« Bloc-notes : pourquoi la démocratie française suffoque »
Au commencement de la présidence d’Emmanuel Macron était le Verbe. Mais le procédé produit, depuis, un ramas de mots et d’illusions. Dans Le Figaro Magazine, le chef de l’État commente ainsi sa politique : "Je crois que sur la santé, les retraites ou l’éducation, nous sommes en train de refonder quelque chose, de retrouver un sens nouveau, une grammaire." Il ajoute : "C’est la première fois qu’une refondation aussi profonde a lieu en dehors d’un temps de guerre ou de reconstruction." Mazette ! Tout le problème que pose Macron est là, dans la confusion entre son lyrisme et la réalité de ses actes. Président solitaire, il admire un autoportrait qu’il embellit sans cesse. Abordant les colères des Gilets jaunes lors de ses vœux, il s’est félicité d’avoir "su instaurer un dialogue respectueux et républicain, sans précédent dans une démocratie". Mais cette réécriture des faits n’efface pas ses propos, tenus un an plus tôt, contre la "foule haineuse" qui manifestait à Paris. Le verbe macronien entretient la mascarade.
La refondation de la société, que s’attribue le chef de l’État, manque de fondations réalistes et de connaissances du terrain. Le détricotage de la réforme des retraites le démontre. Voici un projet conçu sur l’utopie d’une universalité. Or l’idée ne cesse de se heurter aux disparités de la vie, négligées par les technocrates. Non seulement les régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP seront préservés dans une lente transition, mais d’autres régimes spécifiques viennent progressivement grossir les exceptions : pour les pilotes et hôtesses de l’air, les contrôleurs aériens, les militaires et gendarmes, les policiers, les enseignants, les danseurs de l’Opéra de Paris, le personnel soignant, etc. Pourtant, il faudra compter sur le président et sur ses mots gonflés pour se présenter comme le réformateur du XXIe siècle, en prenant à témoin la résistance qu’il suscite. Mais celle-ci vient d’un peuple qui ne se fie plus à la parole des autorités.
Quand Macron dit, le 31 décembre, vouloir bâtir une "société nouvelle", il montre une ambition personnelle anachronique : la société nouvelle se construit collectivement dans la France profonde et pragmatique, et non plus dans les hautes sphères éloignées des gens.