Par Christophe de Brouwer.
« The W.H.O. really blew it. »
La déclaration choc de Trump via son tweet du 7 avril pose la question avec acuité : « L’OMS serait-elle devenue une recette qui ne procure plus aucune confiance ? »
Que l’on aime ou pas le président Trump, il est un fait indéniable : il a été élu contre l’ establishment, contre les « élites ». Et cet establishment lui rend coup pour coup. Examinons cela.
La place de l’OMS dans la gestion de crise du coronavirus
Dans la crise sanitaire actuelle , peut-on discerner une telle opposition dans les actions de l’OMS, un establishment qui met en place son étude clinique solidarity, dont le design donne le ton à l’étude clinique européenne discovery, qui en est un succédané ?
Plus encore que discovery, ce sont les pays absents de solidarity qui nous permettent peut-être de comprendre la place de l’OMS dans le grand jeu morbide mondial du Covid-19.
Ni la Chine, ni le Japon, ni les USA, ni le Brésil, ni l’Australie, ni la Russie n’en font, jusqu’à plus ample informé, partie. Par contre l’Allemagne, sans participer à l’étude de l’OMS, participera à son succédané européen. Pour les doubles participations, notons la France et l’Espagne. À l’inverse, l’Italie, qui vient de lâcher les vannes de l’hydroxychloroquine, ne participe apparemment ni à l’une ni à l’autre.
Que cela soit fondé ou non, nous devons constater que ces études donnent l’impression d’être aujourd’hui utilisées par les médias et certains médecins/scientifiques comme des armes de destruction massive anti-Raoult et le mouvement clinique « pro-chloroquine » qu’il a initié (même si cette présentation est outrancièrement caricaturale).
Rappelons que le professeur Didier Raoult est un grand chercheur et clinicien exerçant à Marseille, dont la notoriété et le poids scientifique dans le domaine de l’infectiologie dépassent de loin tous ses « concurrents » européens, sans exception, y-a-pas photo !
Ces études « solidarity-discovery » sont aujourd’hui brandies de façon compulsionnelle par certains tenants de l’establishment OMS.
Même si ce couple d’études est mis en avant par tous nos médias bien-pensants, ils ne prennent place, somme toute, qu’au milieu de 556 études cliniques classifiées comme « pertinentes » par le Lancet (Global coalition to accelerate Covid-19 clinical research, avril 2020). Relativisons.
L’incompétence de l’OMS
Devant cette curieuse cacophonie, peut-on y voir un clivage à l’échelle mondiale ?
Certainement oui, ne fut-ce que par la déclaration de Donald Trump qui jette une épaisse couche de doute sur l’OMS en posant la question du financement de cet organisme international par les Américains, premier contributeur.
Les raisons profondes de cette prise de position sortiront certainement dans l’après-crise Covid-19.
Mais la raison principale qui est aujourd’hui soulignée, c’est l’incompétence de l’OMS dans la crise actuelle.
Un peu d’histoire. Rappelons-nous cette phrase étonnante du directeur régional de l’Asie qui déclarait lors de la crise de grippe aviaire de 2004 : « les évaluations les plus prudentes font état de sept à dix millions de morts, mais le maximum pourrait être de cinquante millions ou même, dans le pire des scénarios, cent millions » et tous les médias occidentaux d’embrayer , à qui serait le plus catastrophiste.
Cette crise aura coûté des milliards de dollars (ou aura permis d’encaisser selon les points de vue) et fait officiellement autour de 240 morts (j’ai bien vérifié le chiffre !).
Et on peut multiplier les exemples.
Ce qu’on reproche à l’OMS, c’est d’être « sans maître à bord ni objectifs clairs sur un océan de corruption et d’inefficacité », phrase reprise dans le Deveaux et Lemennicier qui titraient leur livre : L’OMS, le bateau ivre de la santé publique (1997). Cette appréciation fut reprise par un article bien fait de Sylvie Simon paru dans Altermondalistes en 2009 (« L’OMS, un océan de corruption et inefficacité »). Un article coup de poing correctement référencé.
