« Exit Bouteflika : bravo à la rue algérienne ! »
La rue algérienne, mobilisée depuis le 22 février 2019 contre la dictature d’Abdelaziz Bouteflika, a fait jusqu’à présent un parcours sans faute. Elle mérite le respect, pour son intelligence stratégique et sa haute tenue. Sans violence, elle a obtenu, mardi, la démission du président fantôme, qui avait déjà renoncé, sous la même pression populaire, à briguer un cinquième mandat. Paradoxalement, c’est au coeur d’une foule parisienne d’anti-Bouteflika, réunis dimanche place de la République pour réclamer davantage de démocratie pour l’Algérie, que l’intolérance sexuelle est apparue. Julia, une jeune femme trans qui sortait du métro, a été en effet violemment prise à partie et violentée par des hommes dont certains arboraient le drapeau algérien. Aucun mâle n’est venu prendre sa défense. Des agents de la Ratp ont dû intervenir pour éviter le lynchage de la victime. La scène filmée a été largement partagée mardi sur les réseaux sociaux. Les médias, ce mercredi, se sont majoritairement gardés de s’arrêter sur cette agression, évitant ainsi de s’appesantir sur leurs auteurs. L’impeccable rue algérienne aura-t-elle l’occasion de dénoncer ces agissements sexistes commis en France ? Il est en tout cas navrant d’observer ce que peut produire le "vivre ensemble" et le "respect de l’Autre" dans la patrie des droits de l’Homme. La France ne serait-elle pas plus malade que l’Algérie ?
Pour l’instant, l’exemple vient de là-bas. Paris n’a aucune leçon à donner. La France aurait d’ailleurs intérêt à garder profil bas dans cette émancipation d’un peuple susceptible, abusé par l’incompétence et la corruption de nombre de militants algériens de la décolonisation. L’aspiration démocratique que le peuple entend porter doit néanmoins être encouragée, ne serait-ce que par l’admiration qu’il mérite. Les femmes algériennes ont probablement un rôle important à jouer dans cette révolution qui s’amorce et qui cherche à se dégager tout autant de la dictature du FLN que de celle des islamistes. Reste que l’expérience désastreuse des printemps arabes oblige à la prudence. Les pays musulmans ont démontré que la démocratie, ses libertés et ses règles d’égalité entre les hommes et les femmes n’allaient pas de soi dans une culture islamique construite sur la soumission à Dieu et ses interdits. L’armée, en évinçant Bouteflika sans effusion de sang, a procédé à un putsch soft qui lui permet de conserver la réalité du pouvoir et de maintenir le système FLN. Il est peu probable que la rue, fine mouche, se laisse abuser par ce tour de passe-passe. Il lui reste encore d’autres étapes à franchir. Saura-t-elle maîtriser sa compréhensible impatience ? Pour elle, le combat ne fait que commencer. Les Algériens n’entendent apparemment pas le fuir en lui préférant l’exode.