« Bloc-notes : le déclin de la France, sujet inabordable »
Les déclinistes ? Ils disent n’importe quoi ! C’est ce qu’assuraient, naguère, le premier ministre de l’époque, Dominique de Villepin, ou le patron de Marianne, Jean-François Kahn, semblablement ravis d’eux-mêmes. L’hebdomadaire me présentait alors comme "lepéniste ", à cause de mes alertes sur le communautarisme, l’immigration, l’islam. C’était il y a dix ans ; une éternité. Depuis, les Français s’enlisent dans le pessimisme tandis que pérorent ceux qui font le malin. Le Monde de mardi le constate, à propos de l’enquête annuelle "Fractures françaises" (Ipsos-Sopra Steria) : "Le déclinisme repart à la hausse." 64 % des sondés estiment qu’"on ne se sent plus chez soi en France" ; 66 % jugent que les immigrés "ne font pas d’effort pour s’intégrer" ; 71 % pensent que l’islam est une religion qui veut s’imposer aux autres. Ces évidences ont été décrites ici même depuis des lustres, en dépit des caricatures d’imprécateurs foutraques. La situation s’enkyste, car aucune politique n’a jamais tenté de freiner la dislocation de la nation. La question de la survie de la France ne peut rester inabordable
Il y a de quoi hurler devant tant de temps perdu en vaines querelles sur la nature exacte des réalités. L’aveuglement idéologique et son abêtissement expliquent pourquoi de nombreux observateurs se montrent encore incapables de mettre les mots sur les faits qui les défrisent. Lire, dans cette étude, l’angoisse des Français face à leur avenir (73 % pensent que la France est en déclin) fait mesurer l’incompréhension qui s’est installée entre les privilégiés et les vulnérables. Cette persistante opposition laisse craindre bien des tremblements de terre. Le soulèvement des Gilets jaunes est à replacer dans ce contexte d’un peuple malheureux, décidé à reprendre le contrôle de son destin. Alors que la macronie plébiscite la mondialisation à 78 %, 57 % des sondés estiment qu’elle est "une menace pour la France " (+ 6 points par rapport à 2018). La demande de protection est partout prioritaire, hormis dans le parti présidentiel, isolé sur sa planète.
Le chef de l’État avait promis de "penser printemps" et de "renouer avec l’optimisme" : il a replongé la France dans la nuit hivernale et la déprime.
Liberté d’expression par Ivan Rioufol