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Sépultures de guerre, un devoir de mémoire nécessaire mais une organisation à rationnaliser

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Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

L’entretien et la rénovation des hauts lieux de mémoire et sépultures de guerre, qui est un patrimoine historique et culturel à vocation éducative et favorisant le tourisme mémoriel, se traduisent par une impressionnante mobilisation de ressources humaines et financières de plusieurs ministères, des communes et du milieu associatif avec de nombreuses redondances. Une rationalisation doit s’organiser, d’autant qu’un effort financier important est actuellement réalisé dans le cadre d’une programmation pluriannuelle de l’entretien des sépultures perpétuelles des « Morts pour la France » au titre du centenaire de la Première Guerre mondiale qui représente la plus grande partie de ce patrimoine mémoriel. Mais des économies structurelles doivent et peuvent être réalisées au vu des éléments présentés ci-dessous :

Un ensemble hétérogène

Conformément au Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMVG), les « Morts pour la France » sont inhumés ainsi :

700.000 dépouilles de combattants français et étrangers reposent dans prés de 260 nécropoles nationales (environ 325 hectares, principalement situées dans les départements du nord et l’est de la France et essentiellement issues des 2 conflits mondiaux. Le nombre de nécropoles par département peut varier de 1 à plus de 40) ;
110.000 dépouilles de combattants français et étrangers reposent dans environ 3.000 carrés militaires situés de façon distincte dans des cimetières communaux ;
230.000 dépouilles de combattants français et étrangers reposent dans environ 230 cimetières et quelque 2.200 autres lieux de sépulture se répartissant dans plus de 70 pays étrangers. Le nombre de corps inhumés par pays est compris entre moins d’une dizaine à plusieurs milliers. Ils sont principalement situés en Belgique, Italie, Serbie, Macédoine, Grèce, Turquie, Syrie, Libye, en Afrique du Nord et au Liban ;
Enfin, les dépouilles récupérées par les familles reposent dans des sépultures privées sur lesquelles l’État n’a plus à intervenir.

A cela, s’ajoutent des hauts lieux symboliques de la mémoire nationale qui bénéficient d’espaces muséographiques :

le Centre européen du résistant déporté (CERD) situé sur le site de l’ancien camp de concentration de Natzweiler au Struthof ;
le Mémorial de la France combattante et la clairière des fusillés au Mont-Valérien à Suresnes ;
le Mémorial des martyrs de la déportation de l’Ile de la Cité à Paris ;
le Mémorial du débarquement allié de Provence à Toulon au Mont-Faron ;
le Mémorial de l’ancienne prison de Montluc à Lyon ;
le Mémorial des guerres en Indochine à Fréjus ;
le Mémorial de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie sis au quai Branly à Paris ;
la plaque-mémoriale du camp d’internement de Guers (Pyrénées-Atlantiques).

On trouve également de nombreux lieux de mémoire à l’étranger qui, à quelques exceptions près (monuments commémoratifs de Dien Biên Phủ et de Camerone, et situés dans diffréents cimetières,…), ne sont pas entretenus par le ministère de la Défense. Mais le ministère peut apporter des soutiens à des projets mémoriels soutenus par les ambassades françaises (exemple : rénovation d’un cénotaphe érigé en hommage aux soldats « Morts pour la France » des 2 conflits mondiaux à Manitoba (Canada) – budget de 2.854 euros en 2011, réalisation à Londres en 2012 d’un monument dédié aux combattants du Bomber Command. – budget de 25.000 euros…).

De plus, le ministère de la Défense a engagé en 2011 la réalisation d’un monument d’hommage national aux morts en OPEX (opérations extérieures) qui comportera le nom de près de 650 soldats tués en OPEX depuis 1962 et dont le site retenu est situé place Vauban, à Paris. Un projet du ministère qui devrait être réalisé en 2014 (pour un budget primitif de un million d’euros) alors que le Souvenir français proposait dès février 2010, de transformer le monument dédié à la mémoire des Français tombés dans les Balkans en 1991-93, Les Veilleurs de la Paix, situé dans la Meuse, en monument national à la mémoire de tous les morts en OPEX. Officiellement, le transfert à Paris du projet n’aurait coûté que 10 à 12.000 euros mais cet exemple illustre la diversité des acteurs.

