« Bloc-notes : attiser la colère française, mode d’emploi »
Est-ce si compliqué de comprendre les Français ? Est-ce si humiliant de les écouter ? Il suffirait que les "élites" descendent de leurs nuages et délaissent leurs certitudes. Or elles ne cessent de montrer leur absence de réalisme et d’empathie, dès qu’il s’agit de s’affirmer dans leur pouvoir éphémère. La révolte des Gilets jaunes, lancée en novembre 2018, aurait dû alerter Emmanuel Macron sur l’irritabilité de la société. Le président aurait dû s’inquiéter de la défiance populaire, née d’un abandon de la classe moyenne et d’une morgue des puissants. Stupéfiante est donc la constance du chef de l’État dans ses maladresses. Seul un orgueil déplacé a pu lui faire croire que sa "grande réforme systémique" des retraites allait être applaudie par la cité enthousiaste. Macron est le premier responsable du nouvel incendie social qu’il a allumé à la veille des fêtes de Noël. Il serait temps pour lui d’identifier la source de la persistante colère française.
L’idéologie est au cœur de la rupture entre le pouvoir et le pays oublié. Cette pensée de laboratoire n’a cure des réalités. Elle produit des idées fausses et des frustrations. Plutôt que répondre à la vie des gens, l’idéologue préfère les envolées et les grands principes. Dans ce registre déclamatoire, Macron excelle. Il caresse les "ismes" comme personne : postnationalisme, féminisme, antipopulisme, écologisme, etc. L’universalisme est de ceux-ci. Cette utopie appartient à ceux qui rêvent d’une terre plate, sans aspérités ni différences. Dans cet idéal, les hommes sont équivalents, indifférenciés, remplaçables. L’universalisme déteste les particularités, les originalités. C’est cet égalitarisme dogmatique que Macron a voulu imposer pour les retraites "universelles" : un système "qui n’existe nulle part ailleurs dans le monde, hormis la Suède, et encore ", comme le rappelle l’expert Raymond Soubie (La Croix, mardi). Quel besoin avait Macron de vouloir cette réforme inutile, sinon de satisfaire un ego réformiste ?
La France fragile, fracturée et éruptive n’est pas un champ d’expérimentation pour un président à l’écoute de lui-même.