Dans une célèbre chanson (1), Renaud avait déclamé que « La bagnole, la télé, le tiercé, c’est l’opium du peuple de France, lui supprimer, c’est le tuer, c’est une drogue à accoutumance. » Par bien des aspects, et en paraphrasant cette strophe, nous pouvons légitimement écrire que le consumérisme, l’européisme, et le mondialisme constituent l’opium des élites politico-médiatiques. Ces dernières ne trouvent pas de solutions viables et pérennes pour nous sortir de l’impasse dans laquelle ils nous ont pourtant menés. Par voie de conséquence, elles usent et abusent de dérivatifs orwelliens. Ces derniers expriment parfaitement leur désarroi intellectuel et leur détresse politique face à une situation qu’ils ne contrôlent plus.
L’Union Européenne (U.E.) ne produit pas de bons fruits ? Faisons plus d’Européisme ! Le mondialisme détruit nos industries et nos emplois ? Continuons sur la voie du mondialisme. Les défenseurs de l’URSS expliquent sa chute par le fait que le système ne propageait pas assez le communisme… Nos dirigeants appliquent exactement le même raisonnement à leurs chères utopies, qui se brisent en mille morceaux face au mur implacable du réel : rien n’est jamais de trop pour aller vers plus d’européisme et de mondialisme.
Malheureusement pour eux, heureusement pour nous, les deux idéologies précédemment citées ne suscitent qu’une faible adhésion des masses. Elles ne mobilisent pas ou plus, malgré une propagande intense et massive de l’infrastructure politico-médiatique en faveur du délitement des patries charnelles. Les élections européennes n’intéressent pas le peuple de France : celui-ci perçoit parfaitement que, quels que soient les résultats, les problèmes du quotidien ne seront pas réglés par le Parlement Européen ni la Commission « européenne ». En réalité, ces élections ressemblent surtout à une espèce de sondage qui nous coûte très cher, et dont tout le monde ou presque se contrefiche, à part les principaux concernés : les journalistes, les sondeurs et les professionnels de la politique (avec tout ce que cela implique de négatif). Les uns et les autres sont très attachés à bien justifier leurs appointements.
Initialement, le projet européiste, qui s’établissait sur les décombres encore fumants de la Deuxième Guerre Mondiale, a séduit un grand nombre de peuples d’Europe et de leurs élites. A bien y réfléchir, il représentait la conjonction d’un messianisme chrétien – déjà dévoyé – et du progressisme moderne dans toute sa splendeur. Dès cette époque qu’on nous présente comme « originelle », l’européisme avait commis une erreur : instituer le primat de l’économie au détriment du politique. Nous choisirons de ne citer que la mise en place de La Communauté européenne du Charbon et de l’Acier (2). Les deux forces politiques portant ce projet, la démocratie-chrétienne (oxymore au demeurant) et la sociale-démocratie, se sont effondrées ou plus exactement ont explosé devant le Léviathan de notre époque : le libéralisme (politique, économique et social). La nature n’aimant pas le vide, une idéologie mortifère a remplacé deux idéologies très dangereuses.
Aujourd’hui, rien ne semble pouvoir remplacer ce libéralisme, qui détruit et lamine tout ce qu’il effleure. D’une société plus ou moins ordonnée en Europe avant les deux Guerres Mondiales, nous sommes passés à une fragmentation de notre espace civilisationnel. N’ayons pas peur de dire que nous vivons dans une Europe balkanisée, aussi bien sur le plan politique que culturel. Le projet libéral contribue tout à la fois à l’uniformisation des sociétés et à leurs destructions. Dans les faits, il dissout, détruit puis impose son modèle unique. Nous retrouvons ainsi dans toutes les capitales d’Europe les MacDonald’s, le Coca-Cola et les Starbucks. Le libéralisme vise en effet à créer des consommateurs interchangeables, dont le seul projet de vie doit être de travailler comme des esclaves pour consommer sans modération tout et n’importe quoi.