N’oublions pas qu’à côté du financement étatique, l’OMS a mis en place un partenariat privé, et donc des aides financières de l’industrie, depuis la venue de Gro Harlem Brundtland à la tête de celle-ci à la fin des années 1990. Elle fut la championne du « développement durable » et surtout des « financements privés » de l’OMS, qui ont pris une place majeure .
Non, la déclaration de Donald Trump n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel bleu, mais bien un constat d’échec de cet organisme international, un aboutissement prévisible.
Encore fallait-il qu’une personnalité anti-establishment suffisamment forte serve de déclencheur.
Le cadre « légal » des études « solidarity-discovery » est celui d’une OMS discréditée à bien des égards. Beaucoup reprochent à cette double étude des problèmes d’éthique, de collusion avec les firmes pharmaceutiques (et on sait que des plateaux cliniques universitaires, et pas seulement, ont reçu des aides, parfois substantielles, de ces firmes), de cache-misère dans le retard ou de l’impéritie de solutions de santé publique de bon sens.
Prenons ce discours surréaliste de ce chef de service universitaire en maladie infectieuse, accordant récemment une interview et expliquant que des centaines de ses patients ont reçu l’hydroxchloroquine, car cela « diminuait le taux de virus circulant », et il rajoute… « Nous n’avons pas eu l’impression qu’en donnant de l’hydroxychloroquine, on a une diminution des cas graves se retrouvant aux soins intensifs ou une rapidité de sortie plus importante. Nous avons plus l’impression de traiter les médecins et leur angoisse d’être impuissants plutôt que les malades ».
Quel mépris du patient et du personnel de soin ! Un scientifique de haut rang avoue donc que ses impressions sont son guide, sa roulette russe, dans un jeu de vie et de mort de ses patients. Faut-il ajouter que cet hôpital participe à l’étude discovery et fera donc demain le choix de donner ou non de l’hydroxychloroquine à ses patients.
Ou cet autre chef de service en maladie infectieuse qui avouait benoîtement sur LCI fin mars, que, contaminé par le Covid-19, il avait pris de l’hydroxychloroquine, mais qu’il ne savait pas s’il en prescrirait à l’un de ses proches s’il était contaminé à son tour. Faut-il ajouter que son hôpital a intégré l’étude discovery.
C’est inutile d’en rajouter, cela devient lourd.
La déclaration de Donald Trump donne un éclairage très brutal sur cette fracture entre les bien-pensants, l’establishment médical, ses relations financières complexes entre l’État, l’industrie et notamment l’industrie pharmaceutique, et les acteurs de haut niveau. Dans son esprit, certainement celui de ses conseillers, tout ce back-ground doit remonter à la surface. Peut-on lui donner tort ?
Faut-il faire le rapprochement avec ceci ? Dans mon opinion, certainement.
Le Lancet publiait dernièrement, dans son éditorial du 5 décembre 2019, sur le terme de la « corruption » dans le secteur médical : « C’est un gros mot, mais qui n’engendre guère d’étonnement parmi ceux qui travaillent dans les systèmes de santé du monde entier. Transparency International l’a qualifiée de « pandémie ignorée ». Nous savons que cela se passe, mais nous grimaçons largement quand il est mentionné : il est devenu la quintessence de « l’éléphant dans la chambre ». Récemment, cependant, il y a eu une nette augmentation de la volonté des agences intergouvernementales, des experts politiques, des dirigeants politiques et des chercheurs de regarder l’éléphant en face. »
Est-ce cela aussi le scandale du Covid-19 ?
Donald Trump n’a pas fait seulement une déclaration fracassante sans lendemain (c’est d’ailleurs rarement le cas), mais a mis en mouvement une onde de choc qui va certainement s’amplifier.
Références
Quand l’OMS épouse la cause des firmes pharmaceutiques . Le Monde diplomatique, 2003
Sylvie Simon . L’OMS, océan de corruption et d’inefficacité. Altermondialistes, 2009.
L’OMS et la gestion des crises et catastrophes sanitaires mondiales : perspectives pour une réforme , 2011
Éditorial. 2020–30 : the decade of anti-corruption ? Lancet, 5 décembre 2019
Global coalition to accelerate COVID-19 clinical research in resource-limited settings , Lancet, avril 2020
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