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Immigration en France : entre nécessité démographique et défi culturel

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Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.

L’immigration est une problématique complexe comportant des aspects démographiques, économiques, culturels mais aussi purement politiques au sens étroit du terme, l’électoralisme.

Le laisser-faire a dominé depuis 50 ans dans ce domaine par suite de désaccords entre partis. C’est en réalité un tout petit nombre de personnes, la strate dirigeante des partis, qui a imposé sa loi à une population qui aurait souhaité un peu de clarté, c’est-à-dire une véritable politique de l’immigration.

Sans immigration, la population diminuerait depuis des décennies

Personne ne l’ignore, mais le sujet est presque tabou : le cœur du problème est démographique. L’INSEE a précisé récemment qu’en remontant sur trois générations, un tiers de la population française de moins de 60 ans a un lien avec l’immigration, soit environ 16 millions de personnes en s’appuyant sur les tableaux de population de l’INED . Ce lien signifie que l’ascendance sur trois générations comporte au moins un immigré. L’apport démographique de l’immigration est donc considérable.

En rapprochant ce chiffre de l’évolution du taux de fécondité (nombre moyen d’enfants par femme en âge de procréer), on comprend intuitivement que sans l’immigration la population française aurait diminué dès la seconde moitié du XXe siècle. Il faut un taux de 2,1 pour maintenir la stabilité de la population. L’indice de fécondité était proche de 3 en 1950 et il est descendu à 1,8 en 2020. Il est constamment inférieur à 2 depuis le milieu des années 1970.

L’immigration a donc empêché une diminution et un vieillissement accéléré de la population française. Le raisonnement pourrait être étendu à l’ensemble des pays de l’Europe de l’Ouest.

Éludons le plus important, parlons d’autre chose…

Cet aspect démographique a évidemment un corollaire économique.

Une population vieillissante est moins dynamique, moins innovante et comporte un grand nombre de retraités représentant une charge considérable pour les actifs . L’immigration permet donc de réduire sensiblement l’impact économique de la baisse de la natalité. Mais ces deux aspects fondamentaux – démographique et économique – sont en général éludés dans le débat public sur l’immigration au profit de problématiques morale et culturelle (dites identitaires). C’est ici qu’intervient l’énorme manipulation politique du sujet.

On sent en effet qu’en matière d’immigration, les leaders politiques sont comme des enfants disposant de quelques pièces de monnaie devant une vitrine de confiseur. C’est trop bon ! Il ne faut surtout pas rater l’opportunité.

Immigration chrétienne et immigration musulmane

L’aspect culturel ou civilisationnel est indéniable.

L’immigration européenne antérieure (Italiens, Espagnols, Portugais, Polonais, etc.) s’est soldée par une très bonne assimilation en deux générations. Pourquoi ? Parce qu’il s’agissait de chrétiens et que nos racines culturelles sont chrétiennes. Il suffit pour le comprendre de parcourir la littérature (le mariage religieux, le péché, etc.) l’architecture (les églises, les monastères), le peinture (exclusivement religieuse au Moyen Âge, très largement jusqu’au XVIIIe siècle), la sculpture (même chose), la musique elle-même.

Les Français et les Européens d’ancienne implantation sont donc imprégnés d’une culture chrétienne, qu’ils soient croyants ou non. C’est une réalité objective. La population immigrée d’origine africaine n’a pas du tout le même arrière-plan culturel. Les flux les plus importants étant constitués de musulmans, l’Islam joue pour cette population immigrée le même rôle que le christianisme pour les Français établis de longue date. Le monde musulman comporte dans tous les domaines de la culture une richesse équivalente à celle de la chrétienté. Mais c’est un autre monde : la civilisation islamique.

Il est impossible de ne pas ressentir in petto une appartenance culturelle. Nous ne choisissons pas, nous sommes des héritiers. Chrétien, musulman, juif, etc. Mais parfois l’ascendance est duale. L’appartenance à deux cultures peut être une grande richesse mais aussi un déchirement si le poison de la nécessité de choisir s’immisce dans les esprits.

Identitarisme et politique

À l’échelle de la société globale, cet aspect culturel est exploité politiquement en manipulant le concept d’identité.

Insérés dans une civilisation, nous avons tous une identité culturelle. Mais le XXe siècle a montré que « nous autres civilisations, nous savons que nous sommes mortelles » (Paul Valéry, 1919). Les évolutions rapides des XIXe et XXe siècles, les guerres mondiales, les idéologies fascistes et marxistes ont bousculé les civilisations établies depuis des siècles ou des millénaires et fait naître un sentiment de précarité culturelle. Au XXIe siècle, le radicalisme déconstructiviste d’obédience totalitaire, dont la traduction militante est nommée wokisme, visant à décrédibiliser toute pensée différente et à interdire son expression n’a fait que conforter ce sentiment d’incertitude sur l’avenir.

Un tel climat apparaît comme une opportunité pour les tendances politiques réactionnaires.

Aussi, en France comme dans tous les pays occidentaux, des partis de la droite nationaliste ont utilisé le concept d’identité pour propager des promesses de retour à la stabilité d’antan. L’immigration est alors désignée comme le facteur unique de remise en cause de l’identité occidentale. La lutte contre l’immigration, voire la suppression de toute immigration, est présentée comme la solution.

