Qu’est-ce qu’un pays qui, comme on dit, cocherait toutes les cases de la dictature ? On parle bien de dictature, non de totalitarisme pour lequel il faudrait un parti unique animé par une idéologie envahissante. Une dictature, c’est d’abord un pouvoir personnel, une direction de l’Etat assurée par une seule personne dont tout dépend. Depuis plus d’un an, la France vit au rythme du “Jacques a dit”, un jeu où Jacques se prénomme Emmanuel : ” Allez au théâtre”, puis deux jours plus tard “confinez-vous”, puis “ne vous confinez plus”. Les changements d’avis dépendent non de l’intérêt de la population mais de l’inspiration d’un chef malgré tout soucieux de sa popularité. Les dictateurs modernes souhaitent être populaires. Ce ne sont pas des tyrans. C’est pourquoi leur communication écrase par sa présence et sa densité l’opposition. Si une angoisse particulière obsède l’opinion publique, celle-ci devient très réceptive aux messages du grand protecteur.
La stratégie de la peur dont parle Michel Maffesoli est une arme puissante mais peu visible dans les mains du dictateur : elle n’interdit pas, elle suscite l’autocensure, l’enfermement volontaire, le déguisement permanent. Les médias aux ordres relaient la grande peur, celle de la pandémie, mais plus encore celle dont l’objet, horreur des bien-pensants, a été repoussé à coups de LBD et noyé sous le gaz lacrymogène, puis confiné et masqué grâce à la divine surprise du covid : l’épouvantable populisme, le peuple qui au lieu de se soumettre et d’applaudir commence à siffler le “conducator” comme sur n’importe quelle place de Bucarest. Quoi de plus pratique qu’un “Etat d’urgence” appuyé sur une menace qui justifie que les citoyens se terrent chez eux, ne se réunissent plus, ne se rassemblent plus, ne circulent plus beaucoup, et ne parlent qu’avec un bâillon sur la bouche, réel contre le covid et virtuel pour éviter de se retrouver devant des juges au nom des lois qui se sont multipliées pour étrangler la libre parole ?
Une dictature, c’est aussi une absence de séparation des pouvoirs. L’Assemblée nationale est en France une chambre d’enregistrement des décisions présidentielles : les lois sont les oukases de l’Elysée votés par une majorité soumise, une majorité qui doit son existence au chef plus qu’à des électeurs, et oublie totalement le rôle de contrôle de l’exécutif que détient le Parlement. Quant à la justice, la récente condamnation de Sarkozy, enfin touché par le chasseur qui multiplie ses tirs contre lui, elle paraît suffisamment disproportionnée pour qu’on s’interroge. L’ancien président doit bien avoir quelque chose à se reprocher parmi les nombreuses casseroles qu’on fait teinter à ses basques, mais celle qui a permis le tir au but est bien légère, une intention non réalisée découverte dans le cadre d’une autre enquête. Depuis 2017, le PNF créé par Hollande, dont la rapidité et la débauche de moyens seraient bienvenues contre la criminalité quotidienne qui touche les “gens qui ne sont rien”, se révèle une machine très efficace pour éliminer les obstacles à l’élection ou la réélection de Macron ? Le nombre des affaires touchant ses proches qui n’avancent guère, la morgue avec laquelle le prince a fait d’un ministre mis en examen le président de l”Assemblée Nationale, sont des indices troublants sur l’état de notre démocratie. Un président, élu dans des conditions douteuses et qui prépare sa réélection à l’identique, ne correspond pas à l’idée d’une démocratie où le peuple choisit et où l’alternance est possible.
Le covid altère les sensations olfactives des individus. Il rend sourd aussi, sourd à l’étranglement progressif des libertés de s’exprimer, de manifester, de s’opposer. Les étrangleuses, ce sont les lois, celle sur la manipulation de l’information (Fake news), destinée à ne permettre que celle du pouvoir, celle contre les contenus haineux sur internet, heureusement censurée en grande partie, mais sans conséquence puisque les réseaux sociaux pratiquent une justice privée qui pourchasse les hérétiques, celle sur la sécurité globale, enfin. Les libertés de se déplacer, de travailler, de se récréer, de prescrire pour les médecins sont étouffées. Les fichages, en revanche, se multiplient. La scandaleuse dissolution de Génération identitaire par décret coche aussi une case de la dictature. Comme dans la célèbre affaire Callas, pas de preuve, des demi-preuves, des quarts de preuve : une milice sans armes, des déclarations de membres mais non mandatés par lui, l’obole d’un extrémiste néo-zélandais. Il fallait éliminer ceux qui osent montrer la défaillance gravissime du pouvoir face à l’immigration massive et illégale, et à l’impunité des bandes dans les quartiers perdus de la République. La dissolution d’un mouvement qui n’a nullement transgressé les lois de la République, mais a voulu être plus “national” que la nation, plus patriote en somme, est-il condamnable ?
Là, effectivement on découvre qu’une case de la dictature n’est pas cochée. En général, les dictatures sont nationalistes. Le pouvoir en France ne l’est pas. Il est même le contraire. Le président aime disqualifier un peuple qu’il n’aime pas, les Gaulois réfractaires, procureurs de son action, mais en revanche le voici qui vient une fois de plus salir l’action de la France et de son armée en Algérie, à propos de l’exécution d’un rebelle lors de la Bataille d’Alger quand les “paras” luttaient contre des terroristes qui n’hésitaient pas à frapper les foules innocentes. Cela fait suite à une logique de repentance indigne d’un Chef de l’Etat qui devrait au contraire cultiver la fierté nationale. Non seulement la France n’a aucune dette envers un pays qu’elle a créé et équipé, mais cette autoflagellation stupide ne peut que susciter une rancune et un mépris aussi dangereux qu’infondés chez les immigrés d’origine algérienne, et ainsi empêcher leur intégration.
La dictature du “parti de l’étranger”, c’est assez rare… Encore que l’Histoire en offre des exemples…