La transition énergétique sera avant tout une transition électrique reposant sur le « grand remplacement » d’équipements thermiques par des équipements électriques. En France la consommation d’électricité devrait presque doubler d’ici 2050. La question de fond est « d’où viendra cette électricité ? ».
Depuis une dizaine d’années, sous l’impulsion de l’Allemagne l’Europe a choisi de foncer tête baissée dans les renouvelables avec comme le gaz naturel comme support. Cette stratégie se lit en filigrane de l’évolution des sources électriques : depuis 2014 les consommations d’électricité charbonnière (-60%) mais aussi nucléaire (-10 %) ont baissé au profit de l’électricité renouvelable (+76 %) et gazière (+54 %) boostant de 20 % la consommation européenne de gaz.
Pourtant, dans un contexte mondial de croissance de la demande gazière, les investissements dans les hydrocarbures se sont effondrés notamment sous la pression d’ONG poussant à l’arrêt complet de tout nouveau développement. C’est la baisse de l’offre conséquente à cette baisse des investissements associée à un accroissement de la demande qui est la cause structurelle de la flambée des prix du gaz depuis mi-2021. Par effet de ricochet, les prix du gaz se sont répercutés sur les prix de l’électricité dont le MWh a atteint des sommets depuis un an.
Si la crise ukrainienne n’est pas la cause primaire de la flambée des prix de l’énergie, elle est en revanche intervenue comme révélateur de notre dépendance auu gaz russe dont les importations sont passées de 26 % en 2010 à 42 % en 2021. Cet accroissement fait suite à la chute de la production domestique européenne qui ne couvre plus que 10 % de nos besoins (contre 50 % en 2010). D’autant que les volumes importés de Russie (160 milliards de m³ par an) ne peuvent être remplacés en totalité notamment par du Gaz Naturel Liquéfié transitant principalement vers le sud-est asiatique.
Pour la France, qui n’est pas un pays fortement gazier, le gaz russe ne représente toutefois que 3 % de sa consommation d’énergie primaire. En revanche, pour l’Allemagne, ce chiffre est porté à 16 %. Autant il est possible à partir de mesures de sobriété acceptables de réduire sa consommation énergétique de 3 % en chassant les petits gaspillages, autant la réduire de 16 % n’est possible qu’en acceptant une profonde récession de son économie. La France était donc face à l’Allemagne en position de force et pouvait choisir la dose de solidarité qu’elle était prête à concéder.
Hélas, l’arrêt de la moitié de nos réacteurs nucléaires nous impose aujourd’hui d’importer massivement des électrons en provenance d’outre-Rhin. Ce marché « électricité contre gaz » va nous contraindre à réduire notre consommation bien au-delà des 3 %. Ceci explique les 10 % en deux ans avancés par la Première ministre. Cette sobriété non choisie risque hélas de nous entraîner comme l’Allemagne dans la spirale de la récession.