« Bloc-notes : quand les peuples veulent enfin respirer »
La révolte algérienne a un air de famille avec la révolte française. Là-bas, la mainmise du FLN sur la société n’est évidemment pas comparable à la pression du conformisme qui, en France, redoute la pensée libre. Les nombreux Algériens qui, depuis l’Indépendance, rejoignent l’ex-colonisateur honni, fuient une autocratie corrompue et sans perspective. Toutefois, un même sentiment d’asphyxie rassemble les deux peuples, de part et d’autre de la Méditerranée. Ils se retrouvent pour exiger plus de démocratie. La demande mobilise la jeunesse musulmane, tous les vendredis, depuis plus de trois semaines. Le renoncement, lundi, d’Abdelaziz Bouteflika à briguer un cinquième mandat présidentiel, a été une première victoire pour la rue sans leaders. En France, cela fait trois mois que, tous les samedis, des Gilets jaunes épuisés rappellent leur rejet d’un système bloqué depuis cinquante ans. Mardi, le premier ministre, Édouard Philippe, a admis que le grand débat national, qui s’achève ce vendredi, devra déboucher sur " un compromis démocratique". Mais les mots ne suffisent plus.
Bouteflika s’est-il inspiré d’Emmanuel Macron dans sa quête de survie ? Le président algérien, ce mort-vivant, a choisi de jouer les prolongations en ne cédant sa place qu’à l’issue d’une "conférence nationale inclusive et indépendante" : une sorte de grand débat organisé, comme à Paris, sous la "direction d’une instance présidentielle plurielle". De ce processus est censé sortir, avant la fin 2019, le socle d’une réforme de l’État. Reste que l’insolente rue algérienne a très vite dénoncé la "ruse" dans cette manœuvre dilatoire. Elle offre au chef momifié une prorogation non constitutionnelle. L’Algérie donne à voir le spectacle familier d’un pouvoir essoufflé, contesté et coupé du peuple, qui refuse de lâcher prise en faisant craindre le chaos. Jusqu’à présent, les milliers de manifestants se sont fait remarquer par leur pacifisme. Les jours prochains diront si le régime agonisant saura se garder d’utiliser les provocations, pour attiser la violence justifiant la répression.
Les peuples méprisés finissent toujours par avoir raison, lorsqu’ils s’accordent pour exiger davantage de démocratie.