C’est à peine si le mot qui tue encore - antisémitisme - a été prononcé par Emmanuel Macron. Dimanche, rendant hommage à Simone Veil, le président ne l’a évoqué qu’une fois, pour rappeler "les délires antisémites d’Hitler, de Pétain et de Laval", dont l’ancienne déportée à Auschwitz avait refusé de rendre les Français complices, préférant valoriser ceux d’entre eux qui avaient sauvé des Juifs. Reste que l’antisémitisme des nazis et des collabos fut la cause de la Shoah et des "déportés raciaux". Simone Veil en est devenue le symbole au Panthéon, où elle repose avec son mari Antoine. Or, s’il est une lèpre qui revient, c’est cette même haine du Juif portée cette fois, pour l’essentiel, par l’idéologie islamiste. Elle tue en France et ailleurs au nom d’un nouveau totalitarisme. Pourtant, quand le président évoque "les vents mauvais (qui) à nouveau se lèvent", ce n’est pas ce fanatisme qu’il vise. Macron parle des eurosceptiques. Mais ceux-là ont raison de craindre cette Europe sans mémoire ni courage.
L’histoire bégaierait-elle ? Le calvaire de Simone Veil et de sa famille, qui fut le martyre de nombreux Juifs sous l’Occupation, aurait dû aiguiser les vigilances. Il n’en est rien : pas un mot n’a été clairement dit par le chef de l’État pour alerter sur le retour de la barbarie raciale, sinon pour suggérer qu’elle serait populiste. Une absurdité, puisque ce sont les peuples en rébellion qui refusent l’intolérance islamiste en Europe. L’incapacité du président à désigner la nouvelle judéophobie, le jour de la consécration nationale d’une rescapée de la "solution finale", illustre la défaite de la pensée. Lundi, la Grande Mosquée de Paris n’a rien trouvé à redire non plus à l’imam de Toulouse, Mohamed Tataï, dont un prêche en arabe évoquait un appel à combattre les Juifs. "Interprétation décontextualisée de ses propos", a plaidé Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée. Les cités ont-elles appris à "décontextualiser" les horreurs qu’elles entendent sur les Juifs ?
L’actuelle paresse intellectuelle ressemble à celle qui conduisit en 1940 à " l’étrange défaite", dont Marc Bloch dressa le procès-verbal.