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Déclaration de revenus : 8,1 millions de foyers fiscaux volés par l’État ?

, par  Bertrand Joubeber , popularité : 5%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.
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Par Bertrand Joubeber.

Voici comment l’instauration du Prélèvement Forfaitaire Unique associé à la déclaration préremplie est une formidable invention pour piéger, spolier des millions de contribuables sans qu’ils s’en aperçoivent. Si vous êtes concerné, voici comment éviter ce piège.

C’est suite à une question à l’Assemblée nationale de la députée socialiste Mme Valérie Rabault que l’on a découvert le pot aux roses puisque le ministre de l’Action et des comptes publics Gérald Darmanin a donné les chiffres : 8,1 millions de foyers fiscaux ont payé trop d’impôts en 2019 sur leurs revenus de valeurs mobilières de 2018 (source ).

Autrement dit, l’État a réussi à voler en toute légalité plus de 8,1 millions de foyers fiscaux en leur faisant payer davantage d’impôt sur le revenu qu’ils ne doivent !

Avant d’expliquer comment une telle prouesse est possible, et comment l’éviter, il est utile de mesurer l’ampleur de cette spoliation à grande échelle.

De 5,6 millions en 2018 à 8,1 millions en 2019 : une spoliation en forte croissance

Bien évidemment, Gérald Darmanin ne l’a pas indiqué dans sa réponse à la députée : la spoliation n’est non seulement pas nouvelle mais de plus, elle est en forte croissance (+44 %) entre 2017 et 2018.

J’ai trouvé par hasard cette information dans le cadre de mes recherches pour mes articles précédents sur Contrepoints dans le Rapport d’information de l’Assemblée nationale sur l’application des mesures fiscales du 17 juillet 2019 par le député Joël Giraud (page 426).

Pour donner un ordre de grandeur, ce chiffre de 8,1 millions de foyers fiscaux est à rapporter au nombre total de déclarations réalisées en 2019 : 38,1 millions ; soit plus de 20 % des foyers fiscaux touchés par ce vol d’État.

Mais ce qui est encore plus intéressant, c’est ce chiffre rapporté au nombre total de foyers fiscaux à risque. Et là, le taux atteint 90 % !

Concrètement, 8,1 millions de personnes se sont fait piéger sur un total d’environ 8,9 millions de foyers fiscaux ayant perçu des revenus financiers et susceptibles de payer trop d’impôt. Seuls environ 0,8 million de foyers ont réussi à éviter la machination ourdie par l’État pour les spolier !

Pour quel montant au total ? Le ministre ne l’a pas indiqué, mais, selon mes calculs (sur la base des informations fournies dans la réponse), le montant a dû dépasser les 250 millions d’euros.

Le ministre a voulu minimiser l’ampleur du préjudice en précisant « que 80 % des foyers fiscaux [ont été volés] de moins de 50 euros. »

Néanmoins, comme expliqué ci-après, et comme ne le précise pas le ministre, les foyers fiscaux les plus touchés sont principalement les foyers fiscaux les plus faiblement imposés (c’est-à-dire ceux au taux marginal d’imposition de 0 % et 14 %). Et, dans ces deux cas, les principales victimes sont vraisemblablement les foyers fiscaux non imposables !

Le gouvernement a ainsi réussi le tour de force d’imposer des personnes non imposables ! Ils en ont rêvé, ils l’ont fait !

Quand on sait les cris d’orfraie poussés par toute notre classe politico-médiatique quand le gouvernement a réduit les APL de cinq euros mensuels , il est étonnant que l’information n’ait suscité qu’une indifférence générale.

Cette manœuvre d’État ne semble provoquer aucune indignation en raison de la nature des revenus concernés : dividendes, intérêts de placements financiers. Par principe ce type de revenus étant des revenus de riches, pas besoin de s’en offusquer. Personne n’imagine que des personnes aux faibles revenus, voire non imposables, puissent recevoir des revenus de placements financiers !

Toujours est-il que le gouvernement a, lui, bien mesuré l’ampleur de cette escroquerie et surtout la catégorie de personnes concernées puisque, fait rarissime, il a indiqué que les foyers fiscaux concernés pourraient exceptionnellement obtenir le remboursement des sommes trop perçues par le fisc :

« Dans ce contexte et dans le cadre du droit à l’erreur, il a en effet été décidé de donner une suite favorable à de telles demandes, sans pénalité. »

Les termes sans pénalité et droit à l’erreur sont méprisants quand on sait qu’il s’agit tout simplement d’un abus de droit de la part de l’État.

Une promesse qui n’engage pas à grand-chose d’ailleurs puisque, premièrement, personne n’a reçu l’information (sauf vous, lecteurs). Deuxièmement, personne ne comprend comment l’État a fait. Troisièmement, personne ne sait comment et surtout quel montant de restitution demander puisque personne ne comprend rien à la déclaration annuelle des revenus. C’est d’ailleurs le but, sinon ce ne serait pas aussi facile pour l’État de spolier chaque année des millions de contribuables.

