Par Bill Wirtz.
Boris Johnson succède à Theresa May à la tête du gouvernement conservateur britannique. Ancien maire de Londres, ancien député, ancien ministre des affaires étrangères, Johnson est de loin une des figures les plus exotiques de la vie politique du Royaume-Uni. Connu pour sa chevelure désorganisée et son vocabulaire éléphantesque, il est à la fois aimé pour ses manières excentriques, détesté pour son euroscepticisme cohérent. Durant son passage au journal conservateur Daily Telegraph, il était dans la première ligne des contributeurs anti-Union européenne comme correspondant à Bruxelles.
Négocier avec l’UE
Vytenis Andriukaitis, membre de la Commission européenne chargé de la santé, a comparé Boris Johnson à l’ancien président russe Boris Eltsine, danshttps://ec.europa.eu/commission/com... un billet publié sur le site web de la Commission, intitulé Boris you are wrong (« Boris tu as tort »).
Dans ce dernier, le commissaire l’accuse d’être responsable du trucage de la campagne pour la sortie de Royaume-Uni de l’Union européenne, dont Johnson était le personnage phare. Son tort ? Affirmer que sortir de l’UE donnerait la possibilité de réinvestir 350 millions de livres par semaine dans le système de santé. Les supporters lui reprochaient d’avoir utilisé la somme brute, au lieu de la somme nette.
Mais le problème de Boris Johnson est beaucoup plus important que ses déclarations antérieures. Il lui reste jusqu’au 31 octobre pour décider que faire au niveau du Brexit. La nouvelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, se montre « ouverte » à une extension de ce délai, mais c’est le Conseil européen qui aura le dernier mot. Pas elle.
Pour Boris Johnson, la date est importante car il a déclaré pendant sa campagne au sein du parti conservateur que le 31 octobre sera un jour de deal or no deal. En l’occurence, le no deal est plus probable que jamais.
Les options de Johnson sont limitées : soit il convainc l’UE d’apporter des changements fondamentaux à l’accord de retrait négocié par Theresa May — ce qui semble peu probable — soit il annule le déclenchement de l’article 50 et ne quitte pas du tout l’UE — ce qui signerait la fin de son mandat — soit il risque de quitter l’UE sans accord. Dans le passé, il a dit clairement qu’il était ouvert à la troisième option. Dans un scénario sans accord, le Royaume-Uni et l’UE reviendraient aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMS), qui réintroduiraient des droits de douane sur les marchandises en provenance de l’UE.
Johnson a une carte dans sa manche
La solution de Johnson ? GATT 24. Le General Agreement on Tariffs and Trade (accord général sur les tarifs douaniers et le commerce),https://www.wto.org/english/tratop_... article 24. Le paragraphe 5b de cet article donne la possibilité au Royaume-Uni et à l’Union européenne de maintenir leur relations commerciales en intérim. Par contre, le paragraphe 5c (que Boris Johnsonhttps://twitter.com/BBCPolitics/sta... ne semblait pas connaître dans une interview à la BBC), dispose que les deux partis doivent avoir une chronologie d’adoption d’un nouveau traité avant que cette période d’intérim puisse s’activer. En gros, dans le meilleur cas GATT 24 donne la possibilité de créer des retards tout en quittant officiellement l’Union européenne.
Si Johnson n’arrive pas à trouver une solution, les problèmes politiques pourront être considérables. Si le Royaume-Uni et l’UE réintroduisent des tarifs douaniers, les longues files d’attente à la frontière (y compris en Irlande du Nord) pourraient interrompre la chaîne d’approvisionnement et provoquer des pénuries et une hausse des prix. D’autre part, les Brexiteers ont assuré à leurs détracteurs que les améliorations technologiques peuvent rendre le processus plus fluide et moins convenable, et que les tarifs ne seraient appliqués que si l’UE prenait cette mesure. Du point de vue du Royaume-Uni, aucune frontière ne devrait être érigée, mais si Bruxelles insiste sur le contrôle de ses normes alimentaires, elle pourrait insister. Une nouvelle frontière en Irlande du Nord pourrait aussi recréer les violences politiques entre les loyalistes et les républicains irlandais.
Si Johnson se décide de prolonger le Brexit, les membres eurosceptiques de son propre parti pourraient faire tomber son gouvernement, et aider l’arrivée au pouvoir du Brexit Party dehttps://www.contrepoints.org/2019/0... Nigel Farage. Dans les dernières semaines, Farage se montre de plus en plus hostile à Johnson. Il sait qu’il pourrait très bien le remplacer sur son poste. Un nouvel indice signifiant que le Royaume-Uni pourrait « https://www.thesun.co.uk/news/96217... peut-être » rester dans le marché intérieur de l’Union européenne ne fera qu’avancer la cause des eurosceptiques radicaux.
Ne nous privez pas déjà de Boris
Il reste difficile de faire des pronostics sur le Brexit. Johnson a promis des centaines de fois durant sa campagne qu’il est prêt à risquer le no deal, même si cette absence d’accord peut provoquer la fin de son mandat.
D’un point de vue libéral, on nous fait passer le dessert devant le nez. Johnson est plus économiquement et socialement libéral que ses prédécesseurs. Il argumente pour deshttps://www.reuters.com/article/us-... réduction d’impôts,https://www.telegraph.co.uk/politic... veut mettre fin à l’État-nounou (par exemple à travers son opposition à la taxe sur le sucre), et se dit en faveur de la légalisation deshttps://www.bloomberg.com/news/arti... OGM et du génie-génétique.
Une fin de son mandat pourrait faire revenir les conservateurs mous et ennuyeux, ou pire, propulser l’arrivée au pouvoir du socialistehttps://www.contrepoints.org/2015/0... Jeremy Corbyn, qui propose une énorme croissance des dépenses, des impôts, et de nationalisations.
Il n’y a aucune solution simple pour Boris Johnson. Le premier jour de son mandat comme Premier ministre, ce qui fût toujours son rêve, était aussi le début de son cauchemar.
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