Par Michel Gay.
Alors que les militants écologistes antinucléaires ont tout fait pour retarder le lancement de nouveaux réacteurs, ils se servent maintenant de l’argument del’urgence pour nier le rôle et la nécessité de l’électricité nucléaire afin de succéder, au moins partiellement, aux énergies fossiles. Ils ne manquent pas de culot !
Trop tard pour le climat ?
Les écologistes antinucléaires (car il existe aussi de nombreux écologistes pronucléaire ) font émerger un nouveau discours contenant les mêmes éléments de langage : ils reconnaissent enfin devant l’évidence (avec le GIEC ) que le nucléaire est utile pour réduire les émissions de CO2, mais… la construction de nouveaux réacteurs ne servirait plus à rien pour le climat ! Selon eux, compte tenu de leur temps de construction (7 à 10 ans), ils arriveraient trop tard pour sauver le climat.
Pourquoi alors avoir demandé la fermeture des deux réacteurs de Fessenheim ?
La ministre de l’Écologie, madame Pompili, déclare même le 13 octobre sur BFM TV que ce serait une raison pour développer encore davantage les énergies renouvelables :
RTE estime qu’on va avoir 20 % de besoins en électricité en plus d’ici 15 ans. Nous n’avons pas le temps d’ici là de construire une nouvelle centrale nucléaire. Il va falloir développer le renouvelable.
Ce discours, répandu par des personnes ayant bloqué le nucléaire depuis plus de 10 ans, est au mieux cocasse et au pire une trahison ! Ils reconnaissent en toute tranquillité s’être trompés pendant des années, et ils utilisent leurs erreurs pour s’obstiner.
Bien joué, et… même pas honte !
Non, les nouveaux réacteurs nucléaires à construire en France pour succéder au parc actuel n’arriveront pas trop tard pour le climat si les décisions de mise en chantier sont prises rapidement, c’est-à-dire maintenant.
En effet, la probable prolongation des réacteurs actuels bien au-delà de 2040 permettra vraisemblablement de continuer de produire l’électricité décarbonée à plus de 90 % pour les Français jusqu’à leurs livraisons.
Une durée de vie plus longue est possible
Les deux réacteurs de Fessenheim fonctionnaient parfaitement. EDF voulait continuer à les exploiter jusqu’à 50 ans, et si possible 60 ans. Rien ne s’y opposait techniquement : ce fut « simplement » (bêtement ?) un sacrifice politique sur l’autel d’une alliance avec les Verts en vue de l’élection de François Hollande…
Plusieurs réacteurs américains Westinghouse de 900 MW (dont sont dérivés les nôtres) ont été démantelés aux États-Unis avec « retour au gazon ». Un retour d’expérience précieux a été déjà acquis dans le démantèlement en cours ou terminé de plusieurs dizaines de réacteurs nucléaires dans le monde.
Dans ce domaine, la destruction de Fessenheim n’apportera rien , ou peu.
De plus, en France, le démantèlement de la centrale de Chooz A dans les Ardennes se déroule bien (il est même en avance de 5 ans sur le programme initial établi pour cette opération prototype) et permet de valider les méthodes malgré sa taille plus faible.
Enfin, les réacteurs à eau pressurisée (REP comme ceux de Fessenheim) sont faciles à démanteler comparés aux réacteurs à eau lourde comme celui de Brennilis (arrêté en 1985 et en cours de déconstruction depuis 1997), aux premiers réacteurs graphite-gaz , et aux réacteurs à neutrons rapides (RNR ) au sodium tels que Phénix et Superphénix.
Le pseudo « effet falaise »
Le nombre important de démantèlements qui pourraient survenir dans une courte période au terme de la durée de vie des réacteurs, « l’effet falaise », justifierait selon certains le démantèlement immédiat des premiers réacteurs (Fessenheim ?) afin d’anticiper pour lisser la charge de travail.
Or, cet « effet falaise » est vraisemblablement inexistant.
Il existerait effectivement si les réacteurs actuels devaient être démantelés au même rythme que celui de leur construction dans un temps record.
En effet, l’essentiel du parc (environ 45 réacteurs sur 58) a été livré en moins de 10 ans entre 1980 et 1990 . Jusqu’à 7 réacteurs ont été livrés la même année en 1981 !
Mais il faut regarder ce qui se passe aux États-Unis concernant les prolongations à 60 ans, puis maintenant à 80 ans de ces mêmes REP.
Il est donc réaliste de penser qu’une partie de nos réacteurs pourra également fonctionner jusqu’à 60 ans, 70 ans, voire 80 ans.
L’étalement des durées de vie limitera l’effet falaise
En effet, l’état de santé individuel de chaque réacteur (en fait essentiellement l’état des cuves) n’est pas homogène selon leur utilisation et les particularités de chaque construction. Il est aujourd’hui raisonnable d’estimer que la plupart d’entre eux iront jusqu’à 60 ans (donc au-delà de 2040), et qu’ensuite certains iront jusqu’à 70 ans, d’autres jusqu’à 80 ans (jusqu’en 2060…).
Les déconstructions pourraient donc s’étaler sur 30 ans à partir de 2030, date de livraison en série des nouveaux réacteurs EPR.
Cela reste bien sûr à confirmer par l’ASN qui soumet chaque réacteur à une grande inspection tous les 10 ans, ce qui empêche d’avoir aujourd’hui une vision programmatique claire.
La France pourra donc probablement construire de nouveaux réacteurs (EPR ou autres) étalés dans le temps pendant environ 30 ans au moins (rappel : l’essentiel du parc actuel a été construit en 10 ans).
Toutefois, il ne faut plus tergiverser pour décider de construire un parc de nouveaux réacteurs pour pouvoir profiter de cet étalement dans le temps qui reste encore flou.
Mais cette relative incertitude constitue une raison supplémentaire pour préparer l’industrie française à se mettre en ordre de bataille afin de réaliser rapidement cet immense chantier du nouveau nucléaire qui assurera la continuité avec le parc actuel dont la France a et aura besoin pour produire son électricité décarbonée et… pour respecter ses engagements climatiques.
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