« Bloc-notes : les Gilets jaunes, ces boucs émissaires »
Qui casse, qui pille, qui brûle ? "Les Gilets jaunes !", répondent les bons élèves du parti de l’Ordre. Ils disent voir le museau du fascisme dans la révolte des Oubliés. Les gibets sont dressés. Pour ces petits inquisiteurs, l’extrême droite se dissimule sous les chasubles fluorescentes de ceux qui manifestent depuis trois mois contre un pouvoir encalminé. Une commission d’enquête parlementaire a été ouverte, le 20 décembre, à l’initiative de La France insoumise (Jean-Luc Mélenchon). Elle a pour mission de "lutter contre les groupuscules d’extrême droite". Marine Le Pen et Marion Maréchal seront entendues par les députés choisis. Lundi, le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), Frédéric Potier, a désigné "la fachosphère" comme l’inspiratrice de tags antisémites sur des murs de Paris. Les regards se tournent aussi vers les mêmes pestiférés, dans la tentative d’incendie de la maison de Richard Ferrand, le président de l’Assemblée nationale, à Motreff (Finistère). Mais le bouc émissaire a toujours porté les fautes des autres.
Les Gilets jaunes sont responsables de tout, y compris de la crise économique et de la délinquance : c’est ce que le discours officiel tente de faire passer dans l’opinion, non sans succès. L’acteur François Berléand, soutien de la première heure d’Emmanuel Macron, a été salué par les prolophobes pour avoir dit, samedi : "Moi, depuis le début, ils me font chier les Gilets jaunes”. "Sublime réplique !", ont dû jubiler les encanaillés du show-biz. Plus sérieusement, des lecteurs du Figaro ne semblent pas loin de penser la même chose, si j’en crois des critiques qui me sont adressées : elles jugent trop virulents mes reproches au chef de l’État. Des soutiens, plus nombreux, disent toutefois partager ma lecture de la crise démocratique. Quelque 64 % des sondés approuvent encore la colère populaire, en dépit des insupportables débordements qui balisent, chaque samedi, les manifs. Mais cette France hideuse, qui casse et insulte, n’est pas née avec les Gilets jaunes qui fraternisent sur les ronds-points. Ils sont les victimes d’une politique qui a couvé des monstres.
La défaite de la pensée est chez les lyncheurs qui, par commodité, se contentent d’accuser l’extrême droite d’être à l’origine des violences et des actes antisémites, qui ont augmenté de 74 % en 2018.