« Bloc-notes : ce que disent les gilets jaunes à la France »
Les "gilets jaunes" ne se laisseront pas chasser, telles des mouches, par les incommodés. Le premier ministre se montre déconnecté quand il insiste, au lendemain de la manifestation réussie du 17 novembre, sur des "scènes qui relevaient de l’anarchie, de la pression, de la violence". Hormis deux décès accidentels (une manifestante et un motard), les inévitables insultes répertoriées cette semaine par de zélés tabellions ne suffisent pas à discréditer cette révolution en marche. La violence est à redouter. Mais, depuis samedi, l’histoire s’écrit par une France majoritairement raisonnable, débrouillarde, impertinente. Elle a de la suite dans les idées : elle veut redevenir maîtresse de son destin. Malgré l’amateurisme des Oubliés, leur premier bilan est positif : le monde politique est ébranlé par cette dynamique venue des zones rurales et périurbaines délaissées. Ces citoyens ne réclament pas seulement la suppression de la fiscalité sur les carburants. Ils veulent retrouver leur place, au nom d’une injustice à réparer. Les criminaliser, comme le fait le pouvoir quand il ne voit que des voyous, revient à jouer avec le feu.
La macronie n’aime pas cette France-là. Trop blanche, trop enracinée, trop patriote sans doute. Derrière les drapeaux tricolores et les Marseillaise qui ponctuent les rassemblements, de beaux esprits distinguent un poujadisme, voire l’extrême droite. Le moindre propos d’ivrogne ou de crétin sur un barrage, filmé par un smartphone, est posté sur les réseaux sociaux : la preuve suffit à confirmer la "lèpre qui monte", cette expression utilisée par le chef de l’État pour alerter sur le nationalisme. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, dénonce des "dérives homophobes et racistes ". Le patron de la CFDT, Laurent Berger, parle d’"une forme de totalitarisme" au prétexte que des manifestants exigeraient le port du gilet jaune à des automobilistes. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, a évoqué mardi une "une dérive totale". Cependant, qui incite à la montée aux extrêmes sinon le pouvoir quand il excite les révoltés au lieu de les calmer ? Le gouvernement parie sur l’isolement des "gilets jaunes". Il ferait mieux de les écouter.
Les "gilets jaunes" sont des Peaux-Rouges : comme eux jadis, ils se battent contre un État compresseur pour qui le vieux peuple est un obstacle à la "transformation" du pays.
Liberté d’expression par Ivan Rioufol