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Sanctions contre la Russie : ça passe ou ça casse

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Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

Les sanctions ne marchent jamais. Mais celles contre la Russie pourraient constituer une exception vues les circonstances très particulières.

L’Histoire est pourtant sans appel. Les sanctions diplomatiques et surtout économiques n’ont jamais quasiment atteint leurs objectifs. Les régimes africains sanctionnés pour cause de coup d’État ou prolongement inconstitutionnel de mandat présidentiel n’ont quasiment jamais cédé, et des décennies de sanctions occidentales, voire de l’ONU, n’ont pas eu raison de celui de Saddam Hussein, ou des ambitions nucléaires de l’Iran ou de la Corée du Nord . On peut citer, certes, la Libye de Kadhafi, qui a renoncé à ses armes de destruction massives, mais au bout de 18 ans, ou l’Afrique du Sud , dont l’abandon de l’apartheid a sans doute davantage à voir avec l’absurdité économique et sociale de ce régime qu’avec son isolement international.

Une inefficacité des sanctions assez facile à expliquer

D’abord, les sanctions économiques visent à un effondrement du niveau de vie de la population assez immoral dans le cas de dictature, donc contre-productif sur le plan international. Elles espèrent déclencher de ce fait un soulèvement qui n’arrive jamais car, contrairement à une idée reçue, la pauvreté provoque rarement les révolutions : quand on passe son temps à chercher de quoi manger on n’a plus trop le temps ni l’énergie de fomenter une insurrection. Les sanctions provoquent aussi un ralliement autour du drapeau, comme l’a montré l’embargo américain à Cuba .

D’où l’idée de sanctions ciblées, visant les plus fortunés du pays en misant sur un coup d’État. Là encore, ça n’a jamais vraiment marché dans l’Histoire, car le nationalisme se révèle souvent plus puissant que le goût de l’immobilier à Londres chez les satrapes. Vladimir Poutine est suprêmement indifférent à la fortune des oligarques, même proches de lui, si son projet géopolitique est en jeu. Ce n’est pas la confiscation du yacht ou de la villa sur la côte d’Azur d’un proche qui fera changer le Kremlin d’avis. Enfin, les sanctions mettent beaucoup de temps à mordre, alors que la guerre en Ukraine se joue en quelques jours…

Toutefois…

Toutefois, les choses pourraient tourner différemment, pour une fois.

D’une part, les sanctions occidentales ont un effet immédiat et massif. Si l’exclusion d’à peine trois banques du système swift de paiements internationaux ne constitue pour l’instant qu’un coup de semonce, le gel des réserves à l’étranger de la banque centrale est dévastateur : cette dernière ne pourra plus renflouer des banques commerciales en difficulté, ou défendre le rouble, qui a dévissé de 30 % en deux jours, alimentant d’autant l’inflation via les importations. La banque centrale a dû relever en urgence son taux directeur à 20 %, ce qui rend hors de prix tout emprunt et donc tout investissement. La Bourse de Moscou est devenue non investissable.

D’autre part et surtout, les sanctions occidentales ont un volet pas économique, stricto sensu, mais tout aussi dévastateur sur le ressenti des Russes : leur pays devient un paria international. En raison de la fermeture de l’espace aérien occidental aux compagnies russes, et des représailles de la même eau du Kremlin, plus de vacances ni d’emplettes en Occident pour la classe moyenne russe, soutien clé de Vladimir Poutine, sauf à passer par l’Afrique, ou la Chine (comme toujours, les sanctions ont une forte composant jeu du chat et de la souris). La Russie est aussi exclue de tous les évènements sportifs et culturels mondiaux (adieu coupe du Monde au Qatar, Eurovision, etc), ce qui est sans précédent.

De quoi susciter un sentiment de colère et d’humiliation en Russie, qui pourrait, certes, susciter le classique ralliement autour du drapeau… ou pas, car la société russe est embarrassée par l’invasion de l’Ukraine.

Beaucoup ne comprennent pas que leur armée attaque un peuple frère, avec qui beaucoup ont des relations familiales, ou culturelles et commerciales. Enfin, à l’inverse des sanctions instaurées par le passé contre d’autres pays, celles contre la Russie n’ont pas pour objectif d’obliger un régime à changer de nature, ou de politique, mais simplement à stopper une invasion. D’autant plus que cette dernière ne se déroule pas aussi bien que prévue. In fine, les sanctions ne représentent qu’un supplétif de l’élément central de la guerre, la capacité de résistance des Ukrainiens, missile antichar en main. Jusqu’à pousser les plus hauts dirigeants russes, dont l’embarras était palpable lors du Conseil national de sécurité du 21 février, à débrancher Poutine si l’aventure militaire tourne au fiasco sanglant ?

Un bémol

Si la guerre est « généralement la continuation de la politique d’État par d’autres moyens », comme disait Clausewitz , les sanctions économiques peuvent aussi être considérées par ceux qu’elles visent comme la « continuation de la guerre » par d’autres moyens. Si c’est évidemment le cas pour un blocus maritime ou aérien, cela peut aussi être le cas pour saisie d’actifs et embargo.

C’est ainsi que le Japon avait estimé être poussé à l’attaque de Pearl Harbor par le gel de ses actifs et l’embargo sur pétrole et acier décidé par Roosevelt à l’été 1941 en représailles à son invasion de la Chine.

Vladimir Poutine pourrait donc prendre pour une agression de type militaire les mesures hors du commun édictées par les Occidentaux. D’où, sans doute, son évocation explicite de la dissuasion nucléaire, pour la première fois, dimanche. En faisant semblant d’oublier que la dissuasion nucléaire est comme le tango : ça se danse à deux. Keep calm and carry on.

Voir en ligne : https://www.contrepoints.org/2022/0...