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L’enfer est pavé de bonnes intentions – Le contrôle des prix

, par  Johan Rivalland , popularité : 6%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

Illustration à travers la loi du Maximum ou les leçons à retenir du passé pour ne pas renouveler les erreurs fatales.

Dans un article édité très récemment dans ces colonnes, Jean-Yves Naudet explique parfaitement comment, à vouloir bloquer les prix, on a de fortes chances de déclencher des pénuries. Il nous rappelle ainsi les mécanismes de base qui expliquent la détermination des prix en tant que signal, mais aussi régulateur de l’offre et de la demande sur un marché. Prétendre influer sur le prix en le bloquant artificiellement n’a pour effet que de fausser les mécanismes du marché et susciter des effets pervers généralement contraires à ce qui était recherché.

Les leçons de l’histoire

Et c’est vrai dans tous les domaines, sur tous les marchés, y compris par exemple celui du logement . La science économique et l’histoire des idées économiques l’ont amplement démontré. Mais voilà… qui se soucie de l’expérience et de l’histoire, parmi ceux qui entendent gouverner ? Trop rares sont ceux qui sont au fait des réalités avant d’agir, de proposer, de se présenter en donneurs de leçon. Ce qui – dans ce domaine comme dans d’autres – est un vrai problème.

Relisons Jean-Baptiste Say, et sa démonstration au sujet des dangers de l’intervention de l’État , pour mieux nous en convaincre. L’histoire a parfois tendance à se répéter, hélas, tant certains négligent de prendre en compte les leçons du passé comme des travaux des économistes. C’est bien d’ailleurs la tentation, en grande partie démagogique, dont LFI notamment a pu faire preuve une fois de plus durant la campagne législative.

Alors que j’étais encore étudiant à l’Université, il y a maintenant fort longtemps, je me souviens avoir choisi de lire et présenter, dans le cadre de conférences de méthode, une analyse d’un ouvrage d’un économiste hongrois, Janos Kornaï , intitulé L’économie de la pénurie . Je regrette de ne plus pouvoir mettre la main sur les abondantes notes que j’avais prises et la synthèse analytique que j’en avais faite, qui m’aurait sans doute permis d’en faire une présentation à travers un autre article. Toujours est-il que, là encore, nous pouvions bénéficier d’une étude très approfondie des effets pervers du système soviétique et de la catastrophe à laquelle il a mené, qui a entraîné parmi d’autres facteurs la chute de l’URSS. Il était question, une nouvelle fois, mais avec une intensité extrême, de planification, de contrôle de la production et de contrôle des prix, par des instances centralisatrices, en dehors de toute logique de marché et de réalité des logiques entrepreneuriales.

Le salaire aussi est un prix

Mais venons-en à la loi du Maximum. Au sujet de laquelle je renvoie à l’article détaillé et passionnant de Gérard-Michel Thermeau, dans le contexte de la Terreur . Jean-Yves Naudet, dans l’article cité en début de cet article, l’évoque directement lorsqu’il écrit :

Pendant la Révolution française, face à une hausse considérable des prix, une loi, promulguée le 4 mai 1793, fixait un maximum du prix des grains, donc du pain, par département, puis une loi du Maximum du 29 septembre 1793 fixait un maximum décroissant du prix des grains et d’un grand nombre de produits de première nécessité. Les résultats ont été immédiats, semblables à ceux de l’Edit de Dioclétien : effondrement de l’offre sur les marchés, car personne ne veut vendre à perte, provoquant une pénurie des produits et un rationnement, s’accompagnant de la délation, la répression, l’emprisonnant des contrevenants, parfois même guillotinés !

Dans son ouvrage La chute de Robespierre , que nous avons présenté récemment, Colin Jones évoque quant à lui précisément cette période (notamment pages 125 à 135) et montre en quoi cette loi, qui n’est pourtant pas l’œuvre de Robespierre, qui y était d’ailleurs opposé, a participé à la confusion des dernières heures qui ont précipité sa chute.

L’autre versant de la loi – au-delà du prix des grains dont l’objectif était de répondre à la question du droit de subsistance introduit dans la nouvelle Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793, d’inspiration moins libérale que la première – porte en effet sur les salaires.

