Toulon, le 26 mars 2023
Je ne vous parlerai pas aujourd’hui du 26 mars 1962 à Alger, car nous vivons des temps troublés, électriques, où chacun cherche à défendre ses droits, ce qui est bien normal, et se heurte comme nous, à une fin de non-recevoir…
Je ne m’étendrai pas sur ce sujet, mais face aux violences et dégradations actuelles, j’ai entendu, ici où là, « Si le général de gaulle était là, ça ne se passerait pas comme ça. »
Et je dis oui, tout à fait. Mais, vous parents sans mémoire, je vais vous dire comment cela se serait passé :
Il aurait fait en sorte que la foule soit dans la rue, en bloquant un arrondissement de Paris avec des chars. Puis il aurait ordonné aux populations de ne pas sortir afin de les briser. Plus de nourriture, plus de lait pour les bébés, plus de pains pour les adultes. Plus de cérémonies religieuses, plus de funérailles, les corps des défunts restant chez eux (« Vous n’avez qu’à les manger », réponse pleine de haine d’un gradé des forces de l’ordre…).
Au bout de quelques jours, la situation aurait été suffisamment critique pour que, des quartiers environnants, des gens pleins de cœur et d’empathie, descendent dans la rue pour manifester et demander au gouvernement, drapeaux à la main, d’avoir un peu d’humanité et de libérer ces pauvres gens. Et pauvres n’est pas une litote.
Voilà, le piège se dessine. Venez manifester braves citoyens, la constitution vous en donne le droit. Venez en famille, nous avons mis ces centaines de soldats en armes, pour votre sécurité !...
Alors la foule joyeuse, avance, parfois en famille, réclamant ce qu’elle croyait être un droit : vivre dans ce pays qu’ils ont bâti et aimé…Elle est canalisée, ce qui étonne. Elle ne peut pas revenir en arrière, ce qui inquiète. Et elle arrive ainsi, au bout du traquenard, savamment mis en place, par les forces gaullistes.
Une provocation facile, et ces soldats guerriers aguerris, sont tellement effrayés devant une foule sans arme, qu’ils se mettent à tirer sans discernement sur elle. Et ils tirent avec plaisir durant douze longues minutes. Avec bonheur même, puisqu’ils ont reçu l’ordre de le faire. Certains iront même jusqu’à vouloir achever les blessés.
De cette manifestation, 80 morts et 200 blessés paieront le poids de la démocratie et celui du droit du sol, dont les manifestants seront exclus à jamais.
Car c’est comme cela que les choses se sont passées le 26 mars 1962 et dans les jours qui l’ont précédé, à Alger.
Voilà, ce qu’aurait fait de Gaulle devant des manifestants, comme il a demandé qu’on fasse en mai 1968, ce qui lui a été refusé. Mais rassurez- vous, il ne peut plus nuire.
Voilà ce que des idéalistes, qui ne connaissent de l’’Histoire que ce qui leur convient, prétendument héritiers de cet homme au sourire innocent, ont l’outrecuidance de croire encore de nos jours.
Mais, nous qui savons combien nous a coûté sa trahison, sa haine envers nous, sans qui il ne serait rien (et c’est notre punition d’avoir cru en lui), nous ne pouvons que pleurer les morts de ce crime.
Voilà, vous êtes venus, comme chaque année, vous qui pensez certainement que la vérité, qui va moins vite que le mensonge s’imposera en fin de compte. Merci à vous, et sachez que votre indignation est plus forte que la censure d’Etat.
Nous allons déposer maintenant ces gerbes, sur l’autel de leur sacrifice.
François Paz 26 03 2023- Toulon Var- Cérémonie d’hommage aux victimes de la fusillade du 26 mars 1962 à Alger Lire plus de publications sur Calaméo