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L’IRREDUCTIBLE MENHIR

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« Quand vient l’heure de l’adversité, tous deviennent courageux contre celui qui tombe »

(Lord Byron, « Sardanapale »)

Je vais vous faire un aveu : Je suis un inguérissable nostalgique… Et cette nostalgie me vient tout simplement d’un présent qui n’est pas à la hauteur des promesses du passé. « Le passé est un fleuve qu’on ne remonte jamais » disait Henry Bataille. C’est la raison pour laquelle –je le confesse honteusement- j’éprouve une certaine tendresse pour Jean-Marie Le Pen.

Je sais… je sais… Par les temps qui courent, ce n’est pas bien, ce n’est pas moral me direz-vous mais que voulez-vous ; je suis ainsi fait ! Je n’appartiens pas à la caste des oublieux, ni à celle des ambitieux, ni à celle des carriéristes sans foi ni loi…

Jean-Marie Le Pen n’est ni fréquentable, ni honorable vitupère-t-on à l’envi… Et alors ? Dans ce monde grouillant de politiciens véreux qui composent le damier des prétendants au trône, qui l’est vraiment ?...

Il adore être entouré, congratulé, aimé… Il apprécie particulièrement les chansons paillardes, le rire, la beauté sous toute ses formes, la vie quoi !… C’est grave docteur ?...

Il aimerait l’argent, les femmes et le pouvoir… Eh bien ? Qui n’a pas rêvé de se prélasser avec délice -ne serait-ce qu’un instant- dans cet univers pernicieux que les « puissants » de ce monde fréquentent dans une indicible extase ?... Il serait également antisémite, islamophobe, xénophobe, homophobe, raciste et j’en passe… Bon, bon, d’accord… Connaissez-vous quelqu’un qui ne l’est pas ? La « bienpensance » ? Les « moralistes à la conscience pure » ? La « gauche caviar » ? Foutaise !... Vous croyez, vous, en ces bonimenteurs ?...

Et quoi d’autre encore ? Ah oui, j’oubliais le principal… Il savoure particulièrement le fait de passer dans la « lumière » de l’actualité comme les acteurs le sont dans la lumière des feux de la rampe. C’est que Jean-Marie Le Pen est un acteur né ! Sa vocation réelle, ce sont les planches. Il aurait probablement excellé au théâtre dans un rôle de comique troupier : « Ah ! Brigands, vous ne jetterez pas à l’eau comme une huître un ancien troupier de Napoléon ! » se serait-il alors exclamé avec délice dans « La femme de trente ans », parallèle saisissant de cette pièce d’Honoré de Balzac avec la conjoncture présente… Mais le destin en a décidé autrement. En en faisant un chef de parti politique, il nous a privés d’un fabuleux acteur, d’un tragédien hors pair…

Alors, à défaut de spectacle, Jean-Marie Le Pen fait de la politique en artiste. Depuis 60 ans, cet orateur né, ce tribun charismatique et visionnaire que tous les chefs de parti envient en grand secret, remplit les salles, harangue les foules, dénonce, condamne, provoque… tout en s’attardant avec bonheur sur les subjonctifs. 60 ans d’incantations, de controverses et de saillies légendaires…

Qu’importe les réactions de la « nomenklatura » et des médias ! Lui, ce qu’il veut, c’est qu’on parle de lui. En bien ou en mal, peu importe ! L’essentiel, c’est qu’on parle de lui. Et plus on parle de lui, plus il est heureux. Son propre, c’est de provoquer à chacune de ses interventions, une extase organique, d’emmerder les cons(ciences) trop coincées et de tourner en dérision les sujets les plus graves. Sa constante, comme la célèbre devise de Pierre Dac, c’est d’être « pour tout ce qui est contre, et contre tout ce qui est pour ». Le pouvoir ? Ce n’est pas qu’il n’ait jamais voulu l’obtenir, ce n’est pas qu’il ait voulu fuir ses responsabilités comme le prétendent les docteurs ès sciences politiques et leurs satellites devins, c’est que, tout simplement, compte tenu de l’état avancé de délabrement de la France, il ne s’est jamais fait la moindre illusion sur la capacité de quiconque –lui compris- à empêcher son inéluctable naufrage.

Qu’ils l’adulent ou le rejettent, pour la plupart des Français, Jean-Marie Le Pen, l’irréductible menhir, le champion de la provoc et de l’audimat, demeure à ce jour le dernier Gaulois de la politique française. Au crépuscule de sa vie, il sait n’attendre aucune indulgence de la part de ses détracteurs et, à l’instar d’Alfred de Musset, le « poète souffrant », laisse exhaler sa douleur : « Le monde n’a de pitié que pour les maux dont on meurt »… Alors, s’il doit mourir qu’il meure en sublime comédien qu’il est ! Son plus grand rôle lui tend les bras, celui qui le magnifierait aux yeux de la postérité : Sardanapale (1), ce roi légendaire de Ninive en Assyrie qui, voyant le pouvoir lui échapper à la suite d’une conspiration, choisit lorsqu’il se rendit compte que sa défaite était inéluctable, de se jeter en compagnie de sa favorite, Myrrha, dans les flammes d’un gigantesque bûcher.

Mais, face à cette impuissance à contrarier ses passions et son destin, nul besoin de sang ni de mort violente. Et Racine de l’expliquer dans la préface de Bérénice : « Il suffit que l’action en soit grande, que les acteurs soient héroïques, que les passions y soient excitées, pour provoquer cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie ».

Reclus dans son désespoir et sa tristesse, cerné par la trahison, acculé à une confrontation familiale destructrice qui le consume inexorablement, c’est dans un poème d’Alfred de Musset, « Tristesse », que cet homme, éternellement accusé des pires crimes médiatico-politiques, dans le couloir de la mort du politiquement correct depuis 60 ans, exprimera le 21 octobre 2014 dans le film de Serge Moati : « Adieu Le Pen », ses sentiments intimes et mélancoliques et confirmera sa nature à jamais tourmentée :

« Dieu parle, il faut qu’on lui réponde.

Le seul bien qui me reste au monde

Est d’avoir quelquefois pleuré. »

José CASTANO

Courriel : joseph.castano0508 chez orange.fr

Voir en ligne : http://jose.castano.over-blog.com/2...