Mon père est parti ce matin, comme tous les ans, chercher le sapin de Noël. Il est revenu vers midi, avec un énorme pin, odorant et vert, tout parfumé de résine et du vent marin. Je ne sais pas, d’ailleurs comment il a pu transporter cet arbre si grand, (nous n’avons pas de voiture), dont on doit en couper un bout, pour le rentrer chez nous.
Et bien sur, sous le regard de maman, nous avons aussitôt décoré l’arbre de Noël, avec les boules et les guirlandes, et au dessous, nous avons fait la crèche. Ne me demandez pas, qui sont tous ces gens devant la grotte, mais comme Noël est un jour important, on a mis plein de figurines.
L’odeur omniprésente de pin, nous signale, que nous sommes entré, dans la préparation de la fête.
Il y a déjà quelques temps, qu’avec mes deux soeurs et mes deux frères, nous avons écumé les pharmacies pour trouver de l’alcool à 90°. Nous ne buvons pas beaucoup chez nous, mais, pas de fêtes, sans liqueur de banane et de cacao, que maman fait avec des extraits Noirot. C’est le rite. Comme les roïcos, et les mantécaos, que ma mère ira cuire, chez le boulanger de la rue Arago.
Je l’accompagne toujours, car on y retrouve les voisines avec leurs enfants, dans ce décor de chaleur et de farine, un monde merveilleux.
Ma grand-mère ne parle pas le Français, mais je sens qu’elle est aussi heureuse que nous, et elle s’est occupée des raisins secs dans des emballages en triangle, des figues sèches, des amandes et des noisettes.
Nous connaissons déjà le menu, ce sera comme à toutes les fêtes, du lapin aux olives, avec des vol-au-vent. Je dis ça, mais j’adore, car ma mère, a le don de faire de peu de chose, des plats magnifiques. Oui, car nous ne sommes pas riches, et je sais que cette année, j’aurai un petit jouet. Mes frères et soeurs aussi d’ailleurs. Mais ce n’est pas important pour moi....
Non, nous attendons d’avoir la famille, avec grand-mère, et mes oncles et tantes, peut-être, pour être ensembles et partager la magie de cette veillée.
Au patronage de la « Jeune France », je suis chantre à la messe de minuit. J’aime cette messe de minuit, où l’on entonne des chants de joie, et de bonheur...Je ne suis jamais sorti le même d’une messe de minuit. Je sais que dans la rue voisine, les passants, nous écoutent chanter, et à 11 ans, j’ai une belle voix parait-il.
Enfin, je me dépêche de rentrer, car tout le monde est là, et l’on m’attend, pour cette nuit magique.
Comment peut-on être aussi heureux, l’espace d’une soirée, le coeur prêt à éclater, de voir ma maman si belle. Sa bonté lui donne un air de madone, comme ces peintures à l’église.
Et mon père, mon héros, jamais en colère, toujours à essayer de nous faire oublier cette pauvreté, comme je l’aime... Je crois que même plus tard, je ne quitterai pas cette maison.
Demain, nous continuerons la fête avec les voisins. Ils ont un pick-up, avec des disques de Marino Marini, et ça va danser. Ma maman a préparé la pâte pour faire les beignets. D’autres voisins viendront aussi et j’ai l’impression que tout le monde nous connaît.
Peut-être j’irai tout seul, avec papa, me promener sur le Front de mer. Ah, quand on est tous les deux, qu’on passe sous les arcades, je suis le roi du monde. ....
Il y a des bruits de voiture dehors et la rue commence à s’animer. Tiens, il a neigé cette nuit.....
Non, laissez moi encore dormir ! Laissez moi encore rêver !