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L’Europe face au mystère russe par Anna Gichkina

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Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

Anne Gichkina est docteur ès lettres de l’Université Paris-Sorbonne. Elle a écrit différents articles consacrés à la crise européenne actuelle ainsi qu’à la question russe. Nous avons déjà chroniqué et réellement apprécié son ouvrage intitulé Eugène-Melchior de Vogüé ou comment la Russie pourrait sauver la France. Ce nouvel ouvrage L’Europe face au mystère russe développe ses thèmes de prédilection : « transcendance, nation, littérature », comme indiqué dans le sous-titre, pour expliquer à la fois le redressement de la Russie et le déclin de l’Europe.

La société européenne contemporaine est en crise. Il s’agit là de l’un des rares consensus partagés par la très grande majorité des acteurs et des observateurs de la vie politique et intellectuelle de notre vieux continent. Pourtant, le constat dressé par les uns et les autres se montre-t-il parfaitement juste ? Gichkina écrit : « Le processus dont nous sommes tous aujourd’hui témoins est plus grave que nous ne le pensons. Il s’agit de la crise du christianisme. Constituant un des trois piliers fondateurs de l’Europe, la tradition chrétienne perd de plus en plus ses positions, laissant cette dernière désorientée et déstabilisée.  » Pour l’auteur, les deux autres piliers de la civilisation européenne sont le rationalisme grec et le droit romain. Qui peut nier aujourd’hui que l’Europe dérive tel un bateau sans boussole et sans gouvernail ?

Gichkina rappelle à raison que par le passé, l’Europe disposait bien de repères et de fondamentaux. Elle développe donc l’idée suivante : « Grâce au christianisme, nous avons connu l’héritage du monde antique. Sans lui, Athènes et Rome nous auraient été aussi étrangères et méconnues qu’elles le sont pour de nombreuses civilisations issues de l’Egypte antique et de Babylone. Par la foi en Dieu unique et par la désacralisation de la nature, le christianisme a favorisé le progrès scientifique et joué un rôle important dans la formation d’une nouvelle image du monde dont nous continuons encore aujourd’hui à être porteurs. » Nous partageons ce pertinent constat.

En revanche, nous ne la suivons pas sur la première partie de cette nouvelle pensée : «  Par la séparation de l’Eglise et de l’Etat, le christianisme a rendu possible l’existence de la société civile et de la liberté personnelle  ». Contrairement à certaines religions monothéistes, le christianisme ne mélange pas le domaine spirituel et le domaine temporel mais opère une saine distinction entre les deux comme l’enseigne le Christ : « Rendez à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu. » Le laïcisme et la pensée humaniste ont littéralement œuvré à une franche coupure entre le temporel et le spirituel. Dans le christianisme et le catholicisme romain, nous ne trouvons ni confusion, ni séparation entre le temporel et le spirituel…

Gichkina prend également le soin de préciser des éléments historiques qui à notre époque sont au mieux passés sous silence voire carrément niés. Nous citons un exemple parmi tant d’autres : « Le christianisme a joué un rôle important dans la formation et le développement des cultures nationales.  » Toutefois, depuis la sécularisation des sociétés européennes, le christianisme n’incarne plus un rempart intellectuel face aux nouvelles puissances idéologiques mortifères : « Aujourd’hui l’Europe connaît certains des excès du libéralisme, phénomène sociopolitique qu’elle a si bien assimilé. Les temps des aristocrates chrétiens sont achevés. A leur place vient l’élite progressiste prônant de nouvelles valeurs et une nouvelle éthique. Aujourd’hui, la culture et la morale chrétiennes sont remplacées par de nouvelles tendances ultra-progressistes qui nous éloignent de nos racines, de nos traditions et de notre histoire.  » Les nouvelles idées à la mode, en plus de détruire la jeunesse, entrent en totale contradiction avec la loi naturelle.

Aujourd’hui, le cadre institutionnel proposé par l’Union Européenne n’atteint pas les nombreux objectifs qu’elle avait fixés : « Les événements des dernières années tels que la crise économique, la désindustrialisation, la dévalorisation des valeurs morales démontrent au monde entier l’esprit destructeur et l’état d’impasse du fonctionnement de l’Europe dans sa forme actuelle. » Elle émet aussi l’idée que « l’Europe flirte avec l’islam tout en réprimant d’une manière tout à fait consciente le christianisme, fondement des traditions des pays européens ». Certains politiques n’hésitent pas à dire que l’islam a toujours été présent en Europe, quand d’autres déclament que c’est une religion européenne. Ces absurdités historiques sont véritablement effrayantes.

Pour l’auteur, le problème de l’Union Européenne se trouve précisément dans le fait suivant : «  L’absence de notion de communauté européenne au sens charnel et culturel. » Gichkina considère que « les élites européennes et les partisans de cette néfaste Union Européenne ne tiennent pas compte de l’Europe historique, de ses traditions plus vieilles que le temps ». Il existe, selon elle, une conséquence à ces différents renoncements : « l’importante croissance de la question identitaire dans chacun des pays européens ».

Elle expose très clairement « les facteurs contribuant à la disparition de cette tradition européenne fondamentale : la déchristianisation commencée au XVIIIe siècle et fortement accentuée à notre époque, le refus de l’UE de respecter le fondement chrétien commun à tous les pays membres, et l’immigration massive  ». Elle ne se contente pas de ce constat mais explique avec des exemples circonstanciés en quoi ces trois « facteurs  » minent l’Europe historique, sans pour autant sombrer dans l’aigreur. Gichkina cultive l’Espérance chrétienne.

Ainsi, elle explique que l’actuelle « crise européenne » ne peut être considérée comme figée car tout dépendra de la capacité des européens à reprendre leur destin en main. Loin d’adopter une posture défaitiste, Gichkina ouvre des perspectives intellectuelles intéressantes, même si nous n’adhérons pas à l’idée que « Moscou serait la troisième Rome ».

Après avoir esquissé une analyse de la situation européenne que nous considérons comme très pertinente, Gichkina décrypte l’âme russe et développe l’idée que cette dernière serait une manifestation de l’Eternité, supérieure de fait au temps. Pour comprendre la Russie, il faut savoir qu’elle puise sa force dans l’orthodoxie et sa puissante littérature comme le montre Gichkina.

Est-ce un hasard si la Russie renoue avec la grandeur en regardant son passé droit dans les yeux alors qu’au même moment l’Europe sombre vers l’abîme ? Nous ne le pensons pas et par ailleurs, nous ne croyons pas au hasard… car lorsque l’homme conjugue sa vie avec l’éternité, il est capable de déplacer des montagnes.

Franck ABED

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Voir en ligne : https://franckabed.com/2019/12/14/l...