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Emmanuel Macron : des réformes trop timides et impopulaires

, par  Claude Robert , popularité : 7%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

Par Claude Robert.

Souvenons-nous, François Hollande suscitait deux reproches antinomiques et pourtant bien réels : accusé d’être ultra-libéral par une frange importante de son électorat de gauche captif, il passait pour un socialiste pur et dur chez les Français de sensibilité libérale. Qu’il ait accumulé des records d’impopularité n’avait donc rien de surprenant, ses doubles discours et ses postures flottantes insupportaient quasiment tout le monde.

Il en est exactement de même pour Emmanuel Macron : pas assez réformateur aux yeux des citoyens qui appellent de leurs vœux une vraie libéralisation de l’économie française, tout en étant taxé d’ultra-libéral par les populations fortement ancrées à gauche et à l’extrême gauche. Il cumule un paradoxe tout à fait identique.

Ce paradoxe, qui laisse augurer la poursuite de la dégringolade du Président dans les sondages de popularité, n’a pourtant pas tout à fait les mêmes origines. Alors que François Hollande parlait beaucoup mais n’agissait pratiquement pas, Emmanuel Macron semble au contraire plombé par un excès de réformes, et pourrait-on dire, par un excès de mauvaises réformes : des réformes qui en possèdent les côtés désagréables sans en avoir les avantages. Pour résumer, il semble accumuler trois erreurs dont hélas les effets se potentialisent mutuellement : une communication et un calendrier dignes d’un véritable matraquage publicitaire pour des réformes qui n’ont de radical que l’apparence, voire pour des réformes qui ne sont que des contraintes sans aucun bénéfice.

Une communication et un calendrier dignes d’un véritable matraquage

Jusqu’à « vingt-six réformes de fond » ont été récemment recensées (Europe 1 28/02/18) ce qui est tout simplement colossal : droit du travail (à coup d’ordonnances), assurance-chômage, formation professionnelle, etc. La dernière en date,celle de la SNCF , résume à elle seule la philosophie générale de ce réformisme frénétique : beaucoup de stress et de mouvements sociaux, pour pas grand-chose (ouverture à la concurrence européenne mais maintien du statut des cheminots déjà en place, amélioration théorique de la qualité de service mais aucun détail sur la dette et sur l’organisation)…

Du fait de leur rythme et de leur appellation anxiogènes, ces réformes ont l’apparence de la radicalité sans en avoir les avantages, ce qui, d’un point de vue politique, est le comble de l’absurdité.

Des réformes qui n’ont de radical que l’apparence

Le propre d’une réforme radicale est de braquer les conservatismes du fait de l’ampleur des objectifs visés. Les spécialistes du change management le savent, changer les habitudes des gens implique irrémédiablement de s’opposer aux inerties et de gérer celles-ci positivement.

Les Anglais disent à ce sujet « no pain no gain » car les changements ne se font jamais sans un minimum de douleur. Manager les conservatismes pour éviter les blocages constitue l’une des clés de la réussite de toute réforme. La part de communication, de formation et d’accompagnement est donc essentielle, le but étant de faire adhérer les populations auxquelles le changement est imposé afin d’obtenir les adaptations attendues dans les temps impartis.

Proposer des changements qui font plus de bruit qu’ils n’apportent de changement est donc l’exact opposé de ce qu’il est rationnel de faire. Pourtant, les réformes qui ont l’apparence de la prétendue « violence des réformes libérales », sans en avoir le contenu, sont nombreuses de la part du gouvernement actuel, parmi lesquelles : La réforme du droit du travail : cette réforme va dans le bon sens mais laisse un goût d’inachevé car elle ne porte que sur des détails quasiment cosmétiques. Elle ne s’attaque ni aux inégalités entre le public et le privé (encore une fois, seul le privé fera les frais de cette réforme) ni à la suprématie du contrat à durée indéterminée.

À l’inverse, le fait d’intituler ce chantier « réforme du droit du travail » pour si peu revient carrément à provoquer avec un chiffon rouge les syndicats d’extrême gauche pour pas grand chose. Le gouvernement a certes fait preuve d’un certain courage, il faut le saluer, en améliorant certains détails. Mais était-il si astucieux de faire un tel tintamarre autour d’une réforme aussi sensible, pour si peu ? La « baisse » des impôts : à cette réforme qui devrait battre tous les records de popularité s’est d’ailleurs ajoutée une sorte d’imprécision si ce n’est de rideau de fumée qui fait qu’une infime minorité de Français devrait en bénéficier, les très aisés.

Pour les classes moyennes et pour les retraités, cette promesse de baisse est perçue comme un mensonge, et le nombre de taxes supplémentaires (au nombre de 8 selon L’Expansion au 20/01/18) et de projets sournois qui vont in fine dans la même direction sans le dire (CSG, taxe d’habitation proportionnelle au salaire, etc.) font que le gouvernement n’est plus crédible.

Dans l’esprit d’une majorité de citoyens, la pression fiscale s’accroît, alors même que le niveau de prélèvement de notre pays atteint des records. Rien d’étonnant à ce que l’effet de rejet soit maximal. Dans ce cas précis, non seulement la réforme annoncée ne déclenche pas les résultats attendus, mais elle semble provoquer le contraire de ce qui est annoncé.