Bien évidemment, devant une évolution multifactorielle que personne ne maîtrise vraiment, il ne s’agit là que d’électoralisme. Le fondamentalisme islamique et ses horreurs terroristes, la démission des élites musulmanes pour le cantonner, là encore pour des raisons politiques, n’ont fait que conforter le repli sur l’identité occidentale en Europe. L’identitarisme est une première instrumentalisation politique de l’immigration, mais pas la seule.

Le camp du bien : un cœur grand comme ça !

Il en existe une autre, moins bien perçue mais tout aussi perverse.

La gauche dans son ensemble n’a jamais voulu traiter rationnellement la question de l’immigration. Pourquoi ? Parce que la sensibilité de beaucoup d’électeurs de gauche relève d’un altruisme revendiqué. Savoir s’il est réel est une autre affaire. La gauche et tous ceux qui prétendent lui appartenir considèrent que l’égoïsme est de droite et l’altruisme de gauche. L’insensibilité et la rapacité financière sont de droite, la solidarité et la générosité envers les faibles sont de gauche. Une personne de gauche se pense comme appartenant au camp du bien. Cette perception résulte de la place occupée par le marxisme dans l’émergence de la gauche contemporaine. La lutte des classes reste présente et renvoie à l’image du riche bourgeois exploitant le pauvre prolétaire qu’il s’agit de défendre. L’horizon était la société sans classes ; c’est aujourd’hui la société solidaire et écologiquement vertueuse dans laquelle les phénomènes de domination auront disparu.

Or, l’immigration évoquée ici est celle qui provient de pays pauvres à destination de l’Occident, de pays sans État de droit vers des pays en possédant un. Il est clair que la mentalité de gauche ne peut imaginer autre chose que de tendre la main aux « migrants », pauvres et parfois persécutés. Sinon, appartiendrait-on encore au camp du bien ?

Les leaders des partis, qui sont à peu près tous des personnages cyniques et ambitieux, ne pouvaient que suivre la sensibilité de leurs troupes. Il n’était pas question de les informer des réalités démographiques et économiques. L’immigration ne peut donc pas être une simple nécessité économico-démographique. Elle doit être une occasion de rencontres enrichissantes avec « l’autre », un échange culturel conduisant certainement à plus ou moins long terme à un avenir radieux et peut-être à la paix universelle. Elle est aussi une occasion de tendre la main aux plus démunis et de faire la démonstration de sa supériorité morale. C’est pourquoi, lorsqu’en 2015 Angela Merkel a laissé entrer en Allemagne 1,6 million de demandeurs d’asile (de nombreux Syriens du fait de la guerre), la gauche a scandé unanimement qu’elle avait sauvé l’honneur de l’Union européenne. En réalité, l’Allemagne avait un besoin important de main-d’œuvre et a saisi une opportunité économique.

Les dirigeants de la gauche française sont des réalistes qui instrumentalisent la conviction de leurs électeurs d’appartenir au camp du bien. Ils suivent de très près les indicateurs démographiques et économiques, mais prétendent toujours en public que l’immigration ne pose aucun problème d’identité culturelle ou civilisationnelle.

Cette attitude permet de reléguer dans le camp du mal absolu tous ceux qui appréhendent le sujet sous un angle plus utilitariste. L’hypocrisie de la gauche ne vaut guère mieux que la focalisation de la droite nationaliste sur la civilisation occidentale éternelle.

Une réalité simple mais complexe à gérer

La vérité est toujours proche de la réalité.

Nous avons besoin d’immigrés pour ne pas devenir des peuples vieillissants et décadents. Mais l’aspect culturel, et en particulier l’arrière-plan religieux qui est au fondement même des civilisations, joue un rôle majeur dans le sentiment d’appartenance d’une population. Voilà une réalité intangible, quelles que soient les platitudes idéologiques woke ou nationalistes, et les violences des activistes.

La seule solution à peu près cohérente consiste donc à promouvoir une politique sélective de l’immigration de façon à ce que celle-ci apparaisse comme économiquement nécessaire à l’ensemble de la population. Nous pouvons regretter que le monde soit organisé aujourd’hui en territoires étatiques séparés par des frontières, mais c’est aussi une réalité qui ne disparaîtra pas de sitôt.

Il faut donc faire respecter ces frontières. Sinon, l’incompréhension de la population est assurée et des problèmes politiques graves peuvent naître. Une politique de l’immigration suppose donc des quotas, des contrôles, des sanctions fortes et dissuasives. Elle suppose enfin beaucoup d’ouverture d’esprit pour comprendre ceux qui ont d’autres racines culturelles et ne pas les enfermer dans des identités rigides et fantasmées.

Article publié initialement le 8 juin 2023.

Sources

L’INSEE , cf. le paragraphe intitulé « La majorité des descendants d’immigrés de 3e génération n’ont qu’un seul grand-parent immigré » vers la fin du document : « Si 33 % des personnes de moins de 60 ans ont un lien à l’immigration sur trois générations… »

L’INED , pour 2019, il y avait 15,58 + 32,35 millions de moins de 60 ans. Si on en prend un tiers, cela représente 15,97 millions de personnes.

Voir en ligne : https://www.contrepoints.org/2023/0...