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L’hôpital est un gouffre sans fond mais il peut encore être sauvé

, par  Bernard Kron , popularité : 7%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.
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Par Bernard Kron.

Nos hôpitaux se meurent faute de personnels soignants.

Avec 50 milliards d’euros de déficit en partie cantonnés à la CADES rien ne pourra se faire avec le Ségur de la santé sans une profonde réforme. Son administration les étouffe et empêche les soignants d’exercer leur métier.

Avec 4 % de déficit structurel annuel, injecter de l’argent frais ne règlera rien. Les hôpitaux ne manquent pas de lits car ceux-ci sont fermés faute de soignants. Il y a en effet « toujours plus de barreurs à l’hôpital, les administratifs, et moins de rameurs, les soignants. » Le privé est maintenant menacé. On sait comment cela se passe dans les pays dépourvus de secteur privé : c’est l’allongement sans fin des listes d’attente à l’hôpital et des soins confiés à des officiers de santé.

La formidable réforme de 1958 avec la création des CHU a lancé l’hôpital dans le train du progrès. Depuis, ce train a ralenti car le système est resté figé ; plus grave, il s’est alourdi avec des wagons administratifs ajoutés au fil des nouvelles lois de santé. L’État détruit ce qu’il a créé à force de légiférer à tout-va et de disséminer partout son administration et sa rigidité.

Au Moyen-Âge les Hôtel-Dieu étaient installés en centre-ville. Ils causaient de graves épidémies. Beaucoup ont dû fermer, faute de ne pouvoir être modernisés. De nouveaux hôpitaux ont été construits en périphérie des villes, avec de gros budgets et un endettement souvent à taux toxique impossible à rembourser. Les anciens bâtiments ont été mal valorisés car souvent classés au patrimoine et donc difficiles à transformer.

Les personnels

Malgré un budget de plus de 70 milliards par an, les problèmes de recrutement des médecins et de tous les personnels soignants perdurent. L’hôpital absorbe près de 40 % du budget santé pour n’assumer que 25 % des soins.

Il compte 1 200 000 salariés et 100 000 médecins. 30 % de postes titulaires ne sont pas pourvus et 30 000 médecins ne sont pas diplômés en France. Ils ont pourtant sauvé l’hôpital public de la paralysie lors de la pandémie. L’hôpital dispose de 33 % de personnels technico-administratifs. Ils sont plus nombreux qu’en Allemagne qui en compte 22 %, soit la moitié en plus. Le personnel administratif coûte 5,5 % du budget santé, soit deux à trois fois plus que celui de nos voisins d’Europe du Nord.

Les personnels de direction

Le nombre d’échelons administratifs a augmenté à chaque réforme. Les strates de direction de l’hôpital s’empilent sans s’annuler. La plupart des médecins et infirmières constatent ainsi une augmentation importante de la hiérarchie administrative qui les paralyse et les détourne des soins. Avec la pandémie les médecins ont repris leur pouvoir organisationnel dans l’urgence, les directions restant cloîtrées de peur d’être contaminées.

L’exemple de lAssistante publique-Hôpitaux de Paris

Elle regroupe 39 hôpitaux avec 20 000 lits et compte plus de 100 000 salariés dont 12 500 médecins, 3000 internes et 16 500 infirmières et aides-soignants. Les difficultés de recrutement sont particulièrement marquées comme dans toute l’Île-de-France.

Les strates administratives se sont multipliées , empêchant une réelle revalorisation des salaires.

Aux ARS et aux GHT se superposent : la Direction hospitalière avec parfois plus de 40 directeurs, le Conseil d’administration, le Conseil de surveillance, le Conseil médical d’établissement, la direction technico- administrative, les Pôles et les Services.

Les 12 groupements hospitaliers (GH) sont ramenés à six. Il y a donc un directeur de groupement hospitalier mais il existe toujours un directeur pour chaque hôpital. La réforme conserve 75 départements médicaux universitaires. Comment les chefs de service peuvent-ils assurer leur triple mission de soins, d’enseignement et de recherche avec la surcharge administrative ? Cette situation va encore s’aggraver avec la réforme du troisième cycle qui va détruire ce qui restait de l’internat.

Les salaires des grands directeurs

L’École de Rennes a vu ses vœux exhaussés par Nicolas Sarkozy avec la Loi santé : un seul patron à l’hôpital, le directeur. L’hôpital et ses soignants ont été mis à genoux.

Dans un Centre hospitalier régional le salaire annuel des directeurs généraux peut s’élever jusqu’à 134 000 euros. Lorsqu’on ajoute les indemnités et les primes, soit une vingtaine, la donne change complètement ! Celles-ci sont en moyenne équivalentes à 85 % du traitement indiciaire. Leur salaire peut donc être doublé. Ainsi un décret de 2012 peut leur octroyer une prime annuelle pouvant atteindre chaque année 67 200 euros s’ils acceptent de rester à leur poste plus de cinq ans dans les hôpitaux en difficulté.

