Par Nathalie MP Meyer.
Si jamais vous allez faire votre marché ce week-end, il n’est pas impossible qu’un vaillant militant de La République En Marche (LREM) cherche à vous glisser dans les mains un joli tract de couleur jaune-orange vantant la brillante réussite économique et sociale d’Emmanuel Macron à l’Élysée.
Le gouvernement vante le bilan économique de Macron
Eh oui, à six mois du premier tour de l’élection présidentielle de 2022, l’heure des bilans a sonné, et ce n’est pas sans « fierté et conviction » (dixit le Premier ministre) que le gouvernement et le parti présidentiel ont le plaisir de vous annoncer que 90 % des engagements de campagne du candidat Macron ont été tenus. Tadam !
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Et ce n’est pas tout ! Il faut garder son « humilité », bien sûr (Castex, encore), mais pourquoi se le cacher ? En cet automne 2021, la France connaît un âge d’or comme elle n’en avait pas vécu depuis des siècles.
Il suffit d’écouter le ministre de l’Économie Bruno Le Maire pour s’en convaincre : « L’économie française se porte bien ! » Elle a réalisé un véritable « exploit » sur le plan du chômage qui pourrait descendre à 7,6 % d’ici la fin de l’année selon la dernière note de conjoncture de l’INSEE (contre 9 % fin 2017 et 8,1 % fin 2019). Et avec une prévision de croissance à 6 % minimum en 2021, elle peut s’enorgueillir des meilleurs chiffres de la zone euro !
Et c’était parti pour la campagne « 5 ans de + » , petit jeu de mots prometteur compris. Il y avait urgence car les Français restent très majoritairement dubitatifs quant au bilan présidentiel d’Emmanuel Macron. Selon un sondage Kantar-Onepoint pour France Info publié début septembre, ils ne sont que 25 % à le juger positif contre 51 % qui ne le trouvent pas bon.
Ainsi, après les tracts roses qui vantaient le bilan global du quinquennat, puis les tracts rouges centrés sur les mesures dédiées aux jeunes, voici maintenant les tracts jaunes consacrés à l’économie et à l’emploi :
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Problème cependant : il existe évidemment plusieurs façons d’envisager un bilan.
Plusieurs façons d’envisager un bilan
En vertu de la doctrine Castex qui considère que « la mise en oeuvre des réformes jusqu’au dernier kilomètre est une réforme en soi », on peut faire comme la ministre de la Transformation et de la Fonction publique Amélie de Montchalin qui a mis en ligne dès le début cette année un petit baromètre de l’action macroniste listant les principales mesures prises par le gouvernement depuis 2017 et faisant le point sur leur degré d’avancement.
Exemples :
Dans la catégorie « Égalité professionnelle entre les hommes et les femmes », la part des entreprises à jour avec leur obligation de publier leur index d’égalité professionnelle est passée de 67 % en mars 2019 à 86 % en juin 2021. L’objectif 2022 étant de 90 %, il est donc atteint à 83 % (par rapport à la valeur de départ).
Dans la catégorie « Numérisation des petites et moyennes entreprises », 4643 entreprises avaient bénéficié du chèque numérique de 500 euros en février 2021, chiffre qui est monté à 63 960 en juin 2021, soit 56 % de l’objectif 2022. Etc.
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Fort bien. Mais au-delà de la description de l’activisme gouvernemental, ces mesures et toutes les autres qui sont ainsi passées au crible de leur état de réalisation sont-elles intéressantes ? Nous apportent-elles davantage de prospérité et de liberté ? Visiblement, pour le gouvernement la question n’est pas là.
On comprend tout de suite que cet outil intitulé « baromètre » n’a nullement vocation à évaluer l’efficacité des politiques publiques. Il se contente de suivre le déploiement des mesures décidées par le gouvernement et votées par les parlementaires, aussi inutiles ou décalées soient-elles. À partir du moment où une enveloppe financière a été attribuée – et il y a toujours une enveloppe financière attribuée même si l’unité de l’action se décline en kilomètres de pistes cyclables – l’action publique sera jugée d’autant plus « performante » que l’enveloppe aura été le plus dépensée.
