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L’échec de la souveraineté énergétique française révélé

, par  Philippe Charlez , popularité : 4%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

Depuis mi 2021, la crise énergétique exacerbée par le conflit russo-ukrainien nous a replongé au milieu des années 1970 quand le premier choc pétrolier avait sonné le glas des Trente glorieuses, engendrant l’apparition de l’inflation à deux chiffres, de la dette endémique et du chômage de masse.

Comme souvent, il faut attendre ces situations de crise pour en analyser les causes structurelles. Telle est la louable mission octroyée à la Commission d’enquête sur la souveraineté et l’indépendance énergétique lancée à l’initiative du parti Les Républicains et présidée par l’excellent Raphaël Schellenberger, député LR de la circonscription de Fessenheim.

Pour une fois, ce ne fut pas la commission de la « langue de bois » et du « politiquement correct ».

Durant près de six mois, de nombreuses personnalités impliquées depuis 30 ans dans le secteur énergétique français ont été auditionnées : experts et scientifiques, anciens dirigeants de grandes entreprises publiques et privées et d’organismes de régulation dégagés de toute pression politique, hauts fonctionnaires, anciens ministres et même, fait inédit dans ce genre d’exercice, deux anciens présidents de la République (Nicolas Sarkozy et François Hollande). Ainsi, des personnalités reconnues au tempérament bien tranché comme Yves Bréchet (Haut-commissaire à l’énergie atomique), Henri Proglio (ancien président d’EDF) ou encore Loïc Le-Floch Prigent (ancien président d’Elf et de Gaz de France) ont pu s’exprimer en toute transparence. Par ailleurs, l’énergie étant gouvernée par le « temps long », les auditions ont couvert un passé remontant jusqu’au début des années 1990.

De l’incompréhension à la consternation

Selon les propres mots de Raphaël Schellenberger : « nous sommes passés de l’incompréhension à la surprise puis à la consternation ».

La Commission retrace une lente dérive inconsciente et aventureuse , une véritable « divagation politique » résultant d’une déconnexion complète entre science et politique. Comme souvent, les nombreux rapports élaborés par des experts n’ont été ni lus ni suivis, alors qu’ils pointaient pourtant du doigt un déphasage croissant dans le domaine de l’énergie en général, du nucléaire en particulier.

Dominées non par la raison, mais par l’électoralisme et le clientélisme, les décisions furent prises « à l’envers, sans méthode et sans prospective ». Sans concession, le rapport estime qu’à la suite de cette « divagation énergétique » trentenaire, la France a accumulé « un retard considérable en termes de souveraineté énergétique ».

C’est durant la période 1990 à 2010 que le mal a planté ses racines. L’aboutissement du plan Messmer et les capacités d’exportation de la France ont alors donné l’illusion d’une surcapacité électrique. À l’opposé de nos ainés qui avaient remarquablement répondu aux deux chocs pétroliers, nous n’avons pas anticipé un futur pourtant parfaitement anticipable : la transition énergétique reposant sur le grand remplacement des équipements thermiques par des équipements électriques, il était évident dès l’aube du XXIe siècle qu’il nous fallait accroître notre capacité de production électrique en associant énergies renouvelables et nucléaire.

Or, sous la pression des Verts associés à la gauche plurielle au sein du gouvernement Jospin, c’est la stratégie inverse qui dominera : investissements massifs dans les énergies renouvelables sans volonté de garantir la pérennité d’un parc nucléaire vieillissant. Cette politique sera poussée à son paroxysme après la catastrophe de Fukushima par une Europe bruxelloise ou plutôt berlinoise antinucléaire décidant sans broncher d’imposer à l’ensemble du Vieux Continent la suicidaire Energiewende allemande .

Ainsi, pour satisfaire les velléités allemandes, la loi de 2015 proposa de réduire le nucléaire à 50 %, décision officiellement justifiée par une potentielle stagnation voire même une baisse de la consommation d’électricité, et ce au mépris de toutes les données disponibles. Pour montrer sa bonne volonté vis-à-vis des Verts (participants au gouvernement Ayrault en 2012) et de l’Europe, la France a mis fin en 2019 au projet Astrid (nucléaire de quatrième génération) et fermera mi 2020 les deux réacteurs de la centrale de Fessenheim .

