Par Yann-Maël Larher.
4,9 milliards d’humains sont connectés en 2021 grâce à Internet (contre 4,1 milliards environ en 2019). C’est une phénomène sans précédent dans l’histoire : chaque citoyen du monde peut être ami, follower, utilisateur avec un autre.
Échanger de l’information sans frontières physiques
Information en ligne, enseignement à distance , travail à distance … sont désormais à portée de clics pour plus des deux tiers de l’humanité. Alors que jusqu’à la fin des années soixante-dix, l’univers informatique correspondait à l’entreprise sur laquelle s’est fondé le droit du travail.
Une organisation pyramidale, autocentrée, dont la base est formée par une collectivité homogène (le personnel), représentée par diverses instances auprès du sommet, occupé par l’employeur, seul responsable de la marche de l’entreprise.
Le World Wide Web (terme inventé par Tim Berners-Lee et Robert Cailliau) rend possible ce qui hier ne l’était pas ! « Troisième révolution industrielle », « invasion des barbares », « nouveau paradigme », « nouvel âge numérique », les vocables ne manquent d’ailleurs pas pour qualifier cette (r)-évolution.
Lors du sommet numérique des Nations-Unies, le secrétaire général des Nations- Unies, António Guterres a souligné que « la pandémie de Covid-19 a mis en évidence le pouvoir de changement de l’Internet […] La technologie numérique a sauvé des vies en permettant à des millions de personnes de travailler, d’étudier et de socialiser en ligne en toute sécurité ».
Internet est un réseau fondamentalement ouvert
Les notions « d’Internet » et « d’intranet » se distinguent schématiquement en ce que l’intranet se définit comme un internet privé, l’Internet recouvrant, quant à lui, l’interconnexion des réseaux informatiques. Le World Wide Web ou toile d’araignée mondiale est une application d’internet permettant la consultation de pages accessibles sur des sites via un navigateur.
La croissance du numérique, sans précédent dans l’histoire, a pris de court les entreprises, les syndicats et les États en tant que réseaux historiques. L’accès à internet donne à chaque individu connecté un accroissement vertigineux de sources d’informations, de relations, de possibilités et donc de choix. La puissance du réseau est elle-même renforcée par la participation de chaque nouvel internaute.
Ce phénomène dope la mondialisation et l’apparition de nouvelles organisations telles que les réseaux sociaux. Internet met en compétition les organisations traditionnelles avec des réseaux beaucoup plus agiles. La technologie les oblige à se repenser alors que s’opère une redistribution des pouvoirs entre les experts, les entreprises, les collectifs, et les internautes dans un espace dématérialisé.
Il bouleverse leurs modèles économiques et remplace de nombreuses structures physiques. Par exemple, l’ONU estime que 230 millions d’emplois numériques en Afrique subsaharienne d’ici 2030 pourraient générer près de 120 milliards de dollars de revenus.
Les logiques d’Internet font écho au libéralisme
À la différence de l’invention de la machine à vapeur, où la transformation technologique a été guidée par une autorité supérieure, les acteurs de la révolution numérique sont les consommateurs et citoyens eux-mêmes. Cette révolution technologique impacte d’emblée l’ensemble des aspects du quotidien.
Loin de se résumer à l’usage d’outils numériques, elle marque l’arrivée de méthodes de conception, de production et de collaboration, qui sont autant de méthodes de pensée, de travail et d’organisation qui sont étrangères aux organisations en place. Il n’est plus besoin de descendre dans la rue pour soutenir une cause. Alors que dans le courant politique, l’homme se libère par l’action publique à travers la représentation collective, les réseaux sociaux permettent de regrouper des individus dispersés dans des groupes identifiables.
Il y a ainsi une organisation de personnes autour d’un même intérêt et partageant des règles sociales similaires. Pouvoir dire librement ce que l’on pense, faire valoir son point de vue, défendre ses opinions, communiquer ses idées, sans crainte pour sa vie, sa liberté ou ses biens, est un bien précieux que de nombreux pays partagent en commun et que supporte Internet.
Internet est aussi un espace en sursis
Si internet est devenu un prodigieux espace de liberté et un instrument stupéfiant d’enrichissement culturel, humain et économique pour autant « qui ne rêve pas aujourd’hui, parmi nos politiques, de pouvoir réguler un jour cette toile mondiale qui, siège de toute liberté, n’en est pas moins le lieu de tous les excès » (J. Larrieu, Droit de l’Internet, 2010).
Si la structure d’internet rend a priori tout contrôle étatique difficile, son architecture peut être modifiée et renforcer in fine par le contrôle des États. La propagation ultra-rapide de la désinformation, la manipulation du comportement des gens et qui sont souvent le fait des États (contre d’autres États), légitiment un contrôle de plus en plus étroit par ces mêmes États.
Les pays autoritaires n’hésitent plus à couper les connexions Internet pour mettre fin à des manifestations contre leur régime, et quand les États ne s’attaquent pas au réseau lui-même, ils créent des règles propres à réglementer spécifiquement les échanges en ligne. Le problème majeur c’est que pour éviter d’être poursuivis, les plateformes n’ont pas d’autres choix que de recourir en amont à des algorithmes censeurs : un fonctionnement particulièrement nocif et dangereux pour la liberté d’expression.
Par aveuglement ou naïveté, cette législation est par exemple déjà présente dans l’Union européenne pour faire respecter les droits d’auteurs. Comme le soulignait La Quadrature du Net , on préfère promouvoir des outils de filtrage automatique, dans une logique de toujours plus de surveillance, au lieu de se pencher sur d’autres réformes et d’autres solutions plus adaptées au monde numérique et surtout plus respectueuses de nos libertés.
Car finalement, la conception de la liberté d’expression propre à chaque État est un frein majeur à une uniformisation de la législation concernant les propos tenus sur les réseaux sociaux mais aussi des pratiques numériques qui en découlent.
Le défi du XXIe siècle est le suivant : il consistera à préserver les droits humains dans un espace numérique qui ne devrait pas connaitre de frontières physiques. Pour qu’Internet reste un réseau de partage et de richesse pour l’humanité, il faudra finalement veiller à ce que les États ne le transforment pas un peu plus chaque jour en un Intranet régional ou national. Ces questions doivent être résolues de manière collective – pas seulement par un pays, par une région ou par un groupe de pays, mais par l’humanité. Un réseau mondial appelle à une régulation mondiale.
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