Les libertés se bradent. Elles deviennent, pour le Pouvoir, des variables d’ajustement, sans éveiller les « grandes consciences » assoupies. Lundi, j‘avais évoqué ici la suspension scandaleuse, par l’Education nationale, de deux professeurs (Franklin Nyamsi et René Chiche), coupables aux yeux de Pap NDiaye de trop exprimer leurs critiques sur les réseaux sociaux. Depuis, je n’ai pas noté de mobilisation, notamment des enseignants, pour protester contre cette atteinte à la liberté d’expression. Mardi, tandis qu’Emmanuel Macron avait, la veille, rendu hommage à la Résistance en évitant tout contact avec le peuple, c’est une chercheuse du CNRS qui a été lâchée par la Sorbonne sous la pression des censeurs. En l’occurrence, Florence Bergeaud-Blackler, auteur d’une enquête sur « Le frérisme et ses réseaux » (Odile Jacob), devait tenir une conférence le 12 mai au sein de l’université parisienne. C’est l’anthropologue elle-même, menacée de mort pour « islamophobie », qui a dû annoncer sur les réseaux sociaux, sans en avoir été informée directement, la décision de la doyenne de la Faculté de Lettres de suspendre son intervention, prétextant des questions de sécurité. Je n’ai pas noté, là non plus, de protestations venues de la ministre de l’Enseignement supérieur, Sylvie Retailleau, ou des pétitionnaires professionnels. Cette énième capitulation de l’Université face aux intimidations et aux menaces de minorités militantes illustre la démonétisation des libertés fondamentales au cœur de ce qui était naguère, dans l’Université, le lieu sacré de la parole et de la confrontation des idées.
En réalité la macronie, contestée par le peuple réfractaire, a pris goût aux mesures liberticides. La docilité avec laquelle les Français ont accepté, durant la crise sanitaire, de réduire leurs propres libertés individuelles au prix de leur sécurité, a désinhibé le Pouvoir dans l’affichage de son autoritarisme. Gérald Darmanin poursuit ce travers quand il veut aujourd’hui interdire également des manifestations, en violation du principe constitutionnel sur la liberté de manifester. En fait, la traque aux casserolades est en train de se transformer en politique d’aseptisation des protestations. Ainsi, prenant prétexte d’un rassemblement rituel depuis 30 ans, qui a eu lieu samedi à Paris, de 500 néo-fascistes grotesques et répulsifs, le ministre de l’Intérieur a annoncé, mardi, avoir donné de nouvelles instructions aux préfets. Ils devront interdire des manifestations « d’ultradroite ou d’extrême droite », en laissant aux tribunaux le soin de statuer. Sachant que tout ce qui n’est pas conforme au discours officiel est assez vite taxé d’ « extrême droite », ce feu vert de Darmanin ouvre la voie à tous les abus. D’autant que son combat outré contre des groupuscules de nazillons détourne les regards sur les dérives insurrectionnelles de l’extrême gauche totalitaire qui appelle à tuer du flic, à renverser la République et à rejouer la Terreur de 1793. Oui, il est urgent de défendre les libertés en péril !