Le journal Le Parisien a récemment fait paraître une étude de l’IFOP réalisée en association avec l’UEJF (Union des étudiants juifs de France), dont il ressort que les actes antisémites (remarques, injures, agressions) stagnent, voire progressent à l’université : 91 % des étudiants juifs interrogés disent en avoir été victimes ! Et ce alors que l’antisémitisme et la haine d’Israël sont considérés comme répandus à l’université par seulement 28 % des étudiants (juifs et non-juifs) interrogés – contre 56 % pour le racisme et l’homophobie, et 63 % pour le sexisme.
On apprend par ailleurs – et c’est notamment ce chiffre qui nous intéresse ici – que 83 % des étudiants juifs interrogés redoutent « les actes et violences d’extrême gauche », et 63 % ceux d’extrême droite. Cette étude révèle donc très clairement ceci : les étudiants juifs semblent aujourd’hui craindre davantage l’extrême gauche que l’extrême droite.
Ces résultats mettent donc à mal l’idée rebattue que l’ultragauche incarnerait toujours et nécessairement le « combat antifasciste », et que l’extrême droite détiendrait le monopole de l’antisémitisme.
Comme l’indique Frédéric Dabi, (IFOP), « avant, c’est de Jean-Marie Le Pen que venaient les inquiétudes. Aujourd’hui, c’est de Jean-Luc Mélenchon ».
Vers une nouvelle « gauche Corbyn » ?
On se rappelle la récente la polémique, survenue en août 2023, autour de l’invitation du rappeur Médine aux universités d’été de LFI et des écologistes, et qui a renforcé l’idée qu’il existe une complaisance de l’ultragauche à l’égard de l’antisémitisme.
Caroline Yadan, députée Renaissance, avait alors qualifié Médine de « rappeur islamiste et antisémite adepte de la quenelle, des Frères musulmans et des doubles discours, ami de Tariq Ramadan et de Dieudonné, admirateur d’Alain Soral et auteur d’un calembour déshumanisant sa victime juive ».
Mathieu Lefèvre , député lui aussi Renaissance, avait soutenu pour sa part qu’« il n’y a plus rien de républicain dans La France insoumise », ajoutant qu’« il y a un antisémitisme de gauche et d’extrême gauche qu’il faut combattre dans notre pays ».
C’est dans ce cadre-là que Mathieu Lefèvre et Caroline Yadan ont organisé un colloque intitulé « Les habits neufs de l’antisémitisme », qui a eu lieu le 11 septembre 2023 à l’Assemblée nationale.
Un colloque dont la tenue est révélatrice d’une inquiétude, ainsi que le rappelle un récent article du Point : celle de voir une « gauche Corbyn » détrôner la gauche laïque et républicaine, jadis incarnée par Jaurès.
Pourquoi cette référence à Jeremy Corbyn, ancien chef du Parti travailliste au Royaume-Uni entre 2015 et 2020 ?
Car ce dernier fut accusé en 2020 de complaisance envers l’antisémitisme exprimé au sein du Labour ; or loin d’être boycotté, il fut reçu en juin 2022 par Danièle Obono et Danielle Simonnet (LFI), alors candidates aux élections législatives. « Beaucoup d’émotion et de fierté de recevoir, ce soir, Jeremy Corbyn , député de Londres », avait même tweeté Danielle Simonnet le 3 juin 2022.
Des préjugés aussi navrants qu’archaïques, remontant à Marx même
Selon l’enquête de l’IFOP récemment publiée, 24 % des étudiants interrogés considèrent que les Juifs sont plus riches que la moyenne ; et 18 % jugent qu’ils ont un pouvoir excessif dans le domaine de la finance et des médias.
Ces données font écho à une étude de 2022 réalisée par la Fondapol et l’American Jewish Committee (AJC), qui établissait qu’un tiers de l’électorat de Mélenchon adhère à l’idée selon laquelle « les Juifs ont trop de pouvoir dans le domaine de l’économie et de la finance », alors que ce chiffre est d’un peu plus d’un quart pour la population en général.
Propos dont la stupidité le dispute à l’archaïsme, et dont l’origine remonte sans doute à Marx lui-même et son livre Sur la question juive (1843), aux écœurants relents antisémites. Un texte qu’Hitler avait d’ailleurs attentivement lu, et dont on donnera les quelques citations qui suivent :
« Il y a un Juif derrière chaque tyran, tout comme il y a un Jésuite derrière chaque Pape. En réalité, les espoirs des oppresseurs seraient vains et la guerre pratiquement impossible s’il ne se trouvait quelque Jésuite pour endormir les consciences et quelque Juif pour faire les poches. » (cité dans l’article de Pierre Schweitzer pour Contrepoints)
« Quel est le fond profane du judaïsme ? Le besoin pratique, la cupidité (Eigennutz). Quel est le culte profane du Juif ? Le trafic. Quel est son dieu ? L’Argent. » (cité dans La Grande Parade, de Jean-François Revel, Paris, Plon, 2000, p. 122.)
D’où pour Marx la nécessité de faire advenir le communisme, qui est selon lui « l’organisation de la société qui ferait disparaître les conditions du trafic et aurait rendu le Juif impossible. » (cité dans ibid.)
Peut-être subsiste-t-il encore des traces, dans les mentalités sclérosées de l’actuelle ultragauche, de l’« association délirante entre judéité, individualisme et capitalisme » comme dit Revel à propos du texte précité de Marx (ibid.) ?