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Avenir & présent (Esprit syndical <>Google)

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L’esprit syndical

Ce matin, dans une émission TV consacrée à l’économie, j’entendais une discussion passionnée entre des intervenants discutant des « stock options ». C’est-à-dire, en résumant, la possibilité de rétribuer partiellement le personnel en actions de la société. Une forme de participation aux bénéfices, donc. (1)

Difficile à admettre donc pour un syndicaliste, même s’il n’est que borgne. J’ignore s’il y en avait un ou deux autour des micros, mais l’esprit syndical n’était manifestement pas absent. Et pourtant cette discussion passionnée en est finalement arrivée à un très relatif consensus sur le fait que cela pourrait en effet donner aux « start-up » ne disposant que de peu de ressources financières, le moyen d’attirer des « cerveaux » bien faits et ambitieux.

Difficile à encaisser, évidemment, lorsqu’on baigne dans le syndicalisme, même si le pays ne compte que 8% de syndiqués... Vous imaginez les risques que la participation aux bénéfices ferait courir si cela s’étendait à toutes les catégories de personnel comme cela se pratique dans des boîtes américaines ?

On sentait déjà rôder l’ombre de la remise en question du smic, des avantages acquis (ici une pensée à la SNCF…), de la remise en question des riches syndicats eux-mêmes ! Intéresser les salariés aux résultats de leur entreprise…. Déjà que le modèle allemand des syndicats représentés aux conseils d’administration leur donne des sueurs froides. Alors, des salariés devenus actionnaires, vous pensez !

Un peu ébranlés quand même, il semblait que les opposants pourraient accepter l’idée - attention, dans le cadre d’un simple débat médiatique qui n’engage à rien- pourraient accepter l’idée de « stock-options » à condition qu’elles soient interdites dans les entreprises non start-up, celles-ci étant donc présupposées faire éternellement des bénéfices. Ce qui veut dire que les dits salariés, cadres ou pas, d’une entreprise devenue prospère perdraient subitement l’avantage du risque pris quelques années plus tôt. Pas question pour eux d’aller grossir les rangs de ceux qui sont devenus aisés, très aisés, ou même riches grâce à leur entreprise. C’est-à-dire aussi que pour certains il semble acquis qu’une entreprise, pour rester prospère en évoluant, ne devrait plus pouvoir attirer les meilleurs, du bas en haut de l’échelle.

Voilà dans quoi nous sommes englués. Un « esprit syndical » préférant laisser le risque d’entreprendre aux déjà riches. Merci l’esprit syndical !

(1) Intéressant de noter que ce débat médiatique se tenait le lendemain de la journée passée par le président dans la Silicon Valley à rencontrer des dirigeants de sociétés devenues assez rapidement des géants économiques mondiaux.

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A l’inverse de ce qui précède, voyons maintenant, en se servant d’un article publié par le JDD, un exemple emblématique de la réussite telle qu’on la conçoit aux USA. On aurait pu l’intituler « Où le vertigineux rejoint l’inquiétant ». N’est-ce pas cela qui devrait être un sujet de discussion intéressant ? Je vous laisse juger.

« La stratégie secrète de Google apparaît…"

INTERVIEW - Laurent Alexandre, expert en technologies du futur, analyse le nouveau rôle de Google dans nos vies et dans nos sociétés.

http://cdn2-lejdd.ladmedia.fr/design/lejdd/images/blank.gifSelon Laurent Alexandre, Google est le premier embryon d’intelligence artificielle au monde. (Reuters)

Laurent Alexandre est une personnalité atypique dont l’expertise est écoutée. Chirurgien urologue de formation, diplômé de l’ENA, HEC et Sciences-Po, cofondateur de Doctissimo.fr, il préside désormais la société de séquençage de génome DNA Vision. Ce "cerveau" s’intéresse "aux bouleversements qu’entraîneront pour l’humanité les progrès de la science, de la technomédecine et des biotechnologies". Il y a consacré un essai remarqué intitulé La Mort de la mort dans lequel il affirme que "l’homme qui vivra 1.000 ans est déjà né".

Google est le premier embryon d’intelligence artificielle au monde, selon vous. Pourquoi ?
L’objectif des dirigeants de Google est de transformer leur moteur de recherche en intelligence artificielle. Progressivement ils s’en rapprochent. En fait, personne ne l’a vu venir, ni les utilisateurs quotidiens du moteur de recherche, ni ses concurrents. Il a fallu du temps pour que la stratégie des dirigeants de Google soit comprise. Je suis bluffé par la vitesse à laquelle cette société contrôle les industries clés du XXIe siècle.