Alors, comment ont-ils fait ? Et surtout que faire pour éviter d’être piégé ?

PFU + déclaration préremplie : la superbe trouvaille de l’État pour piéger les contribuables

L’escroquerie de l’État concerne les foyers fiscaux recevant des revenus de valeurs mobilières. C’est-à-dire, non seulement des revenus de dividendes, mais aussi des revenus d’obligations, de bons de capitalisation, des intérêts de contrats d’assurance-vie, etc. La grande majorité des placements financiers sont donc concernés.

Depuis le 1er janvier 2018, ces placements sont soumis par défaut au PFU (Prélèvement Forfaire Unique) de 12,8 % (7,5 % pour certains produits d’assurance vie). Ce PFU est donc un impôt prélevé par défaut par les intermédiaires financiers (courtiers, assureurs, etc.) à la source ; une dispense est néanmoins possible dans certains cas et pour certains revenus.

Le point important ici est : « par défaut ». Autrement dit, l’État s’arroge le droit de prélever un impôt, par le truchement de ses percepteurs que sont les intermédiaires financiers, avant même de savoir si vous y êtes assujetti !

En langage technico-administrativo-embrouillo-fiscal, le terme exact est : « de plein droit ». On pourrait appeler cela plutôt un « abus de plein droit » tellement cela relève d’un abus manifeste de la part de l’État.

Voilà donc comment l’État prélève son impôt, sans forcément que les contribuables en soient conscients puisqu’il le sait bien : peu de contribuables vont regarder le décompte du revenu net perçu.

Si cet impôt est prélevé à la source, il est possible d’en demander le remboursement total (cas d’un foyer non imposable) ou partiel (cas d’un foyer au taux marginal d’imposition de 14 %) dans le cadre de la déclaration annuelle de revenus.

Mais, c’est là que le crime est parfait grâce à la déclaration préremplie !

Si le montant de cet impôt prélevé à la source est bien indiqué dans la déclaration préremplie, il n’est aucunement indiqué qu’on puisse se le faire rembourser ni comment faire pour demander son remboursement.

Pire encore : quel que soit votre taux d’imposition, ces revenus financiers sont préremplis par défaut (encore une fois) en supposant que vous acceptez une imposition totale de ces revenus (prélèvements sociaux + impôt sur le revenu) au taux de 30 % (17,2 % + 12,8 %).

Or, dans la majorité des cas, pour les contribuables ayant un taux marginal d’imposition (TMI) de 0 % ou 14 %, cette imposition de 30 % des revenus financiers est supérieure à celle effectivement dûe !

Par exemple, concernant les revenus de dividendes, le taux d’imposition d’un contribuable non imposable est de 17,2 % (soit seulement les prélèvements sociaux). Pour un contribuable avec un TMI de 14 %, le taux d’imposition total est de 24,65 %.

Et voilà comment le tour est joué ! En prélevant à la source directement son impôt puis en préremplissant la déclaration de revenus annuelle de telle sorte que cet impôt ne fasse l’objet d’aucune demande de remboursement, l’État a volé plus de 8 millions de foyers fiscaux.

Sans qu’ils s’en aperçoivent puisque tout est automatique ! Les foyers non imposables n’ont rien vu venir puisque le prélèvement a lieu à la source et que la déclaration préremplie n’en propose pas le remboursement.

Ce système tout automatique fait même l’objet d’une communication positive sous le terme de simplification ! Chacun jugera.

Ce système profite néanmoins, disons-le, aux contribuables ayant un TMI supérieur à 30 %. À la fois d’ailleurs en termes de déclaration de revenus simplifiée mais aussi en termes de montant d’impôt sur leurs revenus financiers (plafonné à 30 %).

Comment éviter ce piège de l’État ?

Si je vous ai expliqué en français le mécanisme de l’escroquerie d’État, il faut maintenant le traduire en langage technico-administrativo-embrouillo-fiscal pour que vous puissiez l’éviter. Désolé d’en passer par là, mais c’est le seul moyen d’y arriver.

Pour le fisc, « demander le remboursement de l’impôt indûment perçu » s’appelle « opter pour le barème de l’impôt sur le revenu » ! C’est évident, non ?

C’est d’ailleurs pour cela que le gouvernement, dans sa communication sur ce sujet, a indiqué que les contribuables concernés « avaient fait le mauvais choix » (voir ici ).

Une manière de se dédouaner de sa responsabilité en reportant la faute sur les contribuables ! Quand on sait que 90 % d’entre eux ont fait le « mauvais choix », chacun jugera de la pertinence de cette vision des choses.

