Par Claude Robert.
Hollande et Macron ont tous deux polarisé la vie politique à leur manière. Comme leur maître Mitterrand, ils ont su casser le jeu politique, le retourner à leur avantage en imposant des règles défavorables à leurs adversaires.
Surtout, ils l’ont fait en s’appuyant sur des ressorts affectifs, au détriment bien sûr de la transparence démocratique. Ils l’ont fait dans un seul but, celui d’accéder au pouvoir suprême.
Une fois installés à l’Élysée, ils ont continué d’abuser de cette technique pour à la fois justifier leurs actions et masquer leurs échecs. Décryptage de ce procédé assez subtilement machiavélien .
François Hollande, une victoire aux élections, mais un échec pour la France
Il faut se rappeler la teneur de la campagne présidentielle qui opposait le président sortant Sarkozy au candidat Hollande, ce dernier gagnant l’élection avec 51,6 % des voix exprimées.
Dans un pays en pleine désindustrialisation et déjà aussi largement surimposé que surendetté, Hollande a construit sa victoire sur une promesse intenable, mais ô combien efficace : une « réforme fiscale » permettant de prendre encore plus d’argent aux riches afin de rendre les pauvres moins pauvres.
Un tel positionnement n’avait de justification qu’électorale. C’était capitaliser sans vergogne sur les frustrations d’une certaine population ainsi que sur les croyances de ceux qui, à force de bourrage de crâne gauchiste et grâce à une méconnaissance des mécanismes économiques savamment entretenue, pensent que les riches sont la cause de la pauvreté voire que les patrons sont des vampires qui sucent le sang des classes moins favorisées.
Avoir orienté les débats politiques de l’élection sur ce plan-là a considérablement aidé à battre un Sarkozy déjà en proie à de nombreuses critiques.
Ensuite, pendant son mandat, malgré des résultats objectivement catastrophiques1le coût en nombre de chômeurs et au niveau de la dette étant considérable et peu connus des citoyens, Hollande a maintenu un semblant de cote de popularité grâce à un discours toujours axé sur l’image d’un président social.
Et lorsque le niveau du chômage commençait à lui être enfin reproché, Hollande s’est vanté de meilleurs résultats que Sarkozy en citant des chiffres faux.
Faux parce qu’incomplets : Hollande avait omis certaines catégories de chômeurs. Faux parce que non comparables : Hollande s’était bien gardé de les mettre en valeur relative versus le niveau de chômage européen du moment.
Celui-ci avait flambé partout pendant le mandat de Sarkozy mais n’avait pas baissé en France pendant le mandat d’Hollande alors qu’il avait chuté partout ailleurs.
Mensonges volontaires ou inculture économique crasse ? À chacun son opinion. Quoi qu’il en soit, à aucun moment Hollande n’a engagé de réformes en profondeur pour s’attaquer aux difficultés du pays.
Celles-ci se sont considérablement aggravées tout au long d’un mandat qui aurait pu permettre au contraire, vu le contexte extrêmement porteur de l’après-crise bancaire, un rebond significatif de la croissance parallèlement à une dégringolade de la dette et de la pression fiscale.
Croissance moindre que le reste de l’Europe, considérable accroissement relatif du chômage, de la dette et des impôts, telle a été la réalité de son bilan.
Un échec dans sa plus parfaite complétude. Au tel point que Nicolas Baverez l’avait qualifié de « Gamelin de la guerre économique ».
Hélas, comme si tout cela ne comptait pas, voici que l’individu vient encore de publier un livre . Un livre consacré à la démolition, et là, paradoxalement objective et factuelle du bilan de son successeur.
Visiblement incapable de toute autocritique objective mais prêt à s’acharner sur les faiblesses réelles de ses rivaux, l’ancien président rêve encore de l’Élysée. Quel qu’en soit le prix pour le pays.
Emmanuel Macron, une victoire aux élections, un nouvel échec pour la France
Sorti de l’inconnu grâce à Hollande dont il a été conseiller puis ministre , et donc co-responsable de son calamiteux bilan, Macron n’en a pas moins réussi lui aussi à polariser le débat électoral.
