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Cote de popularité : la malédiction Élysée ?

, popularité : 2%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.
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Par Vincent Féré.

Un article de Trop Libre

Et de trois. Après Nicolas Sarkozy, après François Hollande, voilà qu’Emmanuel Macron est le troisième président de la République à voir sa popularité dépassée par celle de son Premier ministre.

Une règle tacite de la Cinquième République semble donc avoir vécu, celle qui faisait de l’hôte de Matignon le « fusible » à la disposition du chef de l’État pour relancer son action et ménager ses chances de réélection.

La « malédiction Élysée » aurait-elle succédé à la « malédiction Matignon »1 et Macron en sera-t-il la prochaine victime ?

La « malédiction Matignon »

Nombreux sont les Premiers ministres de la Cinquième République qui ont rêvé d’un destin présidentiel ; certains comme Raymond Barre et Édouard Balladur ont même longtemps cru que le rêve allait devenir réalité mais finalement seuls Georges Pompidou et Jacques Chirac sont entrés à l’Élysée, non sans avoir auparavant pris du champ après leur départ de Matignon.

Ils ont ainsi échappé au sort de ceux qui ont vu leur carrière brisée par la volonté du chef de l’État : Chaban-Delmas en 1972 est renvoyé par Pompidou et échoue aux présidentielles en 1974 ; Rocard est selon ses propres termes « viré » par Mitterrand en 1991 et ne peut pas se présenter en 1995. Dans les deux cas, il s’agit de fortes personnalités politiques, en désaccord de fond avec le président et que leur réussite à Matignon n’a pas mis à l’abri d’une disgrâce, au contraire.

Prendre du champ n’a donc pas toujours suffi et Raymond Barre, cinq ans Premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing , candidat à la présidentielle de 1988, donné favori pendant tout le septennat de Mitterrand, n’est même pas qualifié pour le second tour. Cela dit, Giscard d’Estaing lui-même a été empêché de concourir !

Avoir le soutien du président de la République n’a pas davantage été un gage de réussite. Nul n’ignore que Mitterrand avait fait de Laurent Fabius son Premier ministre et son dauphin, comme Chirac avec Dominique de Villepin, pourtant aucun des deux n’a jamais pu ne serait-ce qu’être candidat.

Dernier cas, les périodes de cohabitation qui illustrent au plus haut point la « malédiction Matignon » : Mitterrand a ainsi admirablement exploité sa situation de président de la République pour vaincre son Premier ministre en 1988 et le faire battre en 1993 – Édouard Balladur pourtant alors promis à une victoire certaine a même été écarté du second tour -. Quant à Chirac, en 2002, il a lui aussi été réélu contre son Premier ministre classé troisième.

On a donc longtemps dit que le passage par Matignon était le pire chemin pour aller à l’Élysée. C’est dans le fond la conséquence de la logique même des institutions de la Cinquième République voulue par le général de Gaulle : le président de la République « assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État » (article 5) tandis que le gouvernement sous l’autorité du Premier ministre « détermine et conduit la politique de la nation » (article 20).

Au premier, la légitimité du suffrage universel, la sauvegarde de l’intérêt général et la durée, sept ans ; au second, la gestion quotidienne des affaires et des crises, l’impopularité qui en découle avec, au-dessus de la tête, l’épée de Damoclès non pas parlementaire mais présidentielle.

Le locataire de Matignon sort donc généralement « lessivé » de cet « enfer »2 et ses chances de rebond politique sont ensuite limitées. C’est bien dans ce but d’ailleurs que Mitterrand avait nommé son rival Michel Rocard Premier ministre en 1988 avec l’espoir de « voir à travers au bout de six mois » (sic).

Le changement décisif du quinquennat

En 2000, Jacques Chirac fait adopter par référendum le quinquennat comme durée du mandat présidentiel. Si lui-même continue après sa réélection en 2002 de se comporter en Président arbitre, ne jouant le premier rôle que pour les questions de politique étrangère relevant de son « domaine réservé », il ne peut toutefois pas empêcher la candidature et la victoire de son bouillant ministre de l’Intérieur qui lui succède en 2007 : il n’aurait pas dû lui épargner Matignon !