Expliquez-vous…
Regardez la vague de rachats de start-up et de sociétés auxquels Google procède ! En deux ans, cette entreprise a réussi à préempter trois marchés clés. Celui de la lutte contre la mort : elle a créé Calico, une filiale qui a cet objectif fou d’augmenter l’espérance de vie de vingt ans d’ici à 2035. Elle a investi dans le séquençage ADN avec sa filiale 23andMe, mais aussi dans un projet de lentilles intelligentes pour les diabétiques, qui mesurent en temps réel votre glycémie. Parallèlement et en moins d’un an, Google a racheté les huit principales sociétés de robotique. Dont Boston Dynamics, qui crée le chien robot "BigDog" pour l’armée américaine, ou Nest, leader mondial de la domotique et des objets intelligents… Pendant ce temps, sa Google Car, un mélange incroyable de robotique et d’intelligence artificielle, roule seule sur des milliers de kilomètres sur les routes de Californie sans accident. Si en l’an 2000 vous évoquiez l’idée d’une voiture robot autonome, tout le monde riait ! En 2025, elle sera démocratisée. Enfin, depuis quelques années, Google débauche les plus grands noms de l’intelligence artificielle. Comme Ray Kurzweil, le "pape" du transhumanisme, qui vient d’être nommé ingénieur en chef du moteur de recherche.

« Google maîtrise toutes les technologies qui sous-tendent le transhumanisme »

Quel est le lien entre l’idéologie "transhumaniste" et Google ?
Cette idéologie est née dans les années 1950. Elle considère légitime d’utiliser tous les moyens technologiques et scientifiques pour augmenter les capacités de l’homme – son corps, son cerveau, son ADN – et pour faire reculer la mort. À l’époque, c’était de la science-fiction ; aujourd’hui cela devient concret. Google soutient cette idéologie et maîtrise toutes les technologies qui la sous-tendent : la robotique, l’informatique, les moteurs de recherche et l’intelligence artificielle, les nanobiotechnologies, le séquençage ADN dont le coût a été divisé par 3 millions en dix ans…

Quel est le but de cette croissance tentaculaire ?
Une société qui maîtrise l’intelligence artificielle – et Google est la plus avancée sur ce terrain –peut potentiellement entrer dans n’importe quel domaine. Elle le fait d’ailleurs : elle est même présente dans les VTC qui concurrencent les taxis avec Uber, une filiale de Google Ventures ! En réalité, Google est beaucoup plus qu’une société informatique. Les principaux acteurs de la robotique viennent de le comprendre ; mais trop tard, Google a déjà racheté les meilleurs d’entre eux à bon prix. Cette stratégie est bluffante… Google a été la première à comprendre la puissance de la révolution des technologies NBIC, cette convergence de quatre vagues (nanotechnologies, bio-ingénierie, informatique et cognitique) qui va construire le XXIe siècle et donner une puissance extraordinaire à la lutte contre la mort. Car ces technologies NBIC constituent en réalité une seule et immense industrie, qui contrôlera toutes les autres.

Aucun concurrent de taille pour ébranler ce géant ?
Si les rumeurs assurant qu’Apple débauche les principaux spécialistes de la santé électronique se vérifient, si le projet de montre iWatch consiste bien en un instrument de mesure en continu des variables de santé… alors Apple pourrait peut-être le concurrencer sur l’ensemble des NBIC. Mais il en est encore très, très, très loin.

Qui contrôle Google aujourd’hui ?
Personne, en dehors de ses actionnaires. Or il me semble indispensable d’encadrer l’intelligence artificielle au niveau mondial, de poser des garde-fous. Les États-Unis y réfléchissent sérieusement. L’Asie aussi. En Europe ? On est largué, on regarde le train passer… Google est une société magnifique. Pourtant, si elle devient leader en matière de lutte contre la mort, d’intelligence artificielle, de robotique, de domotique, de voitures intelligentes, il faudra vraiment réfléchir à la démanteler ! Elle pourrait devenir plus puissante que les États.

Le tableau est effrayant… N’est-ce pas trop tard ?
Il n’est jamais trop tard. Mais la croissance très rapide des technologies NBIC rend possible ce qui relevait jadis de la science-fiction. La bataille entre le microprocesseur et le neurone a commencé, et l’intelligence artificielle arrive à grands pas. Selon la loi de Moore, la puissance informatique double très rapidement. Le nombre d’opérations réalisées par les plus gros ordinateurs est multiplié par 1.000 tous les dix ans et donc par 1.000.000 en vingt ans. En 1950, un ordinateur effectuait 1.000 opérations par seconde. Aujourd’hui, on atteint 33 millions de milliards d’opérations par seconde. Ce sera 1.000 milliards de milliards en 2029 ! Autour de 2040 émergeront des machines dotées de la capacité du cerveau humain. Et d’ici à la fin du siècle, elles nous dépasseront en intelligence, ce qui poussera l’homme à vouloir "s’augmenter" par tous les moyens. Imaginez si de tels robots, plus forts que nous, ayant accès à l’intelligence artificielle et à l’impression 3D, connectés et contrôlant Internet, existaient… Leur pouvoir de manipulation serait quasi illimité. Quand "BigDog" aura un fusil d’assaut M16 dans les mains, il vaudra mieux ne pas se promener en forêt !

Juliette Demey - Le Journal du Dimanche

samedi 08 février 2014