Il l’a fait lui aussi en surfant sur les affects mais d’une manière tout à fait opposée. Au lieu de s’afficher dans un camp politique connu, et de défendre un programme voire une catégorie de citoyens, il s’est sorti volontairement de la bataille politique .
Ce positionnement « vous perdez votre temps à vous chamailler pour des idées, moi je suis au-dessus des partis » qu’il a illustré en affichant régulièrement son accord avec ses rivaux pendant les débats télévisés sans jamais entrer dans les détails ni se battre dans un sens ou dans l’autre, s’est avéré radicalement efficace.
Il a fait volontairement l’impasse sur son programme, et l’a revendiqué lui-même2, ce qui est pourtant la preuve d’un profond irrespect de l’électeur. Il a profité d’un indéniable charisme et sa stratégie a coupé l’herbe sous les pieds des autres candidats.
L’astuce a fonctionné à merveille auprès de cette même frange des électeurs qui ne se soucie pas trop d’économie politique, qui ne se tient pas informée de l’état réel du pays, et qui, il faut bien l’avouer, vote quasiment avec ses yeux.
Une fois élu, grâce d’ailleurs à un coup de pouce providentiel, l’affaire Fillon lancée par le PNF , Macron a donné libre cours à son activisme progressiste et tiers-mondiste tandis que le peu d’engagements de bonne gestion qui avait été annoncés pendant sa campagne (diminuer les dépenses de l’État) a été très rapidement revu à la baisse par son Premier ministre3.
Pour masquer l’absence de réforme de fond contre le déclin socio-économique français, Macron s’est ensuite joué de l’opinion publique avec un immense talent.
Il l’a fait d’une part en exerçant une pression de proximité sur les journalistes des principaux médias , n’ayant pas peur de tenter d’imposer ceux qui devaient couvrir son actualité, n’hésitant pas à prendre son téléphone personnellement pour faire respecter la Vérité élyséenne quand il le fallait.
Il l’a fait d’autre part en présentant sans discontinuer des projets de réductions d’impôts et de changements radicaux, empruntant largement des expressions au monde si efficace des grandes entreprises.
Tout cela sous forme d’engagements à moyen ou long terme qui, sans surprise, ont été pris pour argent comptant par une majorité de médias consentants.
Certes, le soufflet s’est méchamment dégonflé, preuve en est que plus de quatre ans après son élection, il se sente subitement obligé d’évoquer les problèmes d’immigration, la nécessaire ré-industrialisation, l’intérêt des « petites centrales nucléaires » (sic) et le coût des carburants, problèmes qu’il a pourtant passablement contribué à aggraver.
Mais le mal est fait. Il ne faut d’ailleurs même pas se réjouir : la très légère récente amélioration du taux de prélèvement obligatoire.4 s’avère purement illusoire compte
tenu de l’énorme accroissement de la dette de l’Etat sur fond de poursuite de la
désindustrialisation.. Car ce sont de considérables augmentations d’impôts qui nous attendent ces prochaines années.
Une splendide ardoise donc, que ces deux derniers présidents vont laisser au futur hôte de l’Élysée, à moins bien sûr que Hollande ou Macron ne se fassent réélire sur les mêmes ficelles. La France a complètement raté la reprise économique post crise bancaire, à l’inverse de l’ensemble des pays européens ↩ « Dans une campagne présidentielle, le programme n’est pas si important, c’est une communion entre un pays et un candidat », telle a été à peu près en ces termes la justification de Macron ↩ Dès le début du mandat de Macron, son Premier ministre a annoncé la réduction du programme d’économie des dépenses de l’État alors que ce programme était déjà fortement sous-dimensionné (cf. IFRAP et OCDE) ↩ Nous étions champions de l’OCDE, nous sommes passés seconds en 2020, de peu, ce qui n’est pas vraiment une victoire. Par ailleurs, cela tient probablement plus à un effet volume dû à la reprise après la forte récession que le gouvernement aura infligé à la France pendant la pandémie, plus forte récession d’Europe ! ↩
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