Particules fines et gaz toxiques libérés dans l’atmosphère lors des incendies en Alberta pourraient provoquer d’importants problèmes de santé, même loin de la province concernée
Les images sont dignes d’un film catastrophe. Abandonnant parfois leur voiture, les habitants de Fort McMurray dans la province canadienne de l’Alberta fuient la ville dont les forêts alentour sont ravagées par une quarantaine de terribles incendies depuis près d’une semaine.
Lundi, la pluie aidant, la progression des flammes semblait avoir marqué le pas, laissant entrevoir pour la première fois un bilan humain, estimé à deux victimes.
Un bilan provisoire plutôt modeste donc, mais qui pourrait bien s’alourdir à plus long terme compte tenu des effets sur la santé de ces incendies.
Cocktail toxique
Qu’il s’agisse de matière vivante ou fossile telle que du pétrole, la combustion de végétaux libère en effet d’importantes quantités de polluants atmosphériques dangereux voire mortels pour l’organisme. Des gaz tels que des oxydes d’azote et du monoxyde de carbone, l’ozone, ainsi que diverses poussières fines font partie de ce cocktail de substances indésirables.
« Ces gaz et ces particules sont dangereux à court terme », par exemple pour les pompiers et les riverains en contact proche avec les surfaces brûlées, détaille Martine Rebetez, climatologue à l’université de Neuchâtel et à l’Institut fédéral de recherches sur la forêt WSL. « Mais elles représentent aussi un risque à long terme en cas d’exposition chronique, provoquant des atteintes respiratoires, de la toux à l’asthme, et surtout des maladies cardiovasculaires pouvant entraîner des décès prématurés. »
Ces prochaines semaines, il faudra donc garder un œil attentif sur la dispersion atmosphérique de ces polluants. Une absence de vent laisserait les panaches de fumée monter vers les hautes couches de l’atmosphère, limitant grandement leur impact sur la santé. Voilà pour le scénario idéal. Mais la météo en Alberta évoque plutôt le scénario du pire, avec des vents de 40 km/h changeant souvent de direction.
Des panaches dispersés sur des milliers de kilomètres
« Les vents ont propagé la fumée des feux de forêt dans le nord-est de l’Alberta à certaines parties […] du nord-ouest de la Saskatchewan. La fumée cause une mauvaise qualité de l’air et […] pose un risque important pour la santé », a écrit lundi Environnement Canada dans un communiqué, précisant toutefois que « plus loin des feux, la fumée demeure généralement en altitude et la qualité de l’air n’est que modérément réduite ».
Problème, les particules issues des incendies peuvent se propager sous l’effet du vent à des centaines voire des milliers de kilomètres de la source de combustion. Des polluants émis en 2002 lors de feux de forêt dans le nord du Québec avaient ainsi été associés à une hausse notable de la quantité de microparticules dans l’air de Baltimore, à 2000 km plus au sud.
Il est pour l’instant trop tôt pour prédire si un tel phénomène se reproduira. En plus des vents, l’impact va également dépendre de la surface totale partie en fumée, provisoirement estimée hier à 161 000 hectares par la cellule de crise du gouvernement de l’Alberta. A titre de comparaison, les incendies qui ont frappé l’Indonésie et d’autres pays d’Asie du sud-est en septembre dernier ont détruit environ 1,7 million d’hectares, entraînant quelque 500 000 affections respiratoires selon l’Agence indonésienne de météorologie, de climatologie et de géophysique.
Outre ces effets sur la santé physique, des troubles psychologiques sont également à craindre, ajoute Martine Rebetez. « Il ne faut pas négliger les conséquences des chocs post-traumatiques qui surviennent à chaque catastrophe naturelle. Les personnes doivent fuir dans l’urgence, parfois en abandonnant tout ce qui est en leur possession. Cela ne se voit pas forcément immédiatement, d’où l’importance de bien les prendre en charge dès le début des événements. »
Le réchauffement climatique en question
Autre question à rester en suspens, celle de l’origine des feux. Si la cause humaine était privilégiée hier par les pompiers canadiens, il ne fait aucun doute que les conditions climatiques ont servi de catalyseur. Les précipitations ont été moitié moins abondantes au cours des trois derniers mois et le mercure proche des 30 °C au lieu des 15 habituels.
« On ne pourra jamais faire le lien de causalité entre un événement et le réchauffement climatique, mais il est clair qu’en favorisant de telles conditions, on assistera à davantage d’événements similaires », conclut Martine Rebetez.