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LONGANISSE STORY

, par  popodoran , popularité : 5%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

La canne à pêche sur l’épaule et pas peu fiers nous arrivons devant la boucherie chevaline, puis l’entrée de l’immeuble ou habite Robert.

- Bon les gars je monte, René demain c’est mercredi…

- Oui et alors ?

- Si tu vas chez le Parisien demain matin prends moi un morceau de longanisse, tu le mets dans ma boîte à lettres, je le récupérerais en ramassant le courrier.

- Combien ?

- Un morceau, vingt à trente centimètres, juste pour casser la croûte.

- D’accord à demain.

Le Parisien, ou le plaisir des sens, tous les mercredis c’est un rituel, cinq cents grammes de petites saucisses, deux boudins à la viande, deux cents grammes de graisse de porc.

La charcuterie parisienne sous les arcades de la rue d’Arzew est le temple des senteurs, les morcillicas, petits boudins à l’oignon, pendent en chapelets aux crochets en dégageant une fumée et un fumet à nulle autre pareil, l’hiver maman fait du potagé et les morcillicas du parisien sont incontournables.

- Et pour le p’tit René, comme d’habitude ?

- Comme d’habitude plus un morceau de longanisse !

- De la douce ou de la piquante ?

- De la douce, s’il vous plaît.

- Ça va comme ça ?

Avec son énorme couteau il me désigne une part sur le rouleau de saucisse rouge.

- C’est parfait monsieur.

- A qui le tour ?

La caissière note sur le carnet, maman passe payer le samedi.

Je sors d’un pas alerte, traverse la place du docteur Jouty(*) et hop chez Robert, je glisse le morceau de longanisse enveloppé dans une feuille de papier sulfurisé, dans la boite aux lettres de Robert.

Je pousse un sprint jusqu’à la maison où je me prépare une bonne tartine de pain avec de la graisse de porc.

D’abord une belle tranche de pain de chez Buños, tu frottes une gousse d’ail sur la tartine, ensuite tu étales délicatement la graisse de porc et pour finir une choreta de sel et là quel plaisir !! Tu tiens le coup jusqu’à midi, sans problème.

Quant à Robert il ne va pas tarder à se régaler avec sa longanisse, car je vois le facteur débouler en face de la station de taxis. Le courrier c’est la corvée journalière de Robert, il vide la boite et monte quatre à quatre les escaliers pour porter les lettres et les journaux à sa maman.

Le facteur est d’une régularité de métronome, les dames le guettent depuis leurs balcons et dés qu’il emprunte l’allée elles « débaroulent » dans les escaliers en faisant tinter les trousseaux de clés.

Je me poste devant l’entrée de chez Robert avec ma tartine à la main, on cassera la croûte ensemble.

Conchita apparaît au bout du couloir, suivie d’autres locataires, elle se hisse sur la pointe des pieds pour atteindre la serrure de la boite aux lettres, elle glisse sa main dans le fond de la boite et pousse un cri :

- Qué azco !, c’est quoi ça ?

Je n’ai pas le temps d’intervenir pour expliquer, car apparemment Robert a mangé la consigne.

Elle déballe la longanisse qu’elle tient entre deux doigt avec une grimace de dégoût et la glisse dans une autre boite à lettres.

- Ça ! C’est la salope de ma voisine !

- Qu’est-ce que tu fabriques Conchita ?

Manque de bol la voisine est juste derrière et n’apprécie pas, mais alors pas du tout, que la longanisse atterrisse sur son courrier.

- Je te rends ton cadeau, je vois que ça t’es resté en travers que je te prenne le tour de terrasse.

- T’as perdu la tête ou quoi ?

- Mesdames, mesdames….j’essaie d’expliquer, mais c’est trop tard, elles s’agrippent le chignon à pleines mains, dans une valse bizarre elles parcourent la totalité du couloir pour finir dans la rue, elles roulent à terre, se mordent les cuisses, se griffent, s’invectivent, s’insultent….

Les balcons sont noirs de monde, les ouvriers de l’atelier de rectification ont cessé le travail, les chauffeurs de taxi accourent.

Le pasteur de l’église adventiste qui était venu mettre un peu d’ordre dans son local, s’interpose et essaye de séparer les lutteuses.

- Je vous en prie mesdames Dieu vous regarde…il essai de les séparer et insiste avec vigueur.

- Mais pour qui il se prend çui là ? Grogne Consuelo la voisine.

- Mais t’enlèves tes sales pattes, c’est quoi ces manières de profiter pour passer des mains, renchérit Conchita.

- Je vous en prie mesdames….

Les deux protagonistes se relèvent, saisissent leur sac et couvrent de coups le malheureux pasteur qui tente, mais en vain de se protéger.. Elles ramassent leurs souliers qui s’étaient dispersés dans la bagarre et bras dessus bras dessous regagnent le couloir de l’immeuble comme si rien ne s’était passé.

- Allez viens, Consuelo, on va se boire un bon café.

- Ça c’est une idée qu’elle est bonne ! Que cette péléa, elle m’a donné soif, tu as des mantécaos ?

- Non mais j’ai deux morceaux de taillos qui ne rentrent pas dans ta boite aux lettres.

Tout le monde rigole, certains même applaudissent comme si la rue était un théâtre, les badauds s’éparpillent, le pasteur regagne son église ne comprenant rien à la tournure des évènements.

René Mancho l’Oranais

(*)Place Jouty : les oranais la nommaient la "place de l’arbre" car c’était le seul arbre sur la rue d’ARZEW

Voir en ligne : http://popodoran.canalblog.com/arch...