Avez-vous pris votre abonnement 2024 ? Non ! CLIQUEZ ICI !
Ou alors participez avec un DON


Découvrez des pages au hasard de l’Encyclo ou de Docu PN
A compter du 25 mai 2018, les instructions européennes sur la vie privée et le caractère personnel de vos données s’appliquent. En savoir +..

Pilotage du système éducatif : quelles problématiques ?

, popularité : 3%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

La question de la gouvernance du système éducatif doit être posée sous l’angle d’une plus grande efficacité académique et sociale de l’enseignement scolaire. Poser la question dans ces termes revient à voir une corrélation entre la façon dont le système est organisé d’une part et ses résultats globaux d’autre part. Lorsqu’il s’agit de l’Éducation nationale, chacun reconnaît l’effet "bon ou mauvais établissement" et dans une moindre mesure, l’effet "bon ou mauvais chef d’établissement"… Alors pourquoi n’y aurait-il pas un effet "Inspecteur d’académie" ou "Recteur" ? Les effets du leadership se traduisent forcément dans les performances d’une organisation. Or, aujourd’hui, tout montre que le modèle actuel, pourtant fruit de nombreuses réformes, est à bout de souffle.

Alors quels sont les principaux défauts du système de gouvernance actuel ?

Le système repose sur l’irresponsabilité

Du recteur d’académie au professeur dans sa classe, le système repose sur le postulat que des fonctionnaires recrutés par concours ou des responsables nommés sur la base de leur « cursus honorum », produisent une action efficace. Surtout que dans le système éducatif français, il n’est jamais demandé de comptes à quiconque. Certes, les professeurs se voient de temps en temps rappelés par leur inspecteur à l’obligation d’enseigner les programmes, mais ils sont à peu près les seuls à connaitre leurs objectifs. Les chefs d’établissements signent bien depuis quelques années des « contrats d’objectifs », mais rien ne se produit quand lesdits objectifs ne sont pas atteints… Les secrétaires généraux d’académie et les DASEN ont pour mission principale la réussite des grandes opérations de gestion des moyens et des ressources humaines. Ils sont aussi mobilisés pour mettre en œuvre des réformes politiques (rythmes scolaires, programmes, éducation prioritaire, etc.). Par contre, nul ne les interroge sur leurs résultats. Quant aux recteurs, ils ne disposent pas même d’une lettre de mission ministérielle…
Le système n’est pas évalué

En effet, à l’exception des lycées, dont la « valeur ajoutée » est calculée statistiquement tous les ans, les échelons du système ne sont pas évalués. D’ailleurs, il n’existe tout simplement pas de protocole d’évaluation national des unités éducatives (écoles, collèges, lycées). Les unités administratives : EPLE, directions académiques, rectorats ne sont pas évaluées non plus. Les audits systématiques des rectorats par les inspections générales ont été abandonnés depuis une dizaine d’année. Certes, les indicateurs de la LOLF sont renseignés tous les ans et « remontés » aux administrations centrales afin de nourrir le rapport annuel de performance du ministère de l’Éducation nationale. Mais ces indicateur sont datés (ils ne tiennent pas compte, par exemple, du fait que le socle commun concerne l’école primaire et le collège, qui continuent toutefois de relever de deux programmes budgétaires distincts) et les évolutions infinitésimales des pourcentages des indicateurs de performances (lorsqu’ils sont tous fournis) reposent sur du déclaratif, souvent sujet à caution… Quant aux grandes évaluations nationales annuelles des performances des élèves en CE1 et CM2, elles ont tout simplement été supprimées par l’actuel gouvernement. Du reste le flou entretenu autour des résultats réels de notre école n’empêche pas qu’il est de notoriété publique que plus de 20% des élèves continuent à échouer à l’issue de l’école primaire, qu’il y ait environ 9% d’illettrés aux journées de défense et que plus de 120.000 jeunes sortent sans qualification du système tous les ans. C’est la Cour des comptes qui se montre la plus lucide et la plus sévère vis-à-vis de l’évaluation globale du système éducatif : « Les six programmes de la mission « enseignement scolaire » ne sont pas articulés avec les objectifs généraux du système éducatif, dérogeant en cela aux principes édictés par la LOLF » (Cour des comptes, analyse de l’exécution du budget de l’État, 2011).
Un système « sur-administré et sous-piloté »

Une bonne partie de l’énergie et des personnels des administrations déconcentrées produit… du système. C’est-à-dire que ce ne sont pas les élèves, ni la qualité des enseignements qui sont au cœur de l’activité des rectorats et des inspections académiques, mais la gestion des personnels et celle des emplois. Pour chaque corps de fonctionnaires géré par une académie (soit environ une quinzaine), on compte trois grandes opérations de gestion (avancement, promotion, affectation) annuelles, à quoi s’ajoutent la gestion de la formation continue et les instances disciplinaires. Ces opérations occupent l’essentiel du temps et des emplois des rectorats. Surtout, elles donnent lieu depuis des décennies à une véritable cogestion avec les organisations syndicales qui, pour des raisons clairement politiques, imposent leurs vues aux différents niveaux administratifs. La gestion des emplois, c’est-à-dire celle des moyens, est également largement « concertée », ce qui signifie en clair que l’affectation des ressources, cœur de la stratégie académique, est soumise au « contrôle » (sic !) syndical. On peut parler de système bloqué, car aucun recteur ni aucun autre responsable de l’institution ne peut se permettre de conflit avec les syndicats.