Une économie sous perfusion
Nous en arrivons donc à la doctrine Le Maire. Les mesures prises depuis 2017 reflètent forcément une politique efficace doublée d’une « pensée intelligente et subtile » (pour reprendre les modestes termes de l’ex-président du groupe LREM à l’Assemblée nationale Gilles Le Gendre) puisque les résultats sur la croissance et l’emploi sont au rendez-vous.
Oh, certes. Mais uniquement à condition d’oublier que l’économie française vit sous perfusion depuis qu’Emmanuel Macron a imprimé dans les esprits son slogan du « quoi qu’il en coûte » et fait déferler sur la France les dépenses publiques associées.
Pourquoi y aurait-il plus de chômage qu’avant la pandémie puisque les restrictions d’activité ont été immédiatement compensées par une généreuse allocation d’activité partielle permettant de ne pas licencier ? Du reste, il est audacieux de prendre la baisse du taux français pour une glorieuse réussite gouvernementale : en 2019, et encore aujourd’hui, notre taux de chômage est largement supérieur à celui de nos voisins les plus performants :
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Quant à la croissance retrouvée en 2021, elle s’annonce en effet puissante et nous place dans le peloton de tête des pays européens, mais encore faudrait-il se rappeler que la France a enregistré l’un des plus forts reculs européens du PIB en 2020 (-8 % pour une moyenne de -6 % dans l’Union européenne et -4,8 % en Allemagne). Il y a surtout beaucoup de rattrapage dans ce rebond attendu de 6 %.
Résultat : déjà endettée de presque 100 % de son PIB à la fin de l’année 2019, la France caracolait à 115 % à la fin du deuxième trimestre de cette année. Sans compter que le Projet de loi de finances pour 2022 a été jugé « incomplet » voire carrément « insincère » par le Haut Conseil des finances publiques car « il n’intègre pas l’impact de mesures d’ampleur qui ont pourtant déjà été annoncées par le Gouvernement » (grand plan d’investissement, revenu d’engagement pour les jeunes).
Non pas que le « quoi qu’il en coûte » soit passé sous silence dans les tracts de LREM. Au contraire, il est cité comme LA mesure qui a permis de protéger en même temps les entreprises, les emplois et le pouvoir d’achat des Français. Le non-dit réside dans le fait que ce qui est présenté comme une stratégie responsable de la part du gouvernement constitue en réalité une terrible hypothèque sur l’avenir dans un pays où l’avenir était déjà largement hypothéqué avant la pandémie.
D’où une autre façon d’envisager le bilan du quinquennat : notre triple État providence, stratège et nounou, cet État obèse perclus de normes réglementaires et législatives dont on a pu mesurer l’ampleur et l’absurdité au cœur des restrictions anti-covid, cet État sans la bénédiction duquel les Français n’osent pas croire qu’il puisse se passer des choses intéressantes, innovantes, solidaires, sociales – bref, cet État qui dévore notre création de richesse en même temps que notre énergie sans produire de services à la hauteur a-t-il le moins du monde reculé ?
Et là, inutile de tergiverser. Inutile de compter le nombre de pass culture ou de prêts garantis par l’État attribués. La réponse est non.
Malgré toute la « libération des énergies » et tout le « penser printemps » mis à la mode par le candidat Macron de 2017, la France persiste à être la championne des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires (respectivement 60 % et 44 % du PIB prévus en 2021). Crise du covid, me direz-vous, un mauvais moment à passer. Sauf que les dépenses hors pandémie continuent à augmenter et que le déficit public est devenu largement structurel tandis que l’on constate chaque jour l’effondrement de notre niveau éducatif et de notre système de santé.
Emmanuel Macron s’était engagé à réduire les effectifs de la fonction publique de 120 000 postes. C’était fort peu de chose au regard de nos 5,66 millions de fonctionnaires. Mais il ne l’a pas fait . Une promesse non tenue qui en dit long sur l’orientation réelle du quinquennat. 5 ans de + d’État.
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