jouir sans mesure de l’exploitation des salariés, et qui doivent mettre leur capital à disposition, sans percevoir la rémunération du risque et sous la menace de la nationalisation ; les catholiques, priés d’observer la sainte laïcité, dès la porte de leurs églises et jusque dans leurs écoles. Avec un pareil mur de préjugés entre le réel et la pensée, la majorité rose et verte, toujours menacée par l’ombre rouge, a fait preuve d’un courage sémantique inouï : à la suite du rapport Gallois, elle a osé le mot « compétitivité » ! Après un programme totalement irréaliste, un choc fiscal décourageant, elle a annoncé, non pas un choc, mais un pacte. Cette manie des pactes est étonnante : comme si la guerre civile régnait en permanence dans notre pays et qu’on ne pouvait tout simplement pas appeler à la mobilisation pour le Bien Commun, contre les maux intérieurs, le coût du travail, le poids de la dépense publique, l’excès de réglementation, et bien sûr contre les rivaux et concurrents étrangers ! Le « pacte » est salué par le patronat. L’opposition a approuvé les propositions du rapport et a critiqué les faiblesses du pacte : service minimum alors que la lutte interne est davantage sa priorité.
Et pourtant, ce moindre mal, cette médiocrité habituelle de nos actions politiques, ne répondent pas à la gravité de notre situation. Les entreprises apprécient le ballon d’oxygène du crédit d’impôt. Le gouvernement se félicite de ce gain de compétitivité de six Milliards ciblé sur une masse salariale stratégique. Mais précisément, ce dont l’économie française avait besoin, çà n’était pas d’un ballon généreusement octroyé par l’hôpital public, c’était d’un changement d’air, autrement dit d’une réforme structurelle. Celle-ci devait clairement revoir le financement de la protection sociale, en libérant l’entreprise des charges qui ne sont pas liées au travail pour les faire peser sur la solidarité nationale de l’impôt, et de cet impôt qui ne toucherait que le pouvoir d’achat des produits importés, la TVA, dés lors que le coût du travail, en France, aurait baissé avec la réduction des charges. C’est en actionnant ce levier que la Suède affiche aujourd’hui une enviable santé : avec sa TVA à 25%, depuis 1988, ce pays qui n’a pas adopté l’Euro, et a mis en oeuvre une gestion rigoureuse des finances publiques fondée sur une obligation cyclique d’excédent budgétaire, peut espérer en 2013 une croissance de 1,9% et un déficit de 0,3%. La part industrielle de la valeur ajoutée y est de 21,2%. La France est passée de 24% à 12,6% entre 1980 et 2011. Notre croissance sera de 0,4% et le déficit de 3,5% en 2013. Le gouvernement a, cependant, réduit les propositions d’un rapport déjà timoré à cette usine à gaz du crédit d’impôt piloté par l’Etat, quand il fallait au contraire libérer les acteurs économiques, leur donner les moyens de lutter à armes égales dans la grande cour de la mondialisation.
De plus, la complexité et la confusion ont, une fois encore, entouré les mesures gouvernementales. C’est là une habitude nationale dont la gauche n’a pas le monopole. Le financement des mesures est reporté d’un an pour ne pas s’ajouter au choc fiscal, à l’évidence en contradiction avec elles. Après l’annulation de la modeste et tardive TVA sociale de Sarkozy, au mépris de toute logique, La TVA sera augmentée en 2014, mais surtout dans des domaines qui ne touchent pas notre commerce extérieur, mais risquent de subir un impact négatif en termes d’emplois, la restauration ou la construction. Un certain nombre de dispositifs instaurés par les gouvernements précédents sont discrètement maintenus ou amplifiés, en matière de financement ou de mutualisation des entreprises, dans le domaine de la recherche et on peut s’en féliciter. Mais l’impasse est totale sur l’essentiel. Par démagogie électoraliste, la majorité précédente, fortement implantée en Seine-et-Marne, avait condamné le gaz de schiste. Or c’est aujourd’hui l’une des clefs de la reprise américaine, et la France, qui posséderait la moitié des réserves européennes, la France du Principe de Précaution, renoncerait à cet atout !
Une hirondelle ne fait pas le printemps. Un bateau, même très gros, ne constitue pas une reprise économique. La commande passée aux Chantiers de Saint-Nazaire crée dix millions d’heures de travail. On comprend que le rôle joué par l’Etat soit magnifié par Moscovici, ravi de régler ses comptes avec Montebourg. On espère que ce rôle n’ait pas outrepassé les règles de la concurrence. On souhaiterait surtout que cet arbre d’un Etat trop souvent invoqué ne cache pas la forêt des entreprises qui ne comptent que sur elles-mêmes, l’efficacité de leurs équipes, la qualité de leurs produits ou de leurs services et qui demandent à l’Etat de créer les conditions de leur réussite, non de leur indiquer la marche à suivre. C’est à ce prix que la guerre pour l’emploi pourra être menée et gagnée !