Prise de conscience bien tardive

Bien que salutaire, le discours de Belfort prononcé par le président de la République en février 2022 ne changera pas la donne à court et moyen terme.

La volonté affichée de construire six EPR et de réfléchir à en lancer huit autres, mais aussi de porter respectivement à 40 GW et 100 GW l’éolien en mer et le solaire ne gommeront pas en un clic les divagations énergétiques de ces trente dernières années. D’autant que cette louable volonté risque ne pas se concrétiser dans les faits. Nous émettons en effet quelques doutes quant à notre capacité à construire d’ici 2050 une EPR tous les deux ans (la première EPR aura mis 15 ans à sortir de terre) et trois parc éoliens off shore semblables à celui de Fécamp tous les ans (l’appel d’offres a été lancé en 2011 et il devrait fournir ses premier MWh en août 2023).

Les « six leçons énergétiques pour les 30 prochaines années » détaillées en page 39 du rapport (temps long, maîtrise de la demande, nécessité de relancer la recherche, l’énergie n’étant pas un bien comme un autre, l’électricité ne fera pas tout) associées à « 30 propositions pour relancer la France » sont certes pertinentes mais elles font l’impasse sur un point essentiel que la commission d’enquête s’est bien gardée de développer.

Même si l’accélération massive de l’électrification était atteinte (14 EPR, 100 GW de solaire, 40 GW d’éolien terrestre et 40 GW d’éolien marin) la France devra parallèlement augmenter ses importations de gaz afin de suppléer les 30 années de divagation énergétique nucléaire au sein de la génération électrique, mais aussi en dehors de celle-ci pour assurer les besoins en chaleur de l’industrie et de l’habitat. On estime en effet que l’électricité (qui compte aujourd’hui pour 25 % de l’énergie finale) représentera 60 % à 65 % à l’horizon 2050. Les 35 % restants ne pouvant être couverts en totalité par la biomasse, un reliquat de fossiles (principalement du gaz, mais probablement encore un peu de pétrole) restera bien présent dans le mix énergétique 2050.

D’où la question clé : d’où viendra ce gaz ?

En finir avec l’utopique politique européenne

Refusant obstinément de développer son gaz domestique , la France devra impérativement chercher de nouveaux débouchés gaziers. En dehors du GNL, le salut pourrait aussi venir de l’est méditerranéen (Chypre, Liban, Israël, Égypte) transformé en nouvel Eldorado gazier. La région n’est toutefois pas exempte de tensions géopolitiques avec une Turquie voyant d’un très mauvais œil des développements gaziers en périphérie de ses eaux territoriales.

Enfin, et surtout, la France est-elle prête à donner un coup de pied dans la fourmilière européenne dont le « green deal » a été écrit par les ronds-de-cuir des salons bruxellois en filigrane de l’Energiewende allemande. Utopie du 100 % renouvelable, antinucléarisme endémique, réduction de 55 % des émissions à l’horizon 2030, réduction irréaliste de la consommation, isolation idéologique de l’habitat ou encore interdiction de la vente de voitures thermiques neuves en 2035 , l’Europe poursuit sans relâche le délire de ses agendas inversés.

Il est grand temps que la droite prenne une fois pour toutes cette thématique à bras-le-corps. Rejetant sans ambiguïté le mythe empoisonné de la décroissance et ses dérives punitives, « l’écologie de droite » doit repenser la transition énergétique de façon pragmatique en privilégiant le développement de Sapiens tout en respectant Gaïa. L’opinion publique silencieuse le réclame de ses vœux.

Pour davantage d’informations, consulter le nouveau livre de Philippe Charlez

Les dessous d’une catastrophe énergétique

publié aux Éditions Kiwi.

Voir en ligne : https://www.contrepoints.org/2023/0...