Partout en Chine , des protestations populaires s’élèvent contre une politique de confinements sanitaires qui étouffe le pays depuis des années. En cause, une politique « zéro covid » autoritaire initiée dès 2020 pour contenir la progression du Covid-19, qui a abouti à une paralysie sans précédent du pays, notamment suite à l’isolement forcé de la ville de Shanghai.
Protests in China are not rare. What *is* rare, are multiple protests over the same issue, at the same time, across the country. The protest below, apparently in central Beijing’s liangmaqiao, is astounding #China #protests pic.twitter.com/UHJCqqF1YG
— Tom Mackenzie (@TomMackenzieTV) November 27, 2022
Des gardes blancs pour succéder aux gardes rouges
Au nom de la politique « zéro covid », des bataillons entiers de fonctionnaires en combinaisons blanches et en masques ont imposé aux populations les pires restrictions, les confinements les plus redoutables et se sont attirés la haine des citoyens ordinaires. Les confinements et les couvre-feux n’ont pas seulement transformé certaines grandes villes de Chine en prisons géantes. Ils ont fait plonger l’économie nationale, menaçant jusqu’à une croissance économique mondiale déjà chancelante.
Chinese Economic Indicators Tumble in Prolonged Lockdowns. Via @StatistaCharts #china #economy #financial #finance
https://t.co/XlobSnLftA pic.twitter.com/qQgllmvBrl
— Dr Efi Pylarinou (@efipm) May 17, 2022
En réaction, ce sont des foules compactes qui protestent parfois violemment dans plusieurs grandes villes du pays en appelant à plus de libertés et un allégement des restrictions.
Impossible de ne pas rapprocher ces protestations spontanées de celles qui ont fleuri partout en Occident et particulièrement en France au pire moment de la crise covid. Au sein des médias, de nombreux médecins, soignants et bureaucrates avaient dès le début de la crise pris la Chine comme exemple de politique publique adaptée en réponse à la pandémie.
La stratégie « zéro covid », populaire parce que radicale, a séduit, inspirant les confinements et les couvre-feux les plus impitoyables, les restrictions de libertés publiques les plus exceptionnelles et les mesures les plus irrationnelles. La stigmatisation des opposants à l’autoritarisme sanitaire, démocratie oblige, fut beaucoup plus soft à Paris qu’à Pékin. Reste que la logique bureaucratique d’ingénierie sociale fut assez semblable et s’est traduite par une commune hostilité aux libertés individuelles.
La crainte d’un nouveau Tien An Men
Pour un pays cornaqué par un parti communiste pétrifié à l’idée d’un nouvel événement de type Tien An Men , cela pourrait être le début d’une nouvelle ère. La nomenklatura du parti redoute depuis des décennies un destin semblable à celui de l’URSS. Après l’effondrement idéologique du communisme, c’est celui du pays qui a suivi, le tout au nom des revendications en matière de libertés publiques et d’autonomie nationale. Il faut donc à tout prix éviter un nouveau 1989 pour éviter un 1991.
#ChinaProtests pic.twitter.com/KXfy9s98LX
— Visegrád 24 (@visegrad24) November 27, 2022
L’arrivée de Xi Jinping à la tête de l’État témoigne de cette glaciation réactionnaire, après une ère de relative ouverture à la mondialisation au début des années 2000. Le culte de la personnalité et le petit catéchisme marxiste-léniniste pourront-ils conjurer le sort et permettre à la dictature de s’en sortir ?
People were shouting : “Down with the Communist Party ! “Down with Xi Jinping !” “We want freedom !”
Every of these slogans is enough to send a person to jail for 10 years or even a life risk. pic.twitter.com/QT2VQdnFpn
— Franka Lu (@FrankaLu) November 26, 2022
La crainte bioterroriste
Reste une grande inconnue qui intrigue tous les observateurs de la Chine contemporaine : pourquoi Pékin a-t-il choisi de durcir à l’extrême sa politique sanitaire au point de fragiliser sa croissance et même, comble du comble, risquer le désordre civil tant redouté par sa classe bureaucratique ?
Pour l’économiste et spécialiste de géopolitique Philippa Malmgren , il y a un lien entre cette politique sanitaire radicale et le changement d’attitude de Xi en politique étrangère, devenue depuis quelques temps beaucoup plus belliqueuse et défiante à l’endroit des États-Unis.
China sees SARS-CoV-2, COVID-19 and the vaccines as American biowarfare. This is why they are sharpening their stance toward Taiwan. Read about the penning of pishi & the arming of a “porcupine” (Taiwan), both prickly subjects that needle us. https://t.co/t50xifQMJt pic.twitter.com/E7ZkaXP5CK
— Pippa Malmgren (@DrPippaM) November 8, 2022
Aussi absurde que cela puisse sonner aux oreilles des Occidentaux, il est probable que les élites du parti pensent que Washington prépare une guerre biologique pour conserver sa suprématie mondiale et supplanter ses concurrents engagés dans la même course aux armements d’un nouveau genre. Dans ce climat de menace bioterroriste alimenté par la découverte des biolabs en Ukraine, la Chine, devenue paranoïaque, aurait donc sur-réagit face au covid et aux vaccins devenus tout à coup suspects.
Comment Xi Jinping va-t-il réagir face à ces protestations de la base contre un autoritarisme sanitaire délirant ? Cela se traduira-t-il en véritables exigences démocratiques, ou au contraire en nouveau cycle de répressions au nom du totalitarisme communiste ? Aujourd’hui un espoir est né mais la route pour sortir de la servitude demeure longue.