En effet, l’entretien des sépultures perpétuelles sur le territoire national et à l’étranger est partagé entre les différents services du ministère de la Défense (Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives - DMPA), via son opérateur l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG), les communes et les associations dont plus particulièrement Le Souvenir Français, une association d’utilité publique créée en 1887 en Alsace-Moselle.

La DMPA (direction de la mémoire, du patrimoine et des archives) définit et met en œuvre la politique de mémoire, conduit la politique immobilière, culturelle et muséographique pour ce qui concerne les sépultures de guerre et les hauts lieux de mémoire. Dans ce cadre, elle détermine les projets d’investissement et définit les orientations s’agissant de la coopération technique avec les organismes étrangers homologues. Vient ensuite :

Pour ce qui concerne le territoire national et en Afrique du Nord :

l’ONACVG (office national des anciens combattants et victimes de guerres) qui dispose de son Pôle des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale, implanté à Metz [1] et qui a pour mission de contrôler régulièrement les sites et les travaux qui sont externalisés ;
Le Souvenir Français en liaison avec les communes et certaines associations qui assure pour le compte de l’État exclusivement l’entretien courant de la plupart des tombes de guerre situées dans les carrés militaires des cimetières communaux ;
Des partenaires étrangers, en application de conventions internationales et d’accords bilatéraux qui précisent les conditions de mise à disposition par la France des terrains nécessaires à l’inhumation de soldats étrangers tombés en France à des États qui, soit entretiennent directement les tombes (les terrains d’assiette de ces sépultures restant propriété de la France), soit laissent à la France le soin d’entretenir les sépultures, tels la Belgique qui verse pour cela au ministère de la Défense une indemnité, ou les Pays-Bas qui, en contrepartie de l’entretien de la nécropole néerlandaise d’Orry-la-Ville (Oise) par le ministère de la Défense, assurent eux-mêmes l’entretien de tombes françaises situées sur leur territoire. Il faut ajouter que, hors convention, la France entretient à titre gracieux 7 cimetières militaires étrangers situés sur le sol national pour une superficie totale de 5 ha qui sont entretenus bénévolement par le ministère de la Défense (1 cimetière russe à Saint-Hilaire-le-Grand (Marne), 2 « ex-soviétiques » à Valleroy (Meurthe-et-Moselle) et à Noyers-Saint-Martin (Oise), 1 polonais à Urville-Langannerie (Calvados), 1 tchécoslovaque à Neuville-Saint-Vaast (Pas-de-Calais), 1 néerlandais à Orry-la-Ville (Oise) et 1 roumain à Soultzmatt (Haut-Rhin).

Pour les sépultures de guerre françaises situées à l’étranger, hors Afrique du nord

Les postes diplomatiques français (soit les ambassadeurs avec leurs attachés de Défense quand ils en ont, soit les consuls), qui sous le contrôle de la DMPA conduisent des actions de rénovation sur programmations annuelles ;
Le Souvenir Français qui assure, par délégation de la DMPA, l’entretien de cimetières de garnisons à l’étranger regroupant des corps de militaires dont le décès ne résulte pas d’opérations de guerre (notamment en Allemagne, Madagascar, Afrique subsaharienne…)
et de façon occasionnelle et ponctuelle, les unités projetées à l’étranger avec leurs propres ressources.

Une problématique pour les communes

Dans le cadre de conventions passées avec l’État, les associations et la DMPA accordent aux communes :

Une dotation forfaitaire par tombe entretenue de 1,50 euro par an qui n’apparaît peu adaptée au regard de l’évolution des prix depuis plus de 30 ans. Elle n’est pas conçue pour couvrir l’intégralité des dépenses pouvant être engagées au titre de l’entretien courant des sépultures de guerre, qui comprend au minimum le fleurissement de la tombe à l’occasion des cérémonies commémoratives et un nettoyage périodique ;
Une aide financière et technique pour la rénovation des sépultures perpétuelles des carrés militaires, dans le cadre d’un programme annuel ;
Une assistance technique ou une aide matérielle comme la fourniture d’emblèmes et de plaques funéraires, pour des tombes incluses dans le périmètre des carrés militaires mais abritant les corps de militaires qui ont perdu le droit à la sépulture perpétuelle aux frais de l’État par suite de leur restitution aux familles.

