Une « short list » de candidats à la direction générale de Renault a été ou va être déposée devant le conseil d’administration de Renault. On pourrait traduire « short list » par « liste abrégée », mais la vérité est que cette liste n’a pas été abrégée, on ne s’est pas bousculé au portillon pour prendre la direction générale de Renault et gérer la coopération avec Nissan.
Et ceux qui se sont présentés font plutôt figure de joueurs deuxième division, on parle de gens de Faurecia, de Seat et d’Alstom, ça ne fait pas très envie, il faut aussi ajouter la candidature interne de la directrice financière, l’exemple type du deuxième couteau qui croit que son heure arrivée parce que le calife est tombé. Bref pas un cador de l’industrie automobile n’a été tenté par l’aventure.
Il faut dire que la situation est impossible.
Nissan, une entreprise japonaise, ne veut pas devenir une entreprise française. Elle l’a violemment fait savoir en envoyant Carlos Ghosn devant l’un des systèmes judiciaires les plus rigoureux au monde : taux de condamnation lors d’un procès 99%.
Et ce n’est pas seulement Nissan, d’après Bertille Bayart et Emmanuel Egloff, les deux journalistes du Figaro auteurs du livre « Le Piège » sur la chute de Carlos Ghosn, c’est tout le Japon qui a regimbé, sa justice qui a fait confiance à Nissan pour réunir les preuves, ses yakusas et même le très puissant MITI le ministère de l’Économie au Japon sans qui rien ne se fait dans les grandes entreprises du pays.
Résultat, aujourd’hui Jean-Dominique Senard est l’otage des Japonais, et, incroyable ironie de l’histoire, c’était déjà le cas un demi-siècle plus tôt de son père, Jacques Senard. Ce dernier, diplomate, était en poste à la Haye quand a eu lieu le 13 septembre 1974 la prise d’otages de l’ambassade de France à La Haye, un acte terroriste organisé et exécuté par l’Armée rouge japonaise (JRA) dans l’espoir de faire libérer un de ses militants arrêté à Paris deux mois plus tôt.
Si c’est un signe du destin, alors il est particulièrement inquiétant car à l’époque, suite à l’attentat du drugstore Publicis sur le boulevard Saint-Germain le 15 septembre 1974, le gouvernement français avait cédé sur toute la ligne et les preneurs d’otages avaient pu partir en avion avec une rançon de 300 000 dollars et Yoshaki Yamada a été libéré. Est-ce qu’il en ira de même aujourd’hui avec l’État français qui détient 15% du capital de Renault et 30% des droits de vote (suite à la loi de 2015 sur les actionnaires de long terme) ?
Tout ce qu’on peut lui dire à cet État, c’est que Renault n’a pas non plus la moindre intention de devenir une entreprise Japonaise, l’illustration en en-tête de l’article montre qu’en dépit de l’épaisse carapace de judaïquement correct qui prévaut chez Renault, une sourde résistance, ou à tout le moins une désapprobation, se maintient.
Le Japon aux Japonais et la France aux Français, c’est aussi simple que ça.
Mais non, l’alliance Renault-Nissan préfère les combinaisons alambiquées et vient de poser une rustine : un Libanais vient d’être nommé secrétaire général de l’alliance dont il devra coordonner les grands projets en commun. Le raisonnement adopté est simple : l’alliance ne peut pas être dirigée par un Japonais, elle ne peut pas non plus l’être par un Français, donc on trouve quelqu’un à peu près au milieu, au moins géographiquement : un Libanais.
Voilà à quel genre d’expédient on a recours, ça tiendra ce que ça tiendra.
Francis Goumain