Ce projet européiste et libéral pour notre continent, ne nous a pas donné la puissance nécessaire pour faire face aux véritables et nombreux défis de notre époque : immigration, invasions, guerre économique, guerre culturelle, terrorisme (nouvelles guerres de religion des Temps Modernes ?). Aujourd’hui, l’U.E., loin d’être un atout pour les pays européens, représente un vrai boulet. Elle s’avère trop grande pour être gérée correctement – l’histoire nous apprend que les empires immenses succombent bien souvent par leur propre obésité – tout en étant trop petite face à nos concurrents : Etats d’Unis d’Amérique, Russie, Chine. Nous pouvons également préciser qu’elle se révèle microscopique face à la question de la démographie africaine…
En plus d’avoir été initialement un projet économique, avant d’incarner un projet politique, l’U.E. n’a jamais été véritablement Européenne. Au départ, et nous le disons sans craindre de démentis mensongers, elle fut américaine par son inspiration et par ses… financements. Aujourd’hui, mais en réalité déjà depuis plus ou moins trois décennies, elle est allemande. La politique de l’U.E. se joue chaque jour, non pas à Bruxelles ou Strasbourg, mais à Berlin. Tous les économistes le savent, l’Euro n’est qu’une réplique du Deutsche Mark. Certains nous expliquent l’idée suivante : la logique conduirait à ce que la principale puissance économique de l’Europe préside aux destinées de l’U.E. Cependant, si l’U.E. doit être un nouvel Empire Allemand, il y a alors trahison du projet de départ, qui prévoyait – au moins sur le papier – une égalité entre les pays européens fondateurs.
Les partisans de l’U.E. proclament qu’elle défend parfaitement bien la paix. Il s’agit d’un énorme mensonge constamment véhiculé par les européistes de toutes tendances. Nous avons connu la guerre en ex-Yougoslavie. A cette occasion, le jeu trouble de nos amis allemands a pu s’étaler au grand jour, quand l’Allemagne a reconnu unilatéralement la Croatie et la Slovénie le 21 décembre 1991…
Par ailleurs, qui a clos ce conflit ? Les USA via l’ONU et l’OTAN. L’U.E. est ainsi incapable de mener une guerre et de gagner la paix, ou même simplement de la préserver : elle n’empêche pas plus les combattants musulmans de frapper sur notre sol. Il est donc faux de dire que l’U.E c’est la paix ! En fin de compte, l’U.E., c’est la guerre : guerre politique, guerre culturelle, guerre sociale, guerre économique… Si nous avons gagné la paix depuis 1945 en Europe, le mérite en revient à la géopolitique des deux Grands d’alors – USA et URSS – plus qu’à la force diplomatique de l’U.E. Rappelons que cette dernière n’a pas réussi à entraver la volonté atlantiste d’envahir l’Irak et qu’elle a, a minima, favorisé la guerre en Libye et en Syrie.
Les mêmes nous disent d’une même voix que l’U.E. rapproche les peuples européens, mais que de mensonge ! Face aux différents périls qui les menacent, les européens préfèrent se recentrer sur eux-mêmes. C’est un réflexe anthropologique naturel. Des tentatives de séparatismes voient le jour partout en Europe : Pays basque, Irlande, Flamands et Wallons, Padanie, Corse, Savoie, Bavière, Catalogne, etc. L’U.E. peut se définir comme une véritable machine à fragmenter. Et que penser de nos ouvriers sacrifiés sur l’autel de la consommation et du profit ? Nos intérêts particuliers (à l’échelle des pays) et nos intérêts généraux (à l’échelle du continent) sont bafoués par les politiques délirantes menées par l’U.E.
Il est important de comprendre, loin de la logique mercantile, qu’un peuple ne peut être réduit à des intérêts purement économiques et financiers. Les peuples et les individus ressentent naturellement le besoin de connaître leur essence propre et leur histoire pour perdurer. Comme le dit si bien l’adage : « un peuple sans passé, n’a pas d’avenir ». Cette U.E. n’a aucun avenir parce qu’elle repose sur des conceptions idéologiques dénuées de bon sens, tout en s’écartant chaque jour davantage du simple bon sens de la réalité.
A l’heure des blocs continentaux, des grands espaces civilisationnels, des défis majeurs à relever, réfléchir sur la notion d’Europe-Puissance ne nous semble pas infondé, bien au contraire. Encore faut-il respecter notre histoire pour ne pas hypothéquer l’avenir. Ce n’est pas gagné, quand on sait le combat qui fut mené pour simplement rappeler que les racines de l’Europe sont chrétiennes….
Franck ABED
(1) Hexagone est une chanson de Renaud, parue en 1975 dans l’album Amoureux de Paname.
(2) La Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) était une organisation internationale fondée sur le traité de Paris (1951), entré en vigueur le 23 juillet 1952 pour une durée de 50 ans. Elle n’existe plus depuis le 22 juillet 2002.