Certaines communes choisissent également d’accorder aux familles la gratuité pour une concession de longue durée qui doit être située en dehors des carrés militaires et leur entretien incombe exclusivement aux communes et aux familles selon les précisions définies dans le code général des collectivités territoriales. Elles peuvent à ce titre faire l’objet d’une reprise à l’expiration de la concession ou lorsque l’état d’abandon est constaté. Dans cette hypothèse, le Souvenir français peut prendre à sa charge la restauration et l’entretien de ces sépultures, en dehors de toute responsabilité de l’État.

Enfin les communes qui souhaitent récupérer des emplacements dans les carrés militaires doivent en faire expressément la demande auprès du ministère de la Défense, en vue du transfert des sépultures dans la nécropole nationale la plus proche sous réserve de l’accord préalable des familles qui peuvent opter pour le transfert des restes mortels dans une sépulture familiale (aux frais de l’État) pour laquelle l’État est dégagé de toute responsabilité de son entretien.
Entretien des hauts lieux de mémoire et des nécropoles et sépultures de guerre dans les pays étrangers

En Allemagne : c’est le « Volksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge (VDK) », association privée de plus d’1 million de membres s’occupant de 2,6 millions de morts des guerres sur 832 cimetières dans 45 pays. Elle finance son action principalement grâce aux cotisations des membres, des donations, des collectes, des subventions de l’Allemagne fédérale et des Länder et des moyens supplémentaires via la fondation Gedenken und Frieden fondée en 2001. Jumelée avec l’Österreichisches Schwarzes Kreuz, association autrichienne chargée de l’entretien des tombes, et décentralisée aux niveaux régional et local, elle anime des cercles de jeunes (Jugendarbeitskreise – JAK) qui se préoccupent du soin des tombes et de l’organisation du travail de jeunes sur les cimetières, pilote des actions visant à honorer la mémoire des victimes de guerre et de la violence, préserver la paix entre les peuples et faire observer les Droits de l’homme, en liaison avec des associations d’autres pays ;
Dans le Commonwealth britannique : c’est la « Commonwealth War Graves Commission (C.W.G.C) », autorité administrative indépendante qui est responsable de l’entretien des tombes et mémoriaux des soldats des États du Commonwealth (Australie, Canada, Inde, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Royaume-Uni), notamment tombés lors des deux guerres mondiales (environ 73.000 cimetières ajoutés à près de 40.000 tombes de guerre d’autres nationalités et plus de 25.000 sépultures de guerre non militaires et civiles) et le souvenir de 1,7 million d’hommes et de femmes ayant été au service du Commonwealth dans 150 pays du monde ;
Aux Etats-Unis, l’American Battle Monuments Commission (ABMC), agence indépendante du gouvernement des États-Unis, créée par le Congrès en 1923, responsable de la commémoration des services Forces armées des États-Unis qui est chargée de la conception, la construction et l’entretien des différents lieux de mémoire situés dans les pays étrangers (Les cimetières américains à l’étranger sont peu nombreux et très vastes et regroupent, dans les lieux où se sont déroulés les engagements majeurs, tous les petits cimetières constitués au cours des opérations liées à cet engagement) ;
Aux Pays-Bas : l’Oorlogsgravenstichting (OGS), une fondation qui a pour mission la construction, le développement, et l’entretien des sépultures de guerre (environ 50.000 tombes réparties sur les 5 continents (environ 50 pays) dans des cimetières militaires et civils dispersés dans le monde).

