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Guillaume Kiefer : « La France a besoin d’un parti d’opposition »

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Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

Un entretien avec Guillaume Kiefer , libéral au sein du parti Les Républicains.

Dans une récente tribune co-signée avec François-Xavier Bellamy et Julien Aubert, Bruno Retailleau inventorie le bilan des deux derniers présidents de droite : Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy.

Contrepoints : Cette tribune est-elle la démonstration que la droite est en train de se guérir de sa passion pour les hommes providentiels ?

Guillaume Kiefer : Tout d’abord, d’une certaine manière je pense que cet inventaire est salutaire et démangeait une écrasante majorité de la droite depuis des années. Nous avons effectivement eu tendance à sanctifier nos « grands hommes » comme si leur mandat était un tout, à prendre ou à laisser, et non une succession de décisions, bonnes, mitigées, voire carrément critiquables, de choses à conserver, d’autres à corriger. C’est d’ailleurs sans doute sur cette base de réflexion un peu passée que Nicolas Sarkozy , auréolé de son titre de dernier président de droite, s’imagine encore pouvoir peser. Les faits lui ont donné tort depuis plusieurs mois.

Pour ma part, parce que je ne peux décemment pas prétendre parler au nom de toute la droite, je ne me suis jamais senti mémoriellement redevable de ces deux ex-présidents qui ont fortement, l’un et l’autre, contribué à mon désintérêt pour les logiques de partis dans ma prime jeunesse. Je suis moi-même, politiquement, le résultat de ces demi-mesures de la droite lorsqu’elle fut aux manettes, du moins, de mon vivant.

Encore très récemment, j’ai été fortement déçu par les positions de certains députés LR . Se rendent-ils compte du mal qu’ils font à la droite lorsqu’ils votent de nouveaux impôts (improductifs, ce qui est un comble fiscal) dans le pays le plus fiscalisé du monde libre, alors que LR se bat depuis des mois pour redevenir le parti de la lutte contre la fiscalité abusive et improductive de service public, et alors que ces amendements seront de toute manière balayés par le 49-3 ? Terrible.

Importance donc, d’élire, le plus rapidement possible, un président de parti ayant la stature suffisante pour éviter ce genre de sorties de route extrêmement dommageables à la transformation de LR. La France a besoin, de toute urgence, d’un parti d’opposition capable de faire idéologiquement contrepoids au conformisme social-étatiste, moraliste, bureaucratique, impuissant et centralisateur, mais également au wokisme et à l’écologie verte en apparence mais surtout stalinienne à l’intérieur.

Lorsque Bruno Retailleau nous propose de nous libérer de cette « culpabilité », je ne sais pas (car je ne le connais pas personnellement) s’il s’agit d’une véritable volonté, ou si les événements et l’attitude de Nicolas Sarkozy -qui a menacé de quitter le parti si Bruno Retailleau était élu- le commandent. Je ne sais pas non plus si le consensus qui existe aujourd’hui au sein de LR pour couper le cordon ombilical avec les années Sarkozy aurait été tel si ce dernier avait soutenu Valérie Pécresse lors de la campagne présidentielle. Peu importe à vrai dire, le fait est que la droite, est à mon avis en train de se délester d’un véritable poids et c’est une excellente nouvelle.

Il faut le dire, Bruno Retailleau a raison : Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac ont fait beaucoup de mal à la droite et aux principes qui guident son programme depuis toujours, jusqu’à flouter le message qu’avait pourtant envoyé le Général de Gaulle de manière très claire en 1958 : un État ne peut être souverain que si ses comptes sont en ordre. Et oui, parfois il faut faire des choix impopulaires et en assumer les conséquences pour conserver son honneur. C’est le sens même du plan Pinay-Rueff… Qui a pour le coup rapidement porté ses fruits.