Des réformes qui ne sont que contraintes sans bénéfice

Le summum de ce type de réformes qui n’apportent que des contraintes et aucun avantage pour compenser celles-ci réside dans le projet de diminution de la vitesse sur route à 80km/h . Mais ce n’est pas la seule, à croire que le gouvernement le fait exprès afin de se rendre totalement impopulaire, juste pour le plaisir : La baisse de la vitesse à 80 km/h : basée sur une étude qui ne respecte pas les lois de la statistiques (échantillon trop petit) et qui conclue sur l’aggravation de l’accidentologie en cas de diminution de la vitesse, cette réforme est une grave erreur de méthode. Elle a le don d’agacer quasiment tout le monde sans le moindre bénéfice perçu par ailleurs. Il est évident que c’est une contrainte quotidienne de nature à faire descendre les automobiliste et les motards dans la rue, sachant que le sens de l’histoire et les besoins de l’économie ne peuvent pas s’accommoder ad vitam æternam d’un durcissement des limitations. Tout comme pour les impôts, en matière de répression routière, il y a des limites qu’il ne faut pas dépasser. Les impôts retenus à la source : cette réforme qui pourrait permettre une simplification des services publics et une diminution du nombre des fonctionnaires se débrouille au contraire pour faire porter le chapeau par les employeurs, cela encore pour le seul bénéfice de l’État. Ce dernier en tirera une efficacité accrue dans sa capacité à collecter l’impôt, au préjudice d’une part du contribuable, qui y perdra en visibilité et en souplesse, et d’autre part des employeurs , qui vont devoir s’adapter et jouer un rôle supplémentaire jusque là assumé par un ministère.

L’embrouillamini centriste

Les libéraux et d’une manière générale la plupart des Français aux faits des mécanismes économiques sont d’autant plus désorientés par les agissements d’Emmanuel Macron que les grandes réformes incontournables que notre pays se doit d’entreprendre d’urgence sont toujours lettre morte : diminution radicale du train de vie de l’État et de la dette, baisse significative des impôts sur l’ensemble des entreprises et sur les ménages, réforme du syndicalisme. Ces réformes ne sont pas seulement urgentes mais elles conditionnent la réussite de toutes les autres.

Quelle peut-être par exemple l’efficacité réelle de la modification du droit du travail si les entreprises ont une rentabilité toujours inférieure à celle de nos voisins européens ? Comment transformer la SNCF sans remanier profondément sa gouvernance du point de vue des RH et des coûts ?

Plusieurs options s’offraient pourtant au gouvernement Macron/Édouard : (A) réformer en profondeur quitte à en payer le prix social sur le coup pour ensuite en tirer parti comme ont pu le faire M. Thatcher ou E. Schroeder ; (B) réformer par petites touches et très progressivement en expliquant l’ensemble de la roadmap et les bénéfices attendus pour tenter de faire adhérer la population avec le moindre coût social ; (C) ne pas réformer du tout.

De toute évidence, le gouvernement à choisi l’option (B) tout en générant du stress comme s’il avait choisi l’option (A). Un peu comme si Emmanuel Macron voulait se donner l’image d’un réformateur sans changer quoi que ce soit en profondeur, et surtout, sans que le moindre effort porte sur l’État lui-même, l’ensemble des contraintes reposant de toute évidence sur les perdants habituels : les entreprises et les contribuables français !

Très logiquement, ces erreurs génèrent des grèves et des manifestations dont le prix pourtant inutile ne fait qu’aggraver la situation économique déjà critique de notre pays. Cette spirale de l’échec n’a pourtant rien d’étonnant. Elle a pour origine directe le flou politique d’Emmanuel Macron . En effet, que l’on soit communiste, socialiste ou libéral, le « centre » constitue inévitablement une sorte « d’ailleurs » pour tout le monde, une terre inconnue, une zone opaque.

Comme le fait remarquer Luc Ferry, absorber les courants politiques dans un ventre mou indéfinissable revient à tuer le débat sur les grandes questions vitales concernant la place de la France dans le monde libéral actuel. La notion de défense de notre nation et de nos valeurs sociétales, tout comme la stratégie pour redresser nos finances et notre économie, tout cela mérite des débats de fonds clairs et transparents, débats qu’Emmanuel Macron a tenté d’engloutir dans une espèce de triangle des Bermudes centriste et un réformisme économique tout aussi anxiogène que superficiel.

La position des Français sur ces sujets cruciaux reste toujours très liée à l’appartenance aux courants classiques droite/gauche, courants que l’on trouve d’ailleurs dans la plupart des démocraties. Et bien évidemment, à ce jour, ni les Français étatistes ni les libéraux ne peuvent se satisfaire des changements économiques entrepris par le gouvernement.

Ne nous y trompons pas, pour Emmanuel Macron, cette tentative de casser le bipartisme n’avait certainement qu’un objectif, celui de détruire toute opposition à son programme afin de gagner les élections et de gouverner comme il l’entend. Mais comme pour François Hollande, qui s’était fait détester sur sa droite comme sur sa gauche, cela lui reviendra tel un méchant boomerang.

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