Ainsi le pilotage du système est aujourd’hui pour l’essentiel assuré par le « dialogue de gestion », appelé aussi pompeusement « dialogue stratégique » entre les académies et l’administration centrale du ministère (essentiellement la DGESCO qui gère près de 60 milliards d’euros). Il s’agit en effet d’un aimable dialogue et non pas d’une chaine de commandement ou d’un système d’impulsion par objectifs. D’ailleurs, les enjeux pour les acteurs concernés au premier chef : recteur, secrétaire général et DASEN sont nuls, car rien ne se produit en cas de non atteinte des objectifs de la LOFL par exemple. Du reste les marges de manœuvre sont faibles car l’essentiel des moyens est dédié mécaniquement aux structures scolaires existantes. Si l’on parle de « budget académique », celui-ci reste très contraint et la fongibilité des blocs opérationnels de programmes (BOP) est quasi nulle. Autant dire que les académies ne peuvent pas vraiment ajouter de valeur à ce que feraient de toute façon les établissements.
Un système sur-règlementé

Les statuts actuels (ils datent de 1950 pour les professeurs des lycées et collèges) des personnels enseignants sont un facteur de blocage bien connu. En termes de management, il est quasi impossible pour un chef d’établissement de distinguer un personnel méritant ou de récompenser l’engagement professionnel. L’organisation des enseignements par matières (disciplines) à horaires hebdomadaires fixés par des textes réglementaires, est un autre obstacle à l’adaptation des enseignements aux différents publics scolaires. Les établissements qui innovent en matière pédagogique sont du reste souvent contraints de contourner la règlementation. Il en va de même pour les programmes eux-mêmes qu’il est quasi impossible d’aménager dans le temps ou en termes de contenus.
Quelles alternatives en matière de gouvernance du système éducatif ?

Le modèle décentralisé : Fortement inspiré du modèle fédéral allemand, il confie l’action éducatrice aux régions. Pour assurer leur mission de service public d’enseignement scolaire, les régions disposent des moyens (emplois, structures et crédits) alloués par l’État et de moyens propres. Elles peuvent créer des agences, ou déléguer à des échelons territoriaux la gestion de tel ou tel type d’établissement et de leurs personnels. Selon ce modèle, les personnels seraient des agents de la fonction publique territoriale ou des contractuels des collectivités. Les régions rendent régulièrement compte aux citoyens des performances des établissements et de l’action éducatrice de la collectivité et dans l’autre sens, elles doivent faire remonter annuellement leur résultat au niveau central.

Le modèle déconcentré : Ce modèle a pour maîtres-mots "autonomie et responsabilité". Les rectorats sont remplacés par des établissements publics régionaux spécifiques à l’éducation, mais inspirés par les ARS. Là aussi les ressources de ces agences proviennent de l’État, mais aussi des collectivités, voire des entreprises par fonds de concours. La gouvernance des agences régionales d’éducation est assurée par un directeur général et un conseil d’administration où les élus des collectivités et les représentants de l’administration de l’éducation disposent de la majorité. L’agence dispose d’un budget global dont elle use selon son schéma stratégique pluri-annuel. Les personnels enseignants, dont le statut aura été profondément rénové, lui sont rattachés. L’agence est libre d’avoir recours à des personnels contractuels. Elle peut autoriser le recrutement direct de personnels enseignants par des établissements publics d’enseignement. Ceux-ci sont progressivement (en commençant par les lycées) dotés de nouveaux champs d’autonomie et de responsabilités : masse salariale, recrutement et gestion des professeurs, aménagement des horaires et des programmes, partenariats avec les entreprises, formation continue des personnels. Dans le premier degré, des établissements sont créés sous contrôle de l’agence régionale. Celle-ci peut aussi créer des établissements d’enseignement fondamental (« école du socle ») regroupant des écoles et un ou plusieurs collèges. Le contrôle interne de l’agence est assuré par les corps d’inspection régionaux.

Un modèle intermédiaire doit permettre d’aboutir par étapes à la décentralisation complète ou la déconcentration du pilotage du système éducatif. Les lycées professionnels seraient dans un premier temps entièrement décentralisés et confiés avec tous leurs personnels aux régions qui ont déjà compétence pour l’ensemble de la formation professionnelle. Ensuite des agences seraient créées (selon le modèle précédent) et de larges responsabilités confiées progressivement aux établissements publics. Dans le primaire seraient progressivement créés des établissements publics d’enseignement primaire (EPEP). Enfin le rôle de l’État demeure celui du stratège : il définit les objectifs généraux du système éducatif, arrête le contenu des programmes d’enseignement, définit les curricula, collationne les diplômes, définit les principes de la formation initiale des enseignants et les modalités de la certification de leur capacité à enseigner. L’État assure aussi le contrôle et l’évaluation de l’action éducatrice des agences ou des régions par les corps d’inspection et/ou un organisme ad hoc. Il veille enfin à la publication des résultats des unités éducatives.

Voir en ligne : http://www.ifrap.org/Pilotage-du-sy...