D’une certaine manière, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy ont fait les mêmes erreurs. Confrontés au pouvoir (et au devoir) de faire, en incohérence totale avec ce qu’ils étaient tous deux (des hommes d’action, des hommes à poigne), ils se sont perdus dans le confort ouaté du conformisme technocratique et n’ont pas fait assez, ont cédé face au magistère moral et médiatique de la gauche, ce qui a déçu une grande partie de la population, pas forcément encartée, pas forcément militante, même pas forcément « de droite » de manière réfléchie, mais qui avait voté pour une rupture avec le logiciel social-étatiste des années Mitterrand .

Ceci étant, de là à dire que la droite bonapartiste a disparu ou que l’appétence française pour les hommes providentiels, qui dépasse d’ailleurs la notion de droite, va disparaître, il y a un pas que pour l’instant, je ne saurais franchir. Il y a d’abord beaucoup de pain sur la planche !

Contrepoints : LR va-t-il redevenir un parti d’idées, notamment libérales ?

GK : Tout d’abord, il est de mon point de vue indéniable que par comparaison avec son prédécesseur, Bruno Retailleau est quelqu’un qui écrit (lui-même), qui pense, et qui dit les choses. Sa pensée est construite et cohérente. Elle est le fruit d’un travail constant depuis plusieurs décennies. Dans le prolongtement de François Fillon , le dernier à avoir incarné un programme de rupture avec le social-étatisme, il a une véritable capacité à produire un corpus d’idées.

Certes ces idées ne sont pas exactement celles que défendraient des libertariens, LR ne va pas se mettre à citer Hayek, Friedman ou Ayn Rand à longueur de show télé et il ne faut pas attendre de la droite qu’elle défende un État qui du jour au lendemain dépenserait et prélèverait autant qu’en 1900, mais de manière irréfutable, son pedigree le démontre, Bruno Retailleau sait travailler en équipe et respecte les sensibilités des uns et des autres. Le libéralisme « pur et parfait », s’il existe, a de bien meilleurs jours devant lui avec Bruno Retailleau qu’il en aurait avec qui que ce soit d’autre.

Christian Jacob était l’homme d’un appareil devenu obsolète qui a fait ce qu’il a pu avec les ressources dont il disposait, mais ce n’est pas faire injure à sa mémoire politique que de dire qu’il n’y avait pas de « pensée jacobienne ». Sans pouvoir répondre avec certitude à la question, tout ce que je peux dire, c’est que la situation catastrophique dans laquelle se trouve le pays l’impose, ne serait-ce que parce que sur le marché des idées politiques, un outsider doit disrupter, mais à cette différence près que comme on nous le répète depuis des lustres, nous avons un véritable boulevard et que contrairement à ce que les médias mainstream prétendent, nous ne sommes en rien coincés entre le RN et Renaissance. Nous serions coincés si nous restions dans la matrice intellectuelle fainéante qui est la leur, celle de l’étatisme et de la centralisation bureaucratique.

Nous avons un boulevard si nous redevenons le parti de la liberté et des libertés. Toutes les abstentionnistes que je connais le sont non pas parce qu’ils ne s’intéressent pas à la santé du pays, mais parce qu’ils considèrent que les dés sont pipés, et qu’à la base du mal français, il y a d’abord des institutions défaillantes, un système duquel rien ne peut sortir de bon. Posons-nous des questions systémiques puisque personne ne se les pose. In fine nous n’avons pas à découvrir une niche mais à reprendre la place centrale qui est la nôtre depuis toujours et que personne n’a réussi à occuper depuis que nous l’avons malheureusement abandonnée, et ce, malgré les efforts de ces mêmes médias pour qualifier la Macronie de « libérale ».

Évidemment cela passera par la formulation du bon diagnostic. Il faut acter que les pansements sur les jambes de bois ne peuvent plus fonctionner. Après avoir réformé LR du sol au plafond, il faudra proposer de réformer le pays du sol au plafond aussi.

Voir en ligne : https://www.contrepoints.org/2022/1...