Lundi, la Direction générale de la Santé (DGS) a annoncé la fin de l’isolement systématique des cas positifs et de la réalisation de tests au bout de deux jours pour les cas contacts à compter du 1er février. Une décision justifiée par un contexte épidémique dit « favorable » sur l’ensemble du territoire.
L’isolement n’est plus une obligation mais une vive recommandation, comme pour toute infection virale.
La fin de ces deux mesures s’accompagne de la fin des arrêts de travail dérogatoires sans jour de carence et du service « Contact covid » mis en place par les CPAM.
Après les grands confinements, la grande libération ? Que nenni.
Le précédent antiterroriste
Ceux qui se souviennent du sort de l’état d’urgence antiterroriste ne seront guère si naïfs.
Critiquées pour leurs nombreux prolongements depuis 2015, les lois relatives à l’état d’urgence antiterroriste ont fait l’objet, début 2021, d’une introduction dans le droit commun, une entrée qui a constitué une entaille de plus dans un État de droit qui n’en a en réalité que l’intitulé.
Cette introduction sera largement critiquée par les juristes voyant d’un mauvais œil la mise à l’écart dujuge judiciaire , garant des libertés et de la propriété au profit du ministre de l’Intérieur et de ses autorités préfectorales, notamment en matière de liberté de circulation, de culte ou encore de communication.
Une dilution de l’État de droit
Professeure de droit public à l’université de Nanterre et directrice du Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux (Credof), Stéphanie Hennette-Vauchez a écrit La démocratie en état d’urgence. Quand l’exception devient permanente .
Cet ouvrage porte une critique des états d’urgence à répétition diluant peu à peu la démocratie dans une forme d’autoritarisme soft. Mais cette répétition n’est pas l’unique outil de cette dilution. L’intégration de mesures dans le droit commun en est également un puissant levier.
L’état d’urgence sanitaire, comme l’état d’urgence antiterroriste, a montré un autre levier après une tentative d’intégration à notre droit commun.
L’échec du projet 3714
Le 21 décembre 2021, le Conseil des ministres a présenté le projet de loi n°3714 visant à instituer un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires .
Si les plus grands totalitarismes ont toujours été ceux qui ont su se draper dans les oripeaux les plus nobles, ce texte visait à remplacer l’oppression par l’incitation. Or, l’article 1er du texte permettait à Matignon de prendre des décisions à l’encontre des personnes non-vaccinées et frappant directement leurs libertés les plus élémentaires, rappelant l’idée d’un passeport vert proposée à la même époque et visant à créer des droits de circulation différenciés selon le régime vaccinal.
Si ce projet de loi a été retiré dès le lendemain de sa présentation , marquant un peu plus l’amateurisme – volontaire ou non – du gouvernement, ce dernier a tenté une autre méthode.
La fin des mesures emblématiques
Puisque le faire de manière frontale faisait courir le risque d’une trop grande levée de boucliers dans un contexte social déjà tendu, le gouvernement a décidé d’agir autrement.
Le 1er août dernier, l’état d’urgence sanitaire prenait officiellement fin. Plus de confinement, plus de pass sanitaire, plus de couvre-feu mais la possibilité pour les établissements de fixer des règles d’entrée et pour le ministère de la Santé de prendre des arrêtés en cas de reprise épidémique.
Mais la mesure la plus controversée restera sans doute la non-réintégration des soignants non- vaccinés , l’obligation vaccinale de ces personnels, alors même que la vaccination ne permet pas d’éviter la contagion mais de limiter uniquement la symptomatologie du virus. Pérenniser l’état d’urgence, pas les soignants, donc…
Cette réintégration est depuis l’objet d’un conflit électoral récurrent de la part du RN et de LFI, lesquels souhaitent se tailler la part du lion de l’électorat infirmier contestataire.
Davantage qu’une intégration dans le droit commun, la fin de l’état d’urgence sanitaire s’est en réalité soldée par la fin des mesures les plus emblématiques de cette période, sans mettre fin à la logique sous-jacente.
Une fin de restriction insipide
Entre répétition, intégration dans le droit commun ou simple arrêt des mesures phares, les moyens d’écorner notre État de droit en pérénisant l’état d’urgence sont nombreux. L’état d’urgence sanitaire n’y fait pas exception et la fin de quelques restrictions, émiettée dans l’actualité normative, tranche par son absence totale de saveur dans un contexte d’exaspération généralisée.