Ces dépenses incontrôlées expliquent la pénurie de soignants car eux sont sous-payés faute de budgets. Cette pénurie est également la conséquence de la réforme des 35 heures avec des salaires les plus bas d’Europe. Des dizaines de milliers de postes sont vacants. La situation est encore plus grave à Paris car avec un salaire moyen de 2000 euros mensuels, quelle infirmière pourrait se loger dans la capitale ou sa proche banlieue ?

Pour être rentable un séjour à l’hôpital doit être court. Mieux vaut donc renvoyer au plus vite, et parfois trop vite, le malade chez lui… quitte à le réadmettre quelques jours plus tard, en générant un nouvel acte à nouveau rentable. Les missions de service public, la nécessité de lits disponibles pour faire face à des événements exceptionnels n’ont guère de place dans un tel système, ce qui explique le drame actuel dans nos hôpitaux.

Depuis ces réformes les difficultés se sont accumulées : accroissement des tensions au niveau des urgences , allongement des temps d’attente pour les activités programmées ou non programmées, émiettement et manque de visibilité du système de soins, inégalités géographiques dans la répartition des professionnels de santé.

La Covid est en train d’achever la T2A car l’hôpital ne peut plus faire face sans que ses capacités soient augmentées.

Jean Castex est de retour en tant que Premier ministre avec Nicolas Revel comme directeur de cabinet. Ils avaient déjà été à la manœuvre pour promouvoir le système de santé actuel. Jean Castex a aussi été directeur de cabinet de Xavier Bertrand de 2006 à 2007, également très critiqué, comme la loi HSPT avec les ARS.

En 2010, il remplace Raymond Soubie au poste de conseiller aux affaires sociales puis il est nommé secrétaire général adjoint de l’Élysée. C’est bien le retour du monde d’avant.

Dans ces conditions comment serait-il capable de mener à bien une bonne réforme si près de l’échéance de l’élection présidentielle ?

Les agences de santé et les ARS

Elles sont supposées assurer la coordination de la prévention, des soins et de l’accompagnement. Elles sont loin d’être neutres ! Elles ont été incapables de mettre la main sur le nombre de masques nécessaires pour éviter le confinement et ont privé les cliniques de produits d’anesthésie, ce qui avec les réquisitions les ont paralysées.

À titre d’exemple, la plus importante et la plus obèse est devenue une véritable agence autoritaire. Il s’agit de l’ARS de Île-de-France, divisée en directions et en pôles de compétences.

Aurélien Rousseau, Directeur général de l’Agence, a été nommé en Conseil des ministres. Il est secondé par Nicolas Péju – Directeur général adjoint – qui anime le réseau des délégations territoriales et pilote la mise en œuvre des projets prioritaires de l’Agence. Pour l’exercice de ses missions, le directeur général s’appuie sur un comité exécutif (ComEx) composé de 10 membres responsables des grandes directions de l’Agence et d’un comité de direction (CoDir), présidé par le directeur général, composé du ComEx, des délégués territoriaux et des 7 pôles métiers.

Autre effet pervers de la T2A : surmortalité de 9 % pour les patients en attentes aux urgences

Faute de personnels et de places, beaucoup de patients passent des heures, voire des nuits entières sur des brancards dans les couloirs. Les lits disponibles existent dans ces monstres hospitaliers mais leur disponibilité n’est pas répertoriée ou bien ils sont fermés faute de personnels.

Au lieu de faire accélérer ces restructurations la pandémie a tout arrêté. Patrick Pelloux réclamait des moyens supplémentaires pour les urgences. À l’inverse, la nièce de Pierre Mauroy, urologue, plaidait avec raison pour des réformes d’envergure afin de résoudre l’engorgement de ces services.

La situation préoccupante des soins en chirurgie

L’avis du chirurgien est retardé par ce système, et ce d’autant plus que de nombreux urgentistes sont mal formés au diagnostic chirurgical. Ils attendent le sacro-saint scanner avant d’appeler le chirurgien.

Les médecins sont de plus en plus ulcérés de l’emprise toujours plus grande de l’État sur tout le système. Ce paternalisme administratif est inefficace. Plus grave, la réquisition des cliniques pour faire face à la pandémie va leur interdire pendant plusieurs mois d’opérer les malades de chirurgie lourde et des cancers faute de lits de réanimation disponibles.

Ainsi comme les gosplans soviétiques qui se sont toujours trompés, le numerus clausus et les contraintes sont à l’origine du développement des déserts médicaux et de l’engorgement des services de réanimation.

Bernard Kron est Vice-Président de l’Association des Anciens Internes des Hôpitaux de Paris. Membre de l’Académie Nationale de Chirurgie, il est l’auteur du livre Blouses Blanches colère noire , Éditions Max Milo, paru le 9 mars 2021.

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