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La manière dont se sont déroulées les élections municipales n’est pas favorable au fonctionnement de notre démocratie. Depuis 2017, M. Macron et son parti sans passé ni racines ont rendu le débat politique confus et incertain. L’arrivée du coronavirus et l’indécision du gouvernement sur sa dangerosité et sur le report des élections ont créé un climat peu propice au vote serein. L’addition des deux facteurs a produit un scrutin marqué par plusieurs phénomènes négatifs : d’abord, le taux d’abstention a atteint son record pour des municipales, l’élection même de la proximité, où l’on élit le maire, de loin l’élu le plus connu par les habitants d’une ville ; ensuite, la « majorité » des votants s’est le plus souvent raccrochée au nom du sortant, du seigneur du fief, du père protecteur de la cité, rassurant dans cette angoissante période, et l’a reconduit pour un nouveau mandat ; enfin, LREM le parti présidentiel a totalement manqué son implantation, et ses rares succès proviennent des maires qui ont pris son étiquette, ou de ceux qui ont conclu des alliances, sans se heurter à une opposition de leur parti d’origine. Les Républicains et le Parti Socialiste demeurent très bien implantés. Les deux formations en progression sont les verts d’EELV et le Rassemblement National… Les premiers arrivent en tête à Lyon, Strasbourg, Besançon et font un excellent score à Bordeaux. Le second voit la plupart de ses élus de 2014 reconduits dès le premier tour alors qu’ils avaient parfois triomphé de triangulaires voire de quadrangulaires. En revanche, il n’y a pas eu pour lui de nouvelle vague, en raison justement de la prime évidente aux sortants : ni Calais, ni Denain ne sont conquises… Perpignan, peut-être.
Il est fort probable que les mesures de confinement destinées à endiguer la propagation du Covid-19 conduiront à reporter le second tour de l’élection. Constitutionnellement, il est alors fort possible que le premier tour doive être rejoué là où le second est nécessaire, car un décalage trop important poserait un problème de droit. Une loi sera-t-elle votée en urgence ? Au-delà se posera une évidente question de légitimité : les élus du premier tour voient déjà celle-ci affaiblie par le taux d’abstention. Elle le sera doublement, si plus tard, dans d’autres communes, les élections se passent normalement, avec une abstention plus faible. L’un des rares succès du gouvernement est Tourcoing où le ministre du budget est élu avec 60% des voix, mais avec 75% d’abstentions. Il est élu par 9000 électeurs pour une ville de 97 000 habitants. Robert Ménard à Béziers (77 000 habitants) a bénéficié de 68% des voix soit 14 000 des 20 000 votants sur 45 000 inscrits. Le nombre d’électeurs qui se déplacent et votent pour un candidat est beaucoup plus révélateur que le pourcentage par rapport à ceux qui se sont déplacés. Il est clair que le Maire de Béziers qui mobilise 14 000 électeurs sur 45 000 jouit d’un socle plus solide que l’élu de Tourcoing qui n’en réunit que 9000 sur 64 000. Derrière les pourcentages qui cachent les vrais chiffres, il y a une des villes les plus pauvres de France, mais qui se redresse et prendra logiquement la tête de l’agglomération, ce que des calculs politiciens ont empêché durant le mandat précédent, Béziers, et une ville-dortoir noyée dans la métropole lilloise dont elle bénéficie en même temps que ses habitants sont de moins en moins les citoyens d’une cité, Tourcoing. Enracinés pauvres contre bobos urbains qui, dans le fond, se moquent un peu de l’endroit où ils vivent puisqu’ils vivent tous de la même manière. Les Biterrois ont voté pour leur maire sans étiquette, mais soutenu par le RN, et avec l’ensemble des autres grands partis contre lui. Les Tourquennois pour un LR devenu LREM sans que son ancien parti suscite une liste contre lui…
Les municipales donnent traditionnellement lieu à un vote qui conforte les maires appréciés de leur commune et en même temps, dans les villes d’une certaine importance, c’est un sondage sur l’adhésion ou l’opposition au gouvernement en place. Tourcoing n’était pas tombée à droite en 2008, sous Sarkozy, mais l’avait fait en 2014, sous Hollande. Ces élections de 2020 ne permettent pas de tirer des conclusions aussi claires, tant le contexte politique et celui du coronavirus brouillent les cartes. Manifestement, le pouvoir actuel n’a pas réussi à implanter un parti qui lui soit propre, mais si les électeurs l’ont rejeté quand il se présentait seul, ils n’ont pas sanctionné les alliances ou les trahisons des élus de gauche et de droite qui permettent au gouvernement de camoufler aujourd’hui son échec.