Avec Nicolas Sarkozy , le premier président de la République à avoir tiré toutes les conséquences du quinquennat, l’hôte de Matignon a eu pour lui la durée : Fillon y est resté pendant tout le mandat. Surtout sa cote de popularité a rapidement et durablement dépassé celle du chef de l’État qui a été battu à la présidentielle de 2012.

Si François Hollande renvoie Jean-Marc Ayrault son terne Premier ministre en 2014, espérant ainsi se relancer dans la perspective de 2017, il oublie alors au passage qu’il est davantage la cause de l’effondrement de la popularité d’Ayrault, pourtant supérieure à la sienne, que l’inverse !

L’arrivée de Manuel Valls à Matignon ne change donc pas l’équation du quinquennat. Pire, Hollande, piètre stratège, s’obstine à voir en Valls un rival potentiel pour 2017 tandis qu’Emmanuel Macron fourbit ses armes sans même se cacher ! Et finalement le président sortant renonce à une nouvelle candidature deux semaines seulement après l’annonce de celle de Macron qui lui succède à l’Élysée !

Avec le quinquennat, la « malédiction Élysée » s’installe en tout cas : Sarkozy a été battu et Hollande n’a pas pu concourir ! Dans le fond, qu’il soit comme Sarkozy un hyper président reléguant son Premier ministre au rang de simple « collaborateur », ou qu’il soit un président « normal » comme Hollande n’y change rien : aux yeux de l’opinion désormais, le chef de l’État « détermine et conduit la politique de la nation ».

Il est donc en première ligne et concentre sur lui les attaques de ses adversaires dans la perspective de la prochaine échéance présidentielle. Relativement épargné, le Premier ministre, au contraire, incarne lui une sorte de « continuité de l’État » en même temps qu’il assure au quotidien le « fonctionnement régulier des pouvoirs publics » !

Étrange retournement par rapport à la lettre et à l’esprit initial des institutions. Un retournement confirmé en tout cas pendant le quinquennat d’Emmanuel Macron dont la popularité est du coup très sensiblement inférieure à celle d’Édouard Philippe.

Mais il y a plus encore : l’alignement des mandats parlementaire et présidentiel a, qu’on le veuille ou non, affaibli le président et renforcé le Premier ministre. Sarkozy n’avait rien à attendre du renvoi de Fillon de Matignon : il l’a donc gardé pendant cinq ans. Et ce dernier y a acquis la légitimité qui explique en partie sa victoire à la primaire présidentielle de 2016 aux dépens de l’ancien président. Hollande, a contrario, n’a rien gagné au renvoi d’Ayrault. Il n’y a plus de « fusible » à Matignon !

Quelles leçons pour la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron et la perspective de 2022 ?

Macron ou comment échapper à la « malédiction Élysée » ?

À deux ans de l’échéance, la grande affaire d’Emmanuel Macron c’est plus que jamais sa réélection. Or le chef de guerre n’a pas tiré de bénéfices de sa stratégie hasardeuse pendant l’épidémie de coronavirus, au contraire. Sera-t-il donc la prochaine victime de la « malédiction Élysée » ?

En tout cas, toutes sortes d’hypothèses circulent, susceptibles de relancer le quinquennat : une dissolution ? Probablement suicidaire. Un référendum ? On croit connaître le résultat. Un changement de Premier ministre ? La rumeur enfle dans la presse, la chose serait même décidée et la date arrêtée.

La fin de l’épidémie, la conclusion prochaine du scrutin municipal, la perte de majorité absolue pour LREM à l’Assemblée, la nécessité surtout pour Emmanuel Macron de reprendre la main : autant d’arguments qui le pousseraient à remanier son gouvernement avant une rentrée qui s’annonce délicate sur le front social.

À la lumière des quinquennats précédents cependant, aucune garantie qu’Édouard Philippe n’échappe à la « malédiction Matignon » et ne devienne un futur prétendant à l’Élysée. Aucune garantie surtout qu’Emmanuel Macron n’échappe à la « malédiction Élysée ».

Une certitude seulement, l’avenir du quinquennat et du chef de l’État se joue dans les semaines qui viennent !

— 

Sur le web Bruno Dive, Françoise Fressoz, La malédiction Matignon, Plon, 2006. ↩ Raphaëlle Bacqué, L’enfer de Matignon, Albin Michel 2009. ↩

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