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FELLAGHA

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« Fellagha »

Quand ma pensée s’en va vers l’Afrique du Nord,

Je me sens, tout d’un coup, bourrelé de remords.

Que l’Algérie soit une province française,

C’est évident, bien sûr, bien qu’à tous ça ne plaise.

Que des hommes aient fait d’un bled qui n’était rien,

Ce beau pays algérien,

Nul ne peut dire le contraire…

Seulement, ces temps-ci, il faut compter, là-bas

Avec un mécontent, un certain fellagha.

Et, petit fellagha, c’est à toi que je pense

En voyant ta rancune à l’égard de la France.

J’ai beaucoup réfléchi et ma méditation

Me décide à venir te demander pardon.

Oui, pardon, fellagha, pardon pour mon grand-père

Qui vint tracer des routes et labourer la terre.

Il est tombé chez toi, il a tout chamboulé.

Où poussaient des cailloux, il a foutu du blé.

Et, mettant après cela le comble de l’ignoble,

Où poussaient des cailloux il a fait un vignoble

Pardon, cher petit Fellagha,

Oh, pardon de tous ces dégâts.

Et mon affreux grand-père (il faut qu’on le confesse)

N’était pas seul de son espèce.

Ces autres scélérats ont bâti des cités,

Ils ont installé l’eau et l’électricité.

Et tu n’en voulais pas, c’est la claire évidence,

Puisqu’avant qu’arrive la France

Tu n’avais, en dehors de la Casbah d’Alger,

Que la tente ou bien le gourbi pour te loger.

Et tu t’éclairais à l’huile.

Nos maisons, bien sûr, c’était la tuile.

De l’électricité, là encore soyons francs,

Tu ne demandais pas qu’on te mette au courant.

Tu t’es habitué à ces choses infâmes

Mais à regret et la mort dans l’âme

Stoïquement, d’ailleurs, supportant ces malheurs,

Avec courage et bonne humeur.

Mais tu engraissais, mais de mauvaise graisse

Car tu prenais le car (une invention traîtresse),

Ce même car que, pris d’un délire divin,

Tu devais, un beau jour, pousser dans le ravin.

Je comprends ta rancœur, je comprends ta colère,

Tu n’es pas au niveau des Arabes du Caire

Tu gâches et tu vis mieux qu’un fellagha égyptien.

À quoi Nasser … Nasser a rien

Nous avons massacré les lions, les panthères,

Nous avons asséché les marais millénaires.

Les moustiques sont morts. Les poux, De Profundis.

Nous avons tout tué, jusqu’à la Syphilis.

Ah ! Pardon, Fellagha, pour tous ces carnages.

Nous avons fait tout cela, c’est bougrement dommage.

Car si d’autres idiots l’avaient fait, inspirés

C’est nous qui maintenant, viendrions vous libérer,

Et bouffer les marrons cuits pour ces imbéciles.

C’aurait été moins long et beaucoup plus facile.

Bien pardon, Fellagha, de t’avoir mieux nourri,

Et d’avoir à tes pieds nus, mis (oh maladresse),

Des souliers…

Dont tu voudrais nous botter les fesses.

Pierre Jean Vaillard

Voir en ligne : http://lesamisdalgerianie.unblog.fr...