L’indignation. Comme à chaque acte, chaque événement, ce terme revient sans cesse. Les faits qui se sont déroulés le 19 juin dernier n’y font pas exception.
Ciblant deux personnes en situation de vulnérabilité, une femme de 73 ans et sa petite-fille de seulement 7 ans, l’agression Cour de Martinique, à Bordeaux, a ému toute la France.
Comme à chaque acte, les questions se sont enchaînées, entre débat hors de propos sur l’immigration porté par l’extrême droite, et polémique sur le suivi et la prévention des actes délictueux.
Une nouvelle fois, les politiques de tous bords montrent leur incapacité à répondre concrètement à l’enjeu de l’insécurité, privilégiant une législation de plus en plus restrictive des libertés sans jamais toucher réellement le cœur du problème.
Un acte « choquant »
Une agression « d’une rare violence » , selon le préfet de Gironde. Un acte « choquant » , selon le maire Pierre Hurmic.
Lundi 19 juin, vers 17 h 30, des images prises par l’interphone de leur immeuble situé Cour de Martinique à Bordeaux ont le soir même fait le tour des réseaux sociaux : une dame âgée de 73 ans et sa petite-fille de 7 ans ont été victimes d’une tentative de vol à l’arraché. On y voit l’homme s’approcher doucement de ses futures victimes pour les extraire de force de l’immeuble où elles étaient en train d’entrer, les projetant violemment sur le trottoir avant de s’enfuir en courant, sans doute effarouché par les aboiements du chien des victimes, selon le parquet.
L’homme a rapidement été interpellé et mis en garde à vue avant d’être placé en internement psychiatrique pour schizophrénie. Selon le vice-procureur, il aurait été repéré par des proches comme étant en rupture de soin. Sa garde à vue devrait reprendre dès sa sortie de l’hôpital Charles Perrens.
En plus d’être profondément choquées, les victimes souffrent de contusions et d’abrasions.
Un passé judiciaire chargé
Né en 1993 dans la capitale girondine et sous tutelle, le suspect, ce SDF du nom de Brahima B., est « très défavorablement connu des services de police », selon une source citée par Le Figaro . Cela semble relever de l’euphémisme : son casier judiciaire fait mention de près de 15 condamnations liées à des infractions au Code de la route et aux stupéfiants.
Certaines sources vont jusqu’à évoquer une cinquantaine d’interpellations et une vingtaine de mentions au traitement d’antécédents judiciaires (TAJ) , fichier recensant les personnes mises en cause dans les affaires pénales.
Des réactions entre démagogie et boulettes
Les réactions politiques ne se sont pas fait attendre. D’Éric Zemmour, qui dégaina le premier, à l’ancien maire LR Nicolas Florian en passant par Marine Le Pen et Olivier Veran, c’est un festival de réactions souvent loin d’être à la hauteur de l’enjeu.
En témoignent les étranges réactions du côté du Rassemblement national, et en particulier de sa cheffe de file historique, Marine Le Pen, évoquant dès le départ la question du « chaos migratoire » . Une boulette bien étrange pour un parti qui tente depuis des années – et avec un certain succès – de lisser son image.
De façon générale, comme après chaque drame de ce type, on se contente d’alimenter l’émotion ambiante : tout le monde est choqué, tout le monde condamne, et au final, quelques jours plus tard, tout ce petit monde retourne chez soi ou, pire encore, en profite pour faire voter en urgence une nouvelle loi restrictive des libertés.
Entre réalité, amplification médiatique et débats sociologiques sur l’insécurité
Si sur le plan démocratique, la société apparaît de plus en plus violente, cela se traduit-il par une véritable hausse de l’insécurité ? Ne s’agit-il pas ici d’un effet de loupe permis par les médias de masse et les réseaux sociaux ?
Cette question est l’objet de nombreux débats entre sociologues et spécialistes de la question. Ces derniers s’écharpent généralement sur les questions de méthodologie de récolte et d’analyses de données .
Ces querelles ne permettent pas de juger de la situation. D’après le Centre d’observation de la société, au 27 mai dernier, la situation semble stable . Après une multiplication par 7 du taux de crimes et délits pour 1000 habitants entre 1965 et 1985, dépassant les 70, ce taux semble s’être stabilisé entre 2015 et 2020 autour de 45.
Toujours en 2020, le sociologue Laurent Mucchielli, directeur de recherche au laboratoire méditerranéen de sociologie du CNRS et dont le nom revient régulièrement sur la question, n’hésitait pas à brandir celle-ci comme un « épouvantail électoral à déminer » chez The Conversation .
Une pression réglementaire sans résultat tangible
Car si cette insécurité semble rester stable, le nombre de lois portant sur le sujet ne cesse, lui, d’augmenter, suivant l’inflation législative déjà existante .
On peut naturellement évoquer les lois antiterroristes , mais également celles portant sur des faits de droit commun.
Les effets de ces lois se font attendre, car si la question de l’augmentation statistique de l’insécurité est sujette à débat, très peu d’études évoquent une quelconque baisse.
Pour cause, ces textes n’entraînent généralement qu’une chose : l’augmentation de la pression réglementaire sur les Français au quotidien, sans diminution des causes ni même des effets de l’insécurité.
Le piège de la peur
Tout un chacun est désormais habitué au sempiternel poncif du « pourquoi les Américains n’interdisent pas les armes » à chaque tuerie de masse. Pour un amoureux de la liberté, ce type de remarque crée au minimum une levée d’yeux au ciel, au pire un agacement profond. En effet, elle ne prend pas en compte la réalité historique, statistique, morale et surtout légale de la situation outre-Atlantique.
Ne tombons pas dans cet excès ici. Après l’attaque d’Annecy, beaucoup se sont réfugiés dans un appel à la fermeture des frontières. C’est humain, mais ce n’est pas parce que c’est humain que c’est juste : céder à ses peurs, c’est céder sa liberté, et l’Histoire est tristement percluse d’exemples.