Vous n’avez pas vu, dans votre déclaration de revenus, d’option pour le barème ? C’est normal, cette option n’existe pas !

À défaut d’option, il faut en fait cocher une case ! C’est la case 2OP. Celle avec la mention : « Vous optez pour l’imposition au barème de l’ensemble de vos revenus et gains mobiliers ».

Pour les contribuables qui ne cochent pas cette case, cela signifie qu’ils ont choisi l’imposition au PFU des revenus financiers. Ou plutôt, vous l’aurez compris, c’est cette option que l’État a choisi pour eux !

Mais là ne s’arrête pas la modification de la déclaration préremplie. Pour bénéficier de la CSG déductible en cas d’imposition au barème, il faut aussi modifier le montant prérempli en case 2CG en l’effaçant et en le reportant en case 2BH. C’est simple, non ?

On comprend mieux pourquoi tant de foyers fiscaux ont été piégés ! Pour éviter ce piège fiscal, il faut vraiment le vouloir. Et donc le comprendre.

Et ce n’est que le début !

Dans un bel élan de contrition, le gouvernement a indiqué :

« Des actions de communication sont engagées par la DGFiP afin de mieux accompagner les usagers. Ces actions ont pour objectif d’inciter les usagers qui y auraient intérêt à utiliser l’option d’imposition au barème si celle-ci leur est plus favorable. Ainsi, pour la prochaine campagne déclarative des revenus 2019 qui débutera en avril 2020 : le site oups.gouv.fr sera enrichi afin d’intégrer cette thématique. »

Effectivement une information a été ajoutée sur le site oups.gouv.fr. Je vous invite à aller voir . Pour faire simple, il est indiqué : si vous avez intérêt à opter pour le barème, faites-le. Un vrai bijou de communication fiscale.

Quand on lit la suite, on pourrait être rassuré :

« Dans le cadre de la déclaration en ligne, pour les usagers qui n’auraient pas spontanément opté pour l’imposition au barème, un calcul sera automatiquement réalisé en simulant l’option et un message invitera explicitement le déclarant à opter si l’option s’avère plus favorable.  »

Dans la réalité, cela est totalement faux puisque, comme pour le choix de l’option, aucune information claire indique que le choix du barème est plus intéressant. À la place, à la fin de la déclaration, un message sibyllin apparaît qui renvoie au site oups.gouv.fr.

Ce message est la traduction concrète pour l’Etat d’un « message invitant explicitement le déclarant à opter pour le barème ». Tout le monde aura compris, c’est évident ! Si vous n’avez pas compris, c’est bien évidemment votre faute.

Après tout l’argent dépensé dans la mise en place de la déclaration préremplie, on aurait pu penser que l’État l’aurait fait en préremplissant correctement les revenus, c’est-à-dire en considérant le meilleur choix pour le contribuable.

On comprend mieux pourquoi tout l’appareil administrativo-politico-fiscal français voulait tant le mettre en place. Ce système révèle son véritable objectif : prendre l’argent tout de suite pour mieux imposer ! Avec toujours la simplification comme argument fallacieux.

Et ce n’est certainement que le début puisque, depuis cette année, le gouvernement a mis en place la déclaration automatique. Encore un choc de simplification qui cache une autre intention :

« Cette année, l’administration fiscale permet à 12 millions de foyers fiscaux – pour lesquels elle dispose de toutes les informations nécessaires à la taxation de leurs revenus – de ne plus valider leur déclaration ».

Si vous êtes éligible à la « déclaration automatique », vous n’aurez donc rien à faire. Un moyen très pratique pour escroquer encore plus de contribuables !

Il est très probable que la prochaine étape sera :

« à partir de maintenant, votre impôt sera prélevé, payé et calculé selon notre bon vouloir. Si vous n’êtes pas d’accord avec notre calcul et les montants, vous devrez déposer un recours en contentieux et peut-être que, dans 2 ans, dans notre grande bonté (c’est-à-dire sans pénalités et dans le cadre du droit à l’erreur), vous pourrez obtenir gain de cause. »

Je signale qu’il ne s’agit pas de science-fiction puisque l’État pratique déjà ce vol caractérisé. Je n’entrerai pas dans les détails ici, mais dans certains cas bien particuliers (en particulier en matière de versement de dividendes), l’État a mis en place un système de « remboursement non remboursable ». En terme fiscal, cela s’appelle un « crédit d’impôt non restituable » et s’apparente tout simplement à une spoliation légale.

Pour conclure cet article, je vous invite clairement, avant de valider votre déclaration de revenus, à faire des simulations concernant l’imposition de vos revenus financiers pour vérifier la meilleure option pour vous, incluant l’ensemble de vos revenus.

Il se peut que vous économisiez des sommes non négligeables en choisissant l’option du barème. Si cet article a pu vous éviter de payer trop d’impôt, ma mission aura été remplie !

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