Or, là encore on sait en science économique que le salaire, sur le marché du travail, est un prix. Alors que l’alliance des Montagnards et des sans culotte à la mi-1793 avait abouti à ce blocage du prix des grains, les dysfonctionnements ainsi engendrés – auxquels s’est ajouté le problème du paiement en assignats , cette monnaie papier qui s’est spectaculairement dévalorisée – ont entraîné des conséquences qui n’avaient pas été prévues en matière de salaires. Qui vont mettre le feu aux poudres et jeter les ouvriers parisiens excédés dans la rue :

Le second épisode indiquant une divergence croissante entre le peuple et le gouvernement est la décision d’appliquer pour la première fois à Paris un maximum sur les salaires. En France, le maximum touche les prix et les salaires, mais à Paris, la Commune a réussi à différer l’application des dispositions salariales de la loi ; Or, c’est elle, maintenant, qui est à la tête du revirement. Elle a reconnu la nécessité de la mesure le 5 juillet, dans le contexte d’une insubordination des travailleurs dans toute la ville, et des inquiétudes du Comité de salut public quant aux coûts de production de l’industrie de guerre. Une nouvelle échelle des salaires a été élaborée et publiée il y a quelques jours, le 23 juillet (5 thermidor). La Commune a fait tout son possible pour la communiquer immédiatement aux sections. Elle a introduit un véritable choc, car les nouveaux maximums salariaux ne sont pas du tout alignés sur les prix, ce qui va mécaniquement se traduire par de fortes baisses des salaires. Les charpentiers vont voir leur paie quotidienne amputée de moitié, et celle des forgerons les mieux rémunérés, dans les fabriques d’armes, de près des deux tiers. (Les ouvriers ne le savent pas, fort heureusement, mais tandis que leurs salaires sont dans le collimateur, ceux de l’agent national Payan et des employés du Comité de salut public vont être considérablement augmentés).

S’en suivent, comme nous le disions plus haut, grèves et manifestations. Tandis que l’alliance entre les Montagnards et les sans culotte se trouve mise à mal et que la colère contre la Commune en particulier est vive. Toutes choses qui vont jouer un rôle crucial dans les dernières heures avant la chute de Robespierre…

Comme l’explique Gérard-Michel Thermeau dans son article, la taxation du prix du travail en vue de limiter l’inflation galopante, n’a fait que surajouter au mécontentement de la population parisienne et a abouti à décourager les agriculteurs et commerçants, renforçant ainsi les pénuries. Tandis que les tensions étaient encore attisées par les Enragés, ancêtres des LFI, prompts à toujours dénoncer « les gros marchands, banquiers et commanditaires, ces sangsues du peuple qui ont toujours fondé leur bonheur sur son infortune… », conduisant la Commune à renforcer l’appareil répressif de surveillance des boulangers et autres charcutiers. Ce qui a eu pour résultat la mise sur le marché de produits de très mauvaise qualité et de contrefaçons, quand les boutiques ne fermaient pas tout simplement, faute de marchandises à vendre.

(…) Le blocage des prix fait ainsi fi des réalités économiques.

La Commune envoie alors des « commissaires à distribution » pour forcer les bouchers à ouvrir leurs étals. [Tandis que] (…) dès que des marchands s’efforcent d’amener de la campagne des voitures chargées de provisions, celles-ci sont attaquées et pillées par des groupes de femmes qui imposent un prix dérisoire. Mais ces citoyennes engagées vont en réalité ensuite revendre deux ou trois fois plus cher ce qu’elles ont acquis de cette façon douteuse. C’est là un autre résultat du blocage des prix.

(…) Beau résultat. Sous prétexte de faire payer moins cher les produits de première nécessité, on a provoqué leur disparition sauf pour ceux qui en ont les moyens.

Alors qu’en pensent nos politiques ? Et notamment ceux qui sont si prompts à promouvoir des mesures éculées qui ont fait pourtant la preuve non seulement de leur inefficacité, mais même de leur grande dangerosité ?

En politique comme en d’autres domaines, il ne suffit pas d’avoir de bonnes intentions. Encore faut-il avoir la connaissance. Et se méfier des solutions faciles ou séduisantes sur le papier, souvent moins reluisantes dans la réalité et susceptibles de mener droit en enfer…

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