Les chiffres se croisent sur le destin du Président que les Français ont choisi voici près de cinq ans. Deux records, celui de la popularité à 4% d’abord et celui de la baisse du chômage à 1,9% se télescopent pour entraîner ou non une seconde candidature. Les cent ans qui nous séparent de la naissance de Mitterrand et qui seront célébrés sous la pyramide du Louvre sont aussi l’occasion d’une comparaison entre les deux présidents socialistes que la France de la Ve République aura subis.
Pyramide et ancien palais royal conviennent assez bien pour rappeler la mémoire de celui qui, de tous les présidents depuis 1958, a eu la conception la plus monarchique du pouvoir en n’hésitant pas à faire de celui-ci un usage très personnel voué aux menus plaisirs et au cabinet secret. Ce « grand homme » de la gauche est vénéré par beaucoup, sans doute en l’absence d’autres candidats sérieux et récents. Jeune extrémiste de droite, ambitieux et arriviste effréné, il fut pétainiste et résistant tardif, après Stalingrad, ce qui révèle une certaine intelligence. Il fit carrière à gauche, après avoir louvoyé dans les méandres de la IVe République, en s’installant à la tête d’un socialisme qui renaissait sur les cendres de la SFIO coloniale et d’un parti communiste définitivement disqualifié par ses liens avec l’empire soviétique. On serait en peine de chercher les conséquences positives des quatorze années de son règne à l’Elysée. Certains diront : l’abolition de la peine capitale. D’autres souligneront qu’elle n’a été supprimée que pour l’Etat, mais qu’elle continue à être pratiquée dans le secteur privé avec de moins en moins de retenue. Les admirateurs de Paris et des rois bâtisseurs donneront pour exemples de sa munificence l’Opéra-Bastille, la Grande Bibliothèque, et la pyramide. Cet homme avait du style. Mais la France après 23 années de redressement rendu bien difficile par la fin des guerres coloniales, les mouvements sociaux parfois totalement irrationnels, comme celui de 1968, et la crise pétrolière s’était donnée à la gauche pour changer sa vie. En comptant 1981, cela s’est produit quatre fois avec un scénario quasi identique : des promesses démagogiques, notamment sur le temps de travail, avant l’élection ; un début de mandat conforme aux engagements qui se fracassent plus ou moins vite sur le mur de la réalité selon que la conjoncture internationale est bonne ou mauvaise ; un repli réaliste sur une autre politique qui déçoit les électeurs et ne satisfait pas les adversaires ; l’alternance avec une droite timorée qui laisse traîner les boulets économiques, doit faire face à la montée de l’insécurité suscitée par le laxisme judiciaire et ne touche pas aux statues des réformes sociétales, quand elle ne s’empresse pas de les réaliser elle-même.
Il restera donc de François Hollande le « mariage gay » comme subsiste pour l’autre François la fin de la peine de mort. De l’un à l’autre, la France aura descendu les marches pour se retrouver chien d’attaque de la politique américaine dans le monde, second de l’Allemagne en Europe, client et fournisseurs de ces Etats exemplaires, qui prospèrent le long du Golfe, grâce au gaz et au pétrole, et en affichant tout ce dont un socialiste devrait s’offusquer. Le Président veut sans doute à nouveau être candidat. Un argument devrait l’y encourager : l’inversion de la courbe du chômage, encore bien timide. Après la crise de 2008-2009, la promesse était modeste. Cette inversion ne pouvait que se produire à moins d’une aggravation de la crise. Elle s’est d’ailleurs produite partout en Europe de façon plus ou moins spectaculaire selon les réformes engagées, le poids de la monnaie unique, et la démographie du pays. Le retournement laborieux et tardif en France n’a donc rien de réjouissant. Malgré ou peut-être à cause du poids du secteur public et des injections d’emplois aidés, le chômage a continué d’augmenter dans notre pays depuis 2012. Seule, la politique « libérale » de baisse des charges à travers le Pacte de responsabilité a apporté des résultats positifs. Encore faut-il les mesurer. Le Royaume-Uni hors-euro est à 5%, l’Allemagne est à 4,2% quand la France est à 10%. L’Espagne qui atteignait le taux monstrueux de 25% après sept ans de gouvernement socialiste commence à récolter les fruits de ses réformes : le chômage est enfin descendu en-dessous de 20%. L’Italie dont les chiffres sont plus mauvais que les nôtres pour l’emploi connaît en revanche un net assainissement de son économie grâce à l’amélioration de sa compétitivité : sa balance commerciale est excédentaire et son déficit budgétaire est descendu sous les 3%.
Le Président-candidat ne pourra sans doute compter que sur le dernier carré de ses fidèles pour entamer sa campagne. 4% des Français seulement lui font encore confiance. C’est un autre record beaucoup plus difficile à porter. L’incapacité du gouvernement à gérer l’afflux des clandestins, la dispersion de ceux-ci dans des communes tranquilles qui ne le souhaitent pas et leur hébergement généreux quand tant de compatriotes souffrent de pauvreté sont de nature à provoquer un rejet massif. L’incendie de la jungle de Calais et l’impuissance de l’Etat à s’y opposer auront sans doute marqué davantage les esprits, ce matin, que l’embellie relative de l’emploi pour le mois de Septembre. Quant à l’incapacité du personnage à assumer le statut d’un Chef d’Etat de la France, elle pèsera très lourd dans le choix des Français.