Une rationalisation à peine entamée avec le centenaire de la Première Guerre mondiale

Au regard de ces informations, on constate qu’il serait probablement opportun, en France, de créer une fondation d’utilité publique [2] sous contrôle de l’État (MINDEF-DMPA), éventuellement sur la base du Souvenir Français, comme unique opérateur de l’entretien et la rénovation des hauts lieux de mémoire et sépultures de guerre. Avec la participation notamment de la jeunesse française (notamment œuvrant au sein du service civique, du service militaire adapté et de l’établissement public d’insertion de la Défense), cette fondation pourrait assurer un périmètre fonctionnel sur le modèle du VDK (exemple allemand) prenant en compte aussi la réalisation de cérémonies commémoratives et éducatives se rapportant aux actions de mémoire. Son financement pourrait être assuré par des fonds publics des différents ministères qui participent actuellement au Groupement d’intérêt public (GIP) « Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale 1914-2014 » [3], mais aussi des collectivités territoriales (régions), ainsi que du mécénat, notamment de grandes entreprises ayant une expertise dans les infrastructures. En lieu et place du Pôle des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale de l’ONAC-VG, cette fondation pourrait s’appuyer sur le Service d’infrastructures de la Défense (SID) rattaché à la DMPA et qui dispose d’une expertise reconnue et d’un maillage important d’organismes régionaux et locaux sur le territoire national et dans les pays étrangers où sont déployées les forces de présence à l’étranger.

En outre, il est nécessaire de réaliser, en s’appuyant sur le travail effectué par de nombreuses associations et en liaison avec les représentations diplomatiques françaises à l’étranger, un audit exhaustif, qualitatif et quantitatif de toutes les sépultures de guerre et les monuments et d’alimenter la base de données consultable en ligne en vue d’effectuer une programmation budgétaire pluriannuelle d’entretien comme cela est fait actuellement pour les nécropoles des « Morts pour la France » de la guerre 1914-1918. Les résultats de cet audit devrait aussi permettre de donner un cadre juridique exhaustif et interministériel, voire européen, à l’initiative de la France, « retoiletté » sur les obligations relatives au devoir de mémoire en s’appuyant certes sur les nombreux textes législatifs et réglementaires dont les plus importants remontent aux guerres de 1870-1871 et mondiales, mais aussi prenant en compte les actuels conflits.

Il conviendrait finalement d’étudier, en liaison avec les pays étrangers, les communes et les familles les possibilités :

de regroupement de sépultures perpétuelles sises à l’étranger vers des sites basés sur le territoire national compte tenu des dégradations récurrentes et incontrôlables dans certains pays ;
de regroupement des sépultures perpétuelles des carrés militaires dans les cimetières communaux vers les nécropoles nationales ;
de regroupement des corps et ossuaires sur des nécropoles de grande importance situées dans les pays étrangers, notamment dans les pays où sont constatées des dégradations récurrentes ;
de récupération des corps des militaires « Morts pour la France » par les familles qui le souhaitent.

Enfin, il convient de réexamnier les conditions de l’entretien des sépultures des soldats étrangers dans le cadre d’accords interétatiques en vue de la réciprocité de l’entretien des sépultures et du partage de la dépense.

[1] Une direction à Metz et 9 chefs de secteurs (Bray-sur-Somme, Colmar, Coudun, Limoges, Lyon, Marseille, Metz, Suippes et Verdun) qui animent des équipes mobiles ou affectées à un site, et 4 annexes (CERD, cercle d’études et de réflexion : Marseille, Paris, Strasbourg).

[2] Confer l’article 200 du Code général des impôts qui précise que l’œuvre doit avoir un caractère « philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine.

[3] Le budget total du GIP a été initialement évalué à 30 millions d’euros sur la période 2012-2014, dont 9,5 millions d’euros de subventions directes par l’ONAC-VG et plusieurs ministères, 10 millions d’euros venant de la valorisation des moyens mis à la disposition du groupement et 10 millions d’euros attendus du mécénat (établissements publics, associations et mutuelles d’assurance retraite).

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Voir en ligne : http://www.ifrap.org/Sepultures-de-...