« Le FN doit-il être encore boycotté par le Crif ? »
Marine Le Pen n’est toujours pas la bienvenue au Crif. La présidente du FN n’a pas été invitée, ce mercredi, à participer au dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France. "Autour du FN, on doit maintenir le cordon sanitaire, ne pas faire sauter le verrou moral", estime Francis Kalifat, le président du Crif. Au moins trois candidats à la présidentielle seront présents : François Fillon, Emmanuel Macron et Benoît Hamon. Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot, le candidat EELV, n’ont pas non plus reçu leur carton. "Les écologistes ont des positions qui ne sont pas claires, notamment à l’endroit du boycott anti-israélien qui, je le rappelle, est illégal", explique Kalifat. Il justifie ainsi son véto aux présences de Le Pen et Mélenchon : "L’extrême droite et l’extrême gauche véhiculent la haine : d’un côté le rejet de l’étranger, de l’autre la délégitimation d’Israël". Il y a deux ans, Roger Cukierman, alors président de l’organisation, avait néanmoins laissé paraître un non-dit sur la personne de Marine le Pen : "Je crois qu’on est tous conscients dans le monde juif que derrière Marine Le Pen, qui est irréprochable personnellement, il y a tous les négationnistes, tous les vichystes, tous les pétainistes". En réalité, la posture morale à laquelle se tient le Crif devient de plus en plus artificielle et fragile. L’antisémitisme a, en effet, depuis longtemps changé de camp. Les nouveaux Collaborateurs se rencontrent en abondance chez ceux qui, à gauche, sont prêts à pactiser avec l’islam radical et judéophobe que Le Pen a justement entrepris, comme Fillon, de combattre.
La pensée automatique n’aide pas à observer les réalités du terrain. La présence de Hamon au dîner du Crif résulte d’une indulgence pour un progressisme qui ne fait pas mystère de vouloir acheter la paix sociale. Cette politique d’"apaisement", clef de voute du politiquement correct, peut paraître rassurante. Mais les munichois raisonnaient déjà de la sorte face au totalitarisme hitlérien. Pour ma part, je crois cette gauche ambigüe, pour la raison que son clientélisme communautariste lui fera toujours préférer, au bout du compte, la cause palestinienne et ses conséquences françaises. La fascination de l’extrême gauche pour l’islam révolutionnaire et antisioniste n’est guère éloignée de celle partagée par la gauche marxiste qui veut voir dans le musulman le nouveau prolétaire à qui le pouvoir est promis. A contrario, je ne vois pas dans le FN, recentré par Marine Le Pen, une telle approche complaisante. Son positionnement contre l’islam politique et ses exigences de visibilité est semblable à celui de Fillon qui dit vouloir "vaincre le totalitarisme islamique". Si des Français juifs quittent le pays, ce n’est pas parce que le FN grimpe dans les sondages, mais parce qu’ils ne se sentent plus protégés contre le nouvel antisémitisme. Tout dans le passé du Front national nostalgique du vichysme est répulsif. Mais à trop vouloir chasser les fantômes, le Crif risque de s’aveugler sur les revenants de l’autre bord.