Par Daniel Lacalle.
Un article de Mises.org
Malgré une croissance économique intérieure élevée et une reprise mondiale solide, le marché chinois est en baisse sur l’année. À la clôture de cet article, le Shanghai CSI 300 est en baisse de 5 %, contre +18 % pour le S&P 500. Au cours des cinq dernières années, il a progressé de 51 %, un chiffre honorable mais modeste comparé à la progression de 103 % du S&P 500.
En outre, le marché boursier chinois paraît « visiblement » bon marché. À 12,7 fois le ratio cours/bénéfices estimé pour 2021, selon Bloomberg, il est nettement moins cher que la plupart des économies développées et de nombreuses économies émergentes. Pourquoi « visiblement » bon marché ? Parce que l’évaluation du marché boursier chinois comprend des escomptes importants que tout investisseur doit prendre en compte. Le risque politique et l’intervention de l’État constituent un facteur d’actualisation pertinent qui ne peut être ignoré, et la récente répression en matière de technologie et d’éducation en est la preuve.
Les risques politiques et d’intervention étatique ne sont pas exclusifs aux actions boursières chinoises mais expliquent une grande partie de la décote en termes de valorisation. Ces risques sont également présents sur le marché de pays comme la Russie, mais aussi en Espagne et en Italie.
Intervention politique aléatoire
Il ne s’agit pas seulement du risque réglementaire, qui peut exister dans de nombreux secteurs au niveau mondial, mais du risque d’une intervention aléatoire, politique et destructrice. Lorsque les politiciens veulent prendre le contrôle d’entités privées, la croissance de leurs bénéfices et leurs marges ne sont pas pertinentes compte tenu de la possibilité d’une gestion fluide avec des politiciens qui utilisent les bilans des entreprises privées à des fins politiques.
La récente répression en Chine n’a pas pour objet les inégalités, mais le contrôle. Si le gouvernement voulait réduire les inégalités, il aurait mis en œuvre des mesures fiscales plus efficaces que de paralyser son marché boursier.
La forte croissance de l’économie chinoise ne se reflète pas dans les valorisations pour deux raisons principales, à mon avis.
Premièrement, la majeure partie de cette croissance est planifiée de manière centralisée et alimentée par un endettement massif.
Deuxièmement, le risque de changements aléatoires dans la gestion et la stratégie des entreprises pour des motifs politiques a augmenté au cours des dix dernières années. L’économie chinoise ne se libéralise plus depuis que le mandat de Xi Jinping a été prolongé indéfiniment.
Elle se ferme progressivement, et l’un des principaux objectifs d’un gouvernement plus interventionniste est de prendre d’assaut le secteur des entreprises et de prendre le contrôle des sociétés privées, même si cela signifie affaiblir leur situation financière, limiter leur accès aux marchés des capitaux et susciter l’inquiétude des investisseurs.
Progrès du contrôle politique
Par conséquent, le risque politique pèse davantage sur les valorisations car les investisseurs savent que les politiciens ne tiendront pas compte des intérêts des actionnaires et des parties prenantes et qu’ils utiliseront probablement le bilan de l’entreprise pour faire progresser le contrôle politique.
Nos lecteurs diront peut-être que le gouvernement a de bonnes intentions et que la présence de politiciens dans les entreprises n’est pas nécessairement synonyme de destruction de valeur, mais ces réflexions naïves sont erronées.
Si les politiciens avaient à l’esprit les meilleures intentions et la bonne volonté des citoyens à l’esprit, ils renforceraient l’indépendance des régulateurs au lieu de prendre le contrôle politique des entreprises privées.
Un homme politique qui garde à l’esprit l’intérêt supérieur de son peuple laisse des professionnels indépendants prendre les décisions en matière d’affaires et de réglementation, précisément pour éviter les décisions à connotation politique.
En revanche, lorsque les politiciens affaiblissent l’indépendance des régulateurs et renforcent leur emprise sur la gestion des entreprises, il n’y a aucun avantage pour les citoyens ou les actionnaires. Il s’agit simplement d’interventionnisme pour faire avancer un programme politique. Les flux de trésorerie sont dilapidés, la dette gonfle et les inégalités augmentent, car le mérite disparaît au profit de l’adhésion politique.
Si le gouvernement chinois s’inquiète des inégalités et du pouvoir du marché, pourquoi n’a-t-il pas créé des régulateurs indépendants et transparents au lieu de les rendre encore plus dépendants du gouvernement ?
La décote de la bourse chinoise est également fonction de l’interventionnisme passé et d’une règle de « croissance à tout prix ». Un pays avec une croissance et un potentiel aussi élevés affiche un indice avec des finances très faibles. La dette nette par rapport à l’EBITDA dépasse 6,9x, principalement en raison des entreprises d’État qui ont accumulé des dettes tout en affichant une rentabilité très faible. Le rendement des actifs de l’indice de Shanghai, selon Bloomberg, est de 1,18 % et la marge bénéficiaire n’est que de 7,9 %, alors que la marge brute est de 16 % !
Ce que doit faire la Chine
Le marché chinois a-t-il un potentiel ? Absolument, et il est énorme. Toutefois, pour atteindre le potentiel de réévaluation qu’il mérite, le gouvernement chinois doit promouvoir la transparence, l’indépendance des membres des conseils d’administration, les audits et la réglementation, ainsi que des règles claires de gouvernance d’entreprise qui protègent les investisseurs et les parties prenantes.
Toutes les mesures qui vont à l’encontre de l’indépendance des régulateurs et des dirigeants d’entreprise et de marchés de capitaux ouverts et transparents finissent par se retourner contre eux, car elles n’aident en rien les citoyens et affaiblissent le tissu des affaires et des investissements.
Remplir les entreprises de gestionnaires nommés pour des raisons politiques signifie moins d’innovation, un manque de remise en question des mauvaises décisions et des malinvestissements massifs, des traits que la Chine pourrait rapidement réduire si elle ouvrait, au lieu de fermer, son économie.
C’est une leçon pour ceux qui, en Occident, considèrent l’interventionnisme croissant de la Chine comme une bonne idée. L’interventionnisme politique est synonyme de mauvaise allocation du capital, de création d’emplois de mauvaise qualité et du pire type d’inégalité, celle qui est déterminée par la politique.
Traduction Contrepoints.
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