D’où vient la différence spectaculaire entre l’afflux des demandes de vaccination ( 3 millions en quelques jours et 792 000 vaccinations en une seule journée) et la faiblesse des manifestations hostiles aux mesures liberticides (120 000 manifestants, samedi 17 sur toute la France) ? On doit faire plusieurs constats : d’abord, il y a une disproportion entre la réalité de la pandémie et deux de ses conséquences, le caractère obsessionnel de sa présence dans les médias, et le gigantisme des moyens déployés pour la combattre. L’immense majorité de ceux qui ont affronté ce virus sans être vaccinés se sont rétablis sans difficulté. Le nombre des morts n’a guère modifié les courbes démographiques. La plupart des victimes étaient des personnes âgées et atteintes de pathologies qui les rendaient plus vulnérables. En revanche, la capacité de les sauver était réduite par la submersion des hôpitaux et notamment des services de réanimation. Le second constat porte évidemment sur le refus de la mort qui caractérise l’état actuel de notre civilisation : la prétendue guerre à zéro mort, la réduction des rituels funéraires, la suppression de la peine capitale vont dans le même sens de cet effacement d’un événement inévitable qu’on retarde le plus longtemps possible, à moins qu’au lieu d’être subi, il soit voulu et assumé. En troisième lieu, cet évitement de la mort va de pair avec l’affaiblissement des religions, et en particulier du christianisme en Europe occidentale. L’idée d’une vie éternelle, après un séjour terrestre imprégné d’ascétisme en vue de la gagner, a laissé place à un “carpe diem” généralisé, où les plaisirs de l’ego au quotidien l’emportent sur les perspectives altruistes à long terme.
Une première conclusion s’impose : lorsqu’un pouvoir érige la vaccination comme seule solution pour circonscrire la pandémie, épargner un certain nombre de victimes, et surtout retrouver “la vie normale” avec l’hédonisme inscrit au coeur de notre civilisation actuelle, il use d’un argument efficace. Quand il brandit “en même temps” les peines qui frapperaient les récalcitrants au passeport sanitaire prouvant la vaccination, les amendes énormes que risqueraient les commerçants, les privations et discriminations qui toucheraient les non-vaccinés, les “sans-vaccin” en somme comme on dit les “sans-papiers”, il ne faut pas s’étonner que la majorité se précipite vers les centres de vaccination. 62% ont moins de 35 et on peut penser que c’est plus la gène de l’absence du passeport que la peur du virus ou l’altruisme qui a produit cet engouement. En face, les appels à la résistance ponctués de termes souvent excessifs, de comparaisons saugrenues, et parfois aussi d’actes irréfléchis, comme le saccage d’un centre de vaccination à Lans-en-Vercors, sont aussitôt qualifiés d’extrémistes, complotistes, conspirationnistes, totalement inconscients. Les statistiques affichées par le gouvernement indiquent que 96% des personnes infectées récemment ne sont pas vaccinées : ces chiffres associés à l’idée d’une vie plus facile par l’obtention d’un passeport sanitaire grace au vaccin pèsent plus lourd que la défense d’une liberté plus abstraite.
Cette bataille de la résistance à la vaccination semble perdue, à moins d’une censure de la loi par le gouvernement des juges. Cette défaite risque de masquer des déboires bien plus considérables. D’abord, ce qui se passe dans notre pays correspond au phénomène décrit par La Boétie, la Servitude volontaire. Appliqué à notre époque, ce concept indique qu’un régime non-démocratique bénéficie toujours de la complicité de ceux qui le subissent. “Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres”, disait La Boétie. Mais libres de quoi ? répondront en choeur les “homo festivus” d’aujourd’hui ! C’est pourquoi il convient d’élargir le front du combat, de ne pas le limiter au champ de ce virus qui, quelle que soit sa dangerosité réelle, a surtout été une excellente occasion pour une idéologie de rétablir sa domination, et même de l’accentuer. Dans le monde, le “populisme” progressait, le “mondialisme” était mis en cause, les nations s’affirmaient face aux “machins” supranationaux. Si dans un premier temps, la propagation de la maladie grâce à l’accélération des échanges mondiaux a permis d’argumenter contre la mondialisation, très rapidement, l’offensive a changé de camp : Trump et Bolsonaro ont été ciblés pour leur gestion désinvolte de la pandémie. Les laboratoires accusés d’avoir mené une campagne contre les traitements empiriques, utilisés ici et là, en vue de favoriser leurs propres produits, sont devenus les sauveurs du monde grâce à la prouesse d’avoir inventé de nouveaux types de vaccins en un temps record.
Le président élu en 2017 va évidemment tenter de maintenir la peur obsessionnelle renouvelée par les variants jusqu’à l’élection présidentielle. Son implication dans ce qu’il avait qualifié de guerre, sera son argument de campagne décisif. Quand un pays subit un fléau, celui qui aura paru l’en protéger apparaîtra comme le sauveur. C’est ainsi que Schröder avait assuré sa réélection après des inondations catastrophiques en Allemagne. C’est pourquoi, plutôt que de se mobiliser sur le vaccin, il est essentiel de faire le bilan global d’un mandat présidentiel calamiteux : la gestion de la crise sanitaire a été une suite d’échecs, de mensonges, de contradictions et décisions biscornues. Les frontières laissées ouvertes, les masques inutiles, parce qu’inexistants, puis obligatoires sous peine d’amendes, les tests insuffisants, l’absence de vaccin français, la pesanteur des confinements et des couvre-feux, la discrimination des lieux et des personnes, au détriment des commerçants indépendants, de la culture et du tourisme, le tout accompagné de sanctions absurdes, constituent un réquisitoire que le succès de la vaccination, tardif en raison de la pénurie initiale et obtenu sous la contrainte, ne saurait annuler. L’état d’urgence permanent, la multiplication des contrôles et leur cible, à savoir la population globalement conformiste auraient un objectif de dressage du peuple après la mésaventure des Gilets Jaunes que l’on ne s’y serait pas pris autrement. D’ailleurs, il est paradoxal qu’un pouvoir dont l’idéologie prétend lutter contre les discriminations que subissent des minorités, en introduit au sein même de la majorité. Le “sans-vaccin” sera plus mal traité que le “sans-papier”. Tandis qu’on lui interdira d’aller au cinéma, on financera avec de l’argent public des locaux accueillant des drogués pour qu’ils se droguent, en oubliant qu’il s’agit de comportement illicites. Et ne parlons pas des clandestins en vadrouille, ni des quartiers de non-droit où les commissariats sont attaqués. Enfin, le pouvoir a choisi la voie de la facilité en masquant le décrochage économique de la France par le vieux mécanisme de la planche à billets, en l’occurrence une dette vertigineuse.
En opposant le vaccin à la liberté, on se trompe de cible, car les vaccinés se diront libres de vivre en consommateurs sans avoir fait usage de leur libre-arbitre. C’est triste, mais c’est ainsi. En revanche, en visant dans sa totalité un règne désastreux, commencé par une mise en examen organisée et qui va s’achever avec la mise en examen d’un ministre de la Justice nommé avec une incroyable légèreté, on dressera le réquisitoire nécessaire pour libérer la France d’un pouvoir peu légitime